Oublions le Covid et occupons-nous d’une épidémie bien plus grave, puisqu’elle atteint la triade fondamentale d’Homo Sapiens, à savoir le cortex, la main et le sexe. Il s’agit de l’inclusopathie scripturale fulminante que d’aucuns voulaient nommer scriptopathie grammatico-hallucinatoire. Le choix d’une appellation est toujours délicat. Mais cette nouvelle forme délirante oscillant entre les grands cadres de la paranoïa et de la schizophrénie méritait bien une dénomination nouvelle. Pour être plus complet, on y observe aussi des poussées épileptiformes. Mais ne compliquons pas la question.
Que les malheureux atteints l’appellent écriture inclusive est assez cohérent avec leur fonctionnement psychologique perturbé. En effet, le résultat de leur maladie crée inlassablement une exclusion de la vie réelle et un bouillon d’inculture où se développe le germe à tropisme cortical le plus coriace : l’Archeosinister perfidus. Le comportement de l’individu atteint d’inclusopathie scripturale fulminante est stéréotypé. La crise peut commencer par une grande illumination incantatoire accompagnée de borborygmes, onomatopées pathognomoniques : omfam… womfam… omom… manwom… heinklu… ékitfam… hishi… iels… Les services du professeur Jean Ray tiennent à la disposition des chercheurs une collection d’enregistrements impressionnants.
Les patients – qui refusent ce qualificatif – passent alors à la phase mystico-graphique pendant laquelle ils gribouillent des dessins littéromorphes sur des textes de toutes origines, à moins qu’ils ne soient pris d’une frénésie de gommage. C’est la phase épileptiforme.
S’ensuit une phase où le patient semble redevenu normal. Mais la construction stéréotypique de ses phrases le trahit inévitablement, surtout lorsqu’il s’exprime en anglais, langue dans laquelle les adjectifs sont invariables, donc protégés contre la graphomanie de la deuxième phase. C’est la phase de plus grande contagion : le charabia scriptopathique se confondant très facilement avec le globish de bas étage tel qu’enseigné par l’International Educnat. C’est également la phase de virulence maximum d’Archeosinister perfidus.
Le port de masque facial est inefficace contre la contagion d’Archeosinister perfidus, les transfusions de neurones également. La seule solution semble le confinement avec isolation renforcée. Notre éthique professionnelle nous impose de fournir en abondance de petits cahiers calligraphiques où le malade épanchera ses humeurs peccantes. Le papier en sera recyclé selon les meilleures normes.
Le malade s’épuisera et s’éteindra de lui-même comme une chandelle sous nos yeux contrits, ce qui est le pronostic le plus doux.
Mais des publications très sérieuses font état de passage à l’acte. Après une reprise délirante, les inclusopathes sont retrouvés agonisants, totalement enduits de peinture grise, s’étant pratiqué, qui une orchidectomie totale avec amputation pénienne, qui une ovariectomie et mastectomie bilatérales.
Une lettre explicative est le plus souvent épinglée, qui commence par : « Nous sommes tous… ». Ceux qui en ont eu la force ont ajouté : « … du même genre ».
Les cerveaux contaminés sont conservés dans un laboratoire P4 dont le lieu est tenu rigoureusement secret.