Natacha Polony écrit dans Marianne : « Pour protéger la langue française, défendons la grammaire avant d’interdire l’écriture inclusive. »
Beaucoup de ses arguments sont audibles, parce qu’ils sont vrais. Par exemple : « La grammaire […] que l’on n’enseigne plus à l’école tant elle apparaît appauvrie et dévoyée dans les nouveaux programmes de l’éducation nationale. »
UNE GRAMMAIRE CHÈVRE MODERNE QUI SE VEUT CHOU CLASSIQUE
Sur ce point, je n’ai rien à dire, car je n’ai pas d’enfant à l’école. Mais, par goût personnel, je suis la grammaire dans des livres qui sembleraient très recommandables, tant leurs bonnes résolutions sont affichées. Par exemple celle qui « tient à se présenter comme une grammaire classique et traditionnelle [mais qui] n’exclut pas quelques ouvertures sur la grammaire moderne à laquelle sont habitués certains élèves. »
Craignant un dilemme entre la chèvre et le chou, je l’ouvre, et me prends la tête à deux mains, parce qu’il m’en manque une troisième. Lorsqu’on se lance dans les adverbes, apparaît une confusion, pour ne pas dire un système confusionnel qui veut trop expliquer et s’embrouille.
L’image de présentation concernant l’adverbe en est un bel exemple.
Après la définition classique, sur laquelle je n’ai rien à redire (ce serait un comble !) voici une approche latine (ad verbum, que l’on traduit par « auprès du verbe ». Pourquoi pas, mais c’est limitatif. Je n’entre pas dans les détails, reprenez votre Gaffiot ! Mais suit juste après : « Il est comme l’adjectif du verbe. » Mes cheveux se dressent. Que signifie ce charabia. Voilà déjà la confusion qui s’installe chez les chères petites têtes blondes. Un adverbe devenu adjectif , ou presque !
Et ça continue : Cet adverbe (qui modifie le sens du verbe selon la définition canonique) se révèle extensif car il « modifie le sens de l’adjectif, ou de l’adverbe. »
Autant de confusions en si peu de mots me sidère. Si c’est cela la Grammaire française du XXIe siècle[1], je n’en veux pas !
Le pire, dans cette affaire, est que les données de base ne sont pas fausses. La fonction adverbiale est bien une fonction modificatrice de mots, de la parole. Car c’est le sens le plus commun du latin verbum. Ou, pour les chrétiens, de la phrase « le verbe s’est fait chair ».
Et lorsqu’on explique à des adolescents en devenir que « certains grammairiens donnent à l’adverbe une fonction de complément circonstanciel » la coupe est pleine.
La dernière goutte revient à la « remarque d’analyse » où les adverbes interrogatifs et négatifs dansent un slow serré avec des prépositions. Personnellement, j’aurais changé de forme d’enseignement.
Le livre montre je ne sais combien d’exemples de la même veine. Bref, la chèvre était un peu malade et le chou indigeste.
QUE SE PASSE-T-IL ? VIVE LE BLED ET APPARENTÉS
Cela exposé, je pourrais montrer d’autres manuels tout aussi exaspérants. Mon propos n’était pas de viser tel ou tel livre, car j’en ai d’autres. Mais si l’enseignement officiel réduit les cours jusqu’à une grammaire « appauvrie et dévoyée dans les nouveaux programmes de l’éducation nationale », alors, plus rien ne nous étonne. Ou plus exactement, plus aucune interprétation de la déliquescence française nationale et internationale ne nous étonne, en n’excluant ni les conséquences, ni surtout les causes. Cela s’appelle un crime contre l’instruction.
Quant aux conséquences qui en découlent, je vous laisse lire l’article de Nathacha Polony sur Marianne[2], ainsi que ses intéressantes remarques sur Macron le pseudo-défenseur de la langue française et de la France.
Alors, vive le bon vieux Bled et autres du même calibre. Puis, peaufinez votre français avec Grévisse ou Hanse, sinon avec les vieux Bescherelle que vous trouverez sur Gallica. Et n’oubliez pas la typographie de Jean-Pierre Lacroux, appelée par lui orthotypographie. Il peut arriver que vous vous y perdiez, mais vous n’en trouverez que plus de merveilles, y compris dans ses remarques envers quelques contradicteurs.
J’affirme qu’aucun grammairien efficace ne peut se passer de typographie et encore moins de celle de Lacroux.
En conclusion première, les grammaires de lycée doivent être écrites par des professeurs de l’ancienne école, pour des élèves destinés à parler un français correct. Que l’on se penche sur les relations entre signifiant et signifié, sur l’étymologie dont la meilleure approche me semble être celle de Mme Picoche, sur les liens avec le français succulent du moyen âge, rien à redire. Mais pas avant de naviguer comme un poisson dans l’eau de la bonne grammaire française.
Les autres grammairiens mâtinés de socio-linguistes de gauche n’ont rien à faire dans notre enseignement, et leur galimatias encore moins.
Au fond, qu’est réellement la grammaire, sinon l’ossature du langage qui, comme celle du corps, doit se faire oublier lorsque nous faisons notre gymnastique linguistique quotidienne. Autrement dit, nulle entorse, nulle fracture, nulle contorsion stérile.
ET L’ÉCRITURE INCLUSIVE ?
Natacha Polony a raison d’en parler et tort de la trouver accessoire dans sa lutte pour un bon français… j’ose écrire un bon Français. En effet, cette perversion n’est qu’une des tentatives de pourrissement bien étudiées par tous les stratèges de gauche versés en actions révolutionnaires.
Une fois que l’on comprend cela, le problème bien posé n’est plus à placer dans la case grammaire, mais dans celle de la guerre civile en préparation.
Ici, c’est un autre débat que je résumerai ainsi : nous croulons sous les lois inutiles et perverses, alors que nous manquons de lois destinés à combattre les ferments de guerre civile, et donc des actions nécessaires. Parmi ces dernières, un titre entier devrait être consacré aux juges de gauche, type syndicat de la magistrature.
Antoine Solmer
[1] Éditions Traditions Monastiques, 2009, p. 233
[2] https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/natacha-polony-pour-proteger-la-langue-francaise-defendons-la-grammaire-avant-dinterdire-lecriture-inclusive