LE DÉCÈS DE LA GRANDE REINE : REMARQUES HISTORIQUES

S’il y avait une personne au monde dont nous aurions aimé sonder les connaissances, c’est bien de la reine Élisabeth II d’Angleterre et autres terres qu’il s’agissait. Imaginez : un règne de 70 ans, ce qui déjà en dit long, mais pas encore assez. En effet il faut prendre en compte quelque 3700 conseils hebdomadaires avec ses quinze Premiers Ministres, argumentés autour des affaires courantes, mais aussi des rapports du MI6 portant sur les territoires « peu amicaux » envers la couronne, mais aussi sur l’étendue du Commonwealth. Il faut aussi tenir compte des archives remontant à Guillaume le Conquérant dont Élisabeth II fut la « descendante fonctionnelle » et petite-fille à la 31e génération.

Tout cela en impose. Nos pauvres petits présidents de la République apparaissent bien petits à côté, et le dernier, encore plus minuscule. Cela on le savait déjà, mais il n’est jamais inutile de le rappeler.

Toutefois, mon billet du jour est volontairement décalé par rapport aux articles dithyrambiques mérités lus ailleurs. Je m’interroge sur les prénoms.

D’UNE ÉLISABETH À L’AUTRE

Tout d’abord celui d’Élisabeth II qui la relie à l’homonyme première, morte au tout début du 17e siècle, fille du plus que célèbre Henry VIII. Cette « Reine Vierge » (pourquoi pas ?) succéda à sa demi-sœur Marie Tudor, surnommée Bloody Mary (Marie la Sanglante) en raison de quelques persécutions et autres bûchers visant les non-catholiques. Une époque où il valait mieux ne pas trop marquer son protestantisme. Vite, ma vodka et mon jus d’orange !

J’ai dit qu’Élisabeth Première succéda à sa demi-sœur, mais je n’ai pas détaillé les détails de l’affaire : il lui fallut subir deux mois de prison et 4 ans de résidence surveillée (on n’est jamais trop prudente, devait se dire sa gentille demi-sœur). Enfin, elle le fut relativement, si l’on se réfère aux quelques incartades citées plus haut.

En conclusion, la première Élisabeth monta sur le trône après quelques péripéties familiales, et avec elle s’éteignit la branche des Tudor.

Mais, revenons à notre époque. Rappelons-nous qu’Élisabeth II n’avait pas vocation évidente à monter sur le trône pour lequel elle venait en troisième ligne. Il a fallu l’abdication de son oncle Édouard VIII pour que « notre » Élisabeth devienne héritière présomptive comme fille du roi George VI, et finalement reine par absence d’un garçon dans la lignée.

Donc, pour l’un et l’autre des Élisabeth, le chiffre VIII a joué un rôle déterminant dans l’accession à la royauté.

Notre comparaison entre les deux dames s’arrête là car la première (la « Vierge » n’a pas eu d’enfant, ni par voie naturelle, ni par adoption).

PASSONS MAINTENANT AUX CHARLES

L’actuel roi Charles III est né en novembre 1948, donc cinq ans avant que sa mère ne soit couronnée reine d’Angleterre. Mais dès cette époque, les risques que la couronne lui échappe étaient plus que minces, sa mère (surnommée la « Reine Mère) ayant 48 ans à l’époque, rendant peu plausible l’hypothèse de la naissance d’un frère venant lui “chiper” la place.

Le prénom Charles n’est pas non plus fréquent parmi les ancêtres. Pour les retrouver, il faut remonter à Charles Premier. Pour « faire court », si j’ose dire, celui-ci fut décapité en 1649, et le royaume transformé en une sorte de république, le Commonwealth d’Angleterre, dirigée par Cromwell 1.

Il apparaît que ses dernières pensées avant d’être décapité consistèrent en un testament politique (« la liberté consiste à avoir un gouvernement… elle ne consiste pas pour le peuple à gouverner lui-même ; un sujet et un souverain sont deux choses clairement différentes. ») et aussi en un ultime pied-de-nez : «  « Je vais d’une corruptible à une incorruptible Couronne, où aucun dérangement ne peut être. »

J’avais toutefois lu, il y a bien longtemps qu’il avait été encore plus bref : « Remember ! » Mais le témoignage du bourreau n’est pas venu jusqu’à moi.

Son fils et successeur, Charles II, eut lui aussi un début de règne houleux, et s’il n’échappa à la mort, ce ne fut qu’en se cachant dans un chêne, puis en gagnant les Pays-Bas, alors domaine du roi d’Espagne.

Il reconquiert le royaume à grand-peine. En 1665 et 1666, Londres est soumise à une épidémie de peste, puis à un énorme incendie.

Quant au reste, c’est la suite des conflits sur fond religieux (mais aussi plus terre-à-terre) de l’époque.

ET MAINTENANT

Les lecteurs intéressés par la « grande histoire » la retrouveront dans leurs livres et médias préférés. Le billet de ce jour n’était qu’une pochade entre des Élisabeth et des Charles.

N’empêche ! Dois-je imaginer que la reine Élisabeth II n’ait jamais eu une pensée pour ces coïncidences de prénoms, de chiffres et de zones turbulentes ? Surtout dans ce nouveau pays dont la capitale est le Londonistan…

Antoine Solmer

1  : Ironie du sort, ou synchronisme étonnant, alors que mon précédent billet portait sur le discours du Maréchal Montgomery, celui-ci, pour étayer sa relation, évoquait la carrière militaro-politique de Cromwell.