DILLINGER N’EST PAS MORT

Les cinéphiles pourront croire que ce billet est consacré au film de Marco Ferreri (Dillinger est mort) où Michel Piccoli interprétait une sorte de héros nihiliste il y a quelque cinquante ans. Il n’en est rien. Le “Dillinger” dont je parle fut un héros plus vivant, plus vivace, et plus indispensable pour qui souhaiterait jeter un regard aiguisé sur notre passé, notre avenir, et les soubresauts contemporains dans lesquels nous nous engloutissons, grâce aux efforts incessants de personnages qui se retrouveront dans la boue de l’Histoire. Toute référence au président actuel n’étant que hasard biologique.

Je ne vous raconterai pas la carrière de Georges Dillinger, ce qui mériterait un bel opuscule nous faisant voyager en Algérie, au Sahara, dans l’Alberta, en Espagne et en Israël. Géologue, explorateur, universitaire, il fut un savant de terrain reconnu dans les sociétés scientifiques, mais aussi un conseiller apprécié et écouté dans les plus grandes sociétés pétrolières. Et si cela ne suffisait pas, Georges Dillinger fut aussi un témoin à l’esprit précis et aiguisé de son temps, qui est malheureusement devenu le nôtre.

L’extrait suivant vous en donnera une idée, avec quelques arguments pour juger le niveau de nos politiciens guignolesques et décalés. Le titre de l’ouvrage : Français d’Algérie, Face au vent de l’histoire (Publications GD, Paris 2002).

Antoine Solmer

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CHAPITRE XIV
BOUTEFLIKA CHEZ NOUS :
LE MÉPRIS ET LA HAINE
POUR UNE FRANCE COUCHÉE

La réconciliation entre la France et l’Algérie

L’invitation adressée par notre gouvernement au Président algérien Bouteflika, à la mi-juin 2000, a été placée sous le signe de la réconciliation et le terme a été repris par tout ce qui s’exprime en France. Une question préalable : qu’y avait-il donc à réconcilier entre la France, plus que  jamais gaulliste, et l’Algérie, toujours d’obédience F.L.N.? Il est en effet de notoriété publique que la République avait donné ces départements algériens au F.L.N. qui malmène ce pays depuis 38 ans, que Paris a payé les hydrocarbures sahariens – que nous avions découverts à nos frais et dont nous avons été spoliés – plus cher que le cours mondial ; que notre territoire héberge sur son sol la plus forte diaspora algérienne ; que la France ne se fait payer qu’en monnaie de singe (“la dette”) une partie importante de ses exportations vers l’Algérie, etc. Passons.

La guerre d’Algérie et la fin inqualifiable qui lui a été donnée, ont été parmi les événements les plus dramatiques qu’ait connus notre pays et leurs séquelles loin de s’éteindre ne font que s’amplifier. Dès le début des années 50, l’utilisation des différences – en particulier raciales et religieuses – par les révolutionnaires pour embraser les pires haines, le recours systématique à la terreur pour asservir la population, les incohérences de la IVe République puis les serments mensongers et les ignobles trahisons de la Ve, l’abandon des Européens d’Algérie voués à la mort ou contraints à l’exil de cette terre qu’ils avaient tant contribué à féconder, l’abandon non moins impardonnable de millions de Français musulmans – et non point seulement des harkis – dont l’immense majorité était pour la France en 1954, , la ruine de l’œuvre colonisatrice réalisée par la France et par toutes les communautés d’Algérie, ruine accomplie par un parti totalitaire, corrompu et inefficace, la fuite de millions de ressortissants algériens vers la France depuis 1962, bref tout n’a été que drames, déchirements, sang et pleurs. Et encore a-t-il fallu que le manteau du mensonge, de la diffamation et de la calomnie vienne ajouter sa honte à notre douleur et à notre désespoir. Il nous faudra donc surmonter des passions naturelles, des passions légitimes pour tenter d’évaluer avec objectivité les tenants et aboutissants de la visite de Bouteflika en France.

Quels que soient les sentiments que peut susciter chez nous cette
Algérie qui est issue d’une amputation de la terre et de la chair française – actuellement en putréfaction avancée -, il est vrai qu’un rapprochement entre nos deux pays est une obligation. Celle-ci résulte à la fois de la proximité géographique, donnée qui ne saurait être remise en question, d’une histoire commune plus que séculaire et d’inévitables perspectives d’avenir. A l’opposé des fabulations de la pensée unique, il faut savoir que c’est la France qui a sorti ce vaste territoire de la stagnation et de la barbarie de l’islam et des griffes des deys et des janissaires turcs. C’est la France qui a apporté la civilisation à cette terre, dépourvue de structures étatiques et administratives, où les tribus se combattaient dans une anarchie chronique sans qu’une histoire et un idéal communs n’aient la moindre chance de forger un peuple. La France a apporté à cette terre son unité, son nom, ses limites repoussées jusqu’à des confins qui jamais n’avaient dépendu d’Alger. Elle a pacifié ce pays. Elle a réalisé des progrès médicaux considérables, des infrastructures qui manquaient totalement, une amélioration des conditions matérielles sans équivalent dans quelque autre pays arabe contemporain. Elle a développé son agriculture et son équipement hydraulique comme cela n’avait existé depuis l’époque romaine. Elle a propagé l’instruction ; ce dont témoigne le fait que quarante ans après l’indépendance, plus d’écrivains algériens publient en français qu’ils ne le font en arabe.
D’un autre côté, la France a bénéficié du labeur des travailleurs algériens et elle a eu l’honneur de voir des milliers de citoyens français musulmans se dévouer et se sacrifier pour elle au cours de nombreuses guerres. Ces pages d’histoire peuvent-elles être oubliées ? Et à supposer qu’on veuille les tourner, peut-on ignorer l’immigration-inondation algérienne en laquelle hélas semblent se cantonner actuellement les rapports existant entre nos deux pays ?

Présentement cette réconciliation serait aussi guidée par l’économie et l’intérêt. Le recours aux hydrocarbures algériens diminuerait notre dépendance à l’égard d’un Proche-Orient dont les turbulences et les caprices sont toujours à redouter. L’ Algérie dont l’industrie ne décolle pas, serait un client de choix pour nos productions nationales : aviation civile et militaire, hélicoptères, · armements,  automobiles et denrées alimentaires ou manufacturées les plus diverses. Bref des perspectives alléchantes à condition, bien entendu, que ces biens soient effectivement et réellement payés à la France et aux producteurs français …

Au-delà de ces considérations mercantiles, nous ne saurions tourner le dos à l’Algérie, quels que soient les sentiments – pour ne pas dire les passions – confus et douloureux qu’éveille ce seul mot en nous. Il faut coopérer avec ce pays, je dirais même qu’il faut aider ce pays misérable, souffrant, sanglant. C’est à la fois une obligation impérieuse et qui découle des devoirs de charité, d’une aspiration naturelle à la compassion et à la miséricorde ; mais c’est au surplus une question de survie pour nous. Oui, car réduire l’immigration-inondation algérienne est une question de survie pour la population française et son avenir. Or une des conditions préalables à cette réduction se trouve dans l’émergence du’n Algérie pacifiée, prospère et si possible heureuse.

Peut-on croire pour autant qu’il faille effacer le passé et perdre la mémoire comme le font nos politiciens-polichinelles entre les mains de notre intelligentsia? Point du tout, au contraire. Ce sont les enseignements du passé qui, seuls, peuvent éclairer sur ce qu’il faut faire pour aider l’Algérie et sur ce qu’il ne faut pas faire.

Georges Dillinger

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