ET SI ON PARLAIT DES JUIFS ?

Comment ne pas s’associer en ce 7 octobre au malheur du peuple juif ! Et surtout, comment ne pas réfléchir aux enjeux ! Car, une fois de plus, les données du problème ne sont pas solubles dans le bouillon de la logique cartésienne. Et s’il m’est permis d’ajouter au texte de Claude mon grain de sel, il ne sera pas attique  — pour une fois — mais  “para-lothique”, en souvenir de la femme de Loth. Celle-ci, ayant échappé au feu du Ciel lancé sur Sodome, ne peut s’empêcher de se retourner vers la cité détruite. Qu’y cherche-t-elle ? Un souvenir de sa maison ? Ou bien un regard vers le passé — récent pour elle, mais persistant de nos jours — de la séparation dangereuse entre Israël et Ismaël, entre les juifs et Arabes ?

Antoine Solmer

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  • Aujourd’hui, 7 octobreNo comment necessary… comme disent les agences de presse. En ce jour qui devrait être de deuil mondial, on pourrait dire que le “peuple élu” sait faire parler de lui, même si ce n’est peut être pas toujours dans le sens qu’il aurait souhaité, hélas ! Mais je ne vois pas pourquoi l’ancien “élève” attentif –et sincère admirateur– du grand Rabbin Joseph Sitruk (dont le “catho-catho” que je suis à éprouvé le besoin, il y a 30 ans, de suivre un cycle des Conférences du lundi sur “La foi d’Isra’ël”) devrait se taire sur ce sujet, “le monde n’étant plus que ce qu’il est”.
  • La guerre qui vient de commencer (car ne finassons pas ! Si ce n’est pas une guerre, on se demande ce que c’est !) et qui risque à tout instant de très mal se finir, tombe, si j’ose dire, en plein dans les Fêtes d’automne du judaïsme, à l’aube d’une nouvelle année, la 5783e dans leur calendrier, qui commencerait au jour “J zéro” de la création divine du premier homme, telle que l’avaient calculée les rabbins compétents de l’époque. Récapitulons : Roch Hachana, le nouvel an, Kippour, le Grand Pardon, Soukkot, la Fête des cabanes ou des tentes, et Sim’hat Torah, “joie de la Torah” qui conclut ce court moment d’une densité unique. Cette dernière fête tombe, cette année, le 23 octobre. Mais l’an dernier, c’était… le 7 octobre, ce qui se passe également de commentaire.
  • Certains lecteurs vont peut être s’étonner qu’un catholique bon teint, non seulement croyant mais pratiquant (en “pestant” souvent contre les déviations excessives de l’église post-conciliaire , mais après tout, si je suis français de souche… je suis resté très gaulois !)s’intéresse à d’autres approches au Divin que celle dont il se recommande. En fait, c’est dès l’école primaire que je me suis demandé pourquoi tel ou tel de mes camarades de classe avait parfois des comportements si différents des miens et des prénoms étranges qu’on ne trouvait que dans nos livres “d’Histoire Sainte” : Mardochée ou Salomon – eux disaient Mordékhaï et Shlomo, mais nous, on savait bien que c’était pareil – et leurs petites sœurs s’appelaient Rachel ou Esther, comme dans la Bible…
  • Tout comme mon Père avait forcé ses enfants à lire le Coran dès nos 14 ans atteints, “puisque nous sommes chez eux”, disait-il en parlant des Marocains, le hasard, la Providence ou l’immédiat Après-guerre m’ont fait découvrir Baal Shem Tov, fondateur du “hassidisme” au XVIIIe siècle, qui “voyait” Dieu intervenir directement dans tous les actes de la vie quotidienne, ce qui devait sans doute correspondre à ce que j’avais compris de la religion, vers 10 ou 12 ans. Je vais même avouer que, ayant été trop jeune jusque-là pour pouvoir comprendre le sens des atrocités et des cruautés que pouvait entraîner le seul fait d’être juif, je me souviens avoir éprouvé, parfois, un peu de regret de n’avoir pas un seul juif parmi mes ancêtres : tous les adultes (on disait alors : ’‘les grandes personnes’’) parlaient de notre civilisation en la disant “judéo-chrétienne”… mais ils se gaussaient souvent d’un juif théorique, radin et pleutre, héros ridicule d’histoires dites drôles. Je ne comprenais pas ! Jésus, après tout, n’était-il pas un juif ?
  • C’est donc tout sauf un hasard de la vie, si, tant d’années après avoir quitté “mon” cher Maroc, si accueillant aux religions non islamiques, j’ai tellement d’amis juifs… Cette sympathie “systémique” ne m’empêche pas de me rendre compte, quand il faut, qu’être juif ne vaccine pas contre l’erreur, la malhonnêteté, la mauvaise foi, le mensonge ! Peuple élu, certes, mais pas irréprochable pour autant ! Et je me suis souvent posé bien des questions, notamment à chacun de mes nombreux voyages en “Terre Sainte”, où j’ai découvert les limites – et souvent les laideurs – du sionisme lorsqu’il est brandi par un crétin (j’ai failli laisser ma peau au “pont Allenby”, sans la moindre raison). Mais le judaïsme étant co-fondateur de notre formidable civilisation occidentale, s’il sombre un jour, nous sombrerons avec lui, sans doute dans le maelströmplanétaire, gigantesque et vraisemblablement définitif qui a l’air d’être préparé presque scientifiquement par des irresponsables.
  • Je ne suis pas certain, devant la gravité et l’horreur de la situation “post-7 octobre 2023”, d’avoir le droit de parler d’une situation dont je ne peux pas comprendre tous les atroces détails, tous les non-dits, tous les tenants et tous les aboutissants. Ce n’est donc pas des avis que je vais émettre, c’est, au mieux, “ce que je crois le moins pire à terme” et, au pire, l’opinion technocratique d’un stratège en chambre. Mais je voudrais que les juifs qui liront ces lignes sentent l’affection et le soutien moral qui se cachent derrière ma démarche.
  • Soit une horde sauvage qui ne peut avoir que tort dans ses actes puisque ses prémisses sont absurdes, faux, et ne mènent qu’à la mort et à la violence en retour. Ses membres savent, en lançant une action totalement inhumaine – que toute morale ne peut que réprouver et se révulser – que le choc en retour sera terrible, la supériorité militaire étant à 100 % en faveur de l’autre camp. S’ils avaient eu un minimum d’intelligence (ce qui n’est même pas évident, vu la suite), ils auraient su qu’ils choisissaient l’option “du sang et des larmes,” avec, peut être, un coefficient cent, ou – pourquoi pas ? – mille contre eux, et ils ont donc mauvaise grâce à s’étonner des séquelles. On a envie de transposer notre grand Bossuet : “Allah aussi, doit se foutre des hommes qui se plaignent des conséquences de leurs acte alors qu’ils en chérissent les causes…”
  • Cela posé… il semble étrange que moins de 10 millions d’israéliens, massivement honnis dans toute la région, s’arrogent le droit de redessiner les contours des frontières et le régime de leurs voisins, exclusivement en fichant raclée sur raclée à des armées qui sont dans le rapport théorique de 20 pour un et plus avec la leur, comme le sont les populations concernées. Par exemple, ce qui se passe à Gaza – qui est amplement justifié sous l’angle de la morale mais pas de l’émotion – ne peut avoir comme résultat que de “fabriquer” 5 ou 6 générations de “combattants du désespoir”, prêts à tout, à jamais. Est-ce vraiment le but recherché ? Je n’en suis pas convaincu.
  • De la même manière, ceux qui (comme les abrutis ignares qui ruinent, pour aussi longtemps, la réputation de Science Po) haïssent Israël pour ce qu’il fait aux Palestiniens, feraient mieux de se demander si des raisons raisonnées ne sont pas à considérer supérieures à tout jamais à leurs pauvres raisons raisonnantes, faute de quoi ils ne peuvent aller qu’à contre-courant de la cause qu’ils disent vouloir défendre. Sauf que… force est de constater que ni les uns ni les autres ne cherchent une solution : ils recherchent le pire, en tout !
  • Les non-issues actuellement ouvertes se résument à un choix entre deux extrêmes : les excès de Tsahal qui venge ses enfants sciemment torturés à mort d’un côté… et la folie furieuse islamiste qui tue pour tuer, “parce que…”, de l’autre. Alors… s’il faut vraiment choisir, ma préférence ira à celui des deux antagonistes qui mérite le plus de respect, et il me semble que la morale universelle impose que le premier soit préféré : “Entre deux maux,dit le proverbe, il faut choisir le moindre” ! Mais que tout est donc compliqué : nous sommes loin d’une solution possible !
  • H-Cl.