Pour les rares personnes qui ignoreraient ce dont il s’agit, l’affaire Pélicot pourrait et devrait devenir « l’Affaire », si l’on veut se référer à celle du capitaine Dreyfus. Certes, les personnages n’ont rien en commun dans leurs personnalités et comportements. Mais la question est ailleurs : que révèlent ces deux Affaires sur notre état social, et même sur nos civilisations ? Là est la question fondamentale, la moins « croustillante – si l’on ose le dire – la plus intéressante pour quiconque veut bien examiner dans quel état de déliquescence nous vivons… pour peu de temps encore.
Je ne reviendrai pas sur les secousses de la première Affaire. Chacun pourra en relire les documents. Ils ne manquent pas. La seconde, nous l’avons devant les yeux par journaux, TV et autres, et nous n’en retenons que le côté « fait divers ». C’est insuffisant. Revenons-y selon d’autres angles de pensée.
LE SANCTUAIRE DE LA CHAMBRE DES ÉPOUX
Je l’ai dit et écrit : dans la chambre à coucher, entre adultes consentants, il n’est permis à personne de juger, ni simple particulier, ni autorité de quelque nature ou de quelque niveau. Point final, en ce qui me concerne.
Nous le savons depuis l’Odyssée : Ulysse ne s’est pas privé, pendant son retour, d’amusements sexuels. Mais, de retour à Ithaque, pour se faire reconnaître de Pénélope, il sait décrire la forme et la matière dont est fait le lit conjugal (livre XXIII):
« Qui donc a déplacé mon lit ? le plus habile n’aurait pas réussi sans le secours d’un dieu qui, rien qu’à le vouloir, l’aurait changé de place. Mais il n’est homme en vie, fût-il plein de jeunesse, qui l’eût roulé sans peine. La façon de ce lit, c’était mon grand secret ! C’est moi seul, qui l’avais fabriqué sans un aide. Au milieu de l’enceinte, un rejet d’olivier éployait son feuillage ; il était vigoureux et son gros fût avait l’épaisseur d’un pilier : je construisis, autour, en blocs appareillés, les murs de notre chambre ; je la couvris d’un toit et, quand je l’eus munie d’une porte aux panneaux de bois plein, sans fissure, c’est alors seulement que, de cet olivier coupant la frondaison, je donnai tous mes soins à équarrir le fût jusques à la racine, puis, l’ayant bien poli et dressé au cordeau, je le pris pour montant où cheviller le reste; à ce premier montant, j’appuyai tout le lit dont j’achevai le cadre ; quand je l’eus incrusté d’or, d’argent et d’ivoire, j’y tendis des courroies d’un cuir rouge éclatant… Voilà notre secret !… la preuve te suffît ?… Je voudrais donc savoir, femme, si notre lit est toujours en sa place ou si, pour le tirer ailleurs, on a coupé le tronc de l’olivier. »
La preuve est faite : non seulement la chambre conjugale est sacrée (seul un Dieu pourrait en changer le décor), mais aucun homme ne pourrait décrire ni déplacer le lit. Sachons décrypter le message de la sagesse d’Ulysse, telle qu’elle nous est présentée, toujours valable depuis l’antiquité.
LE NON-CONSENTEMENT ?
Mme P. aurait-elle pu être une victime consentante ? Ma formulation choque-t-elle ? Alors, qu’on réfléchisse ! Pourquoi un individu serait seulement « innocent jusqu’à preuve de sa culpabilité » ou, pour le dire autrement « présumé coupable » alors que la victime est immédiatement considérée comme telle ? Une telle asymétrie heurte la logique, mais aussi la réalité quotidienne. Combien de « fausses victimes » n’ont-elles pas défrayé la chronique ? Rappelons-nous les fausses victimes d’agressions par des « fâââchistes », « extrémistes de droaaate », etc. D’abord des gros titres dans les journaux de grands et sales chemins, puis de discrets retours avant de profonds enfouissements dans les archives.
Je veux bien accepter que Mme P. soit victime, à la condition qu’on n’oublie pas les tenants et les aboutissants qui l’ont menée à cet état, qui, lui aussi, doit être prouvé.
PSYCHOLOGIE OU PSYCHIATRIE ?
Si l’on accepte tout le « cérémonial » des faits, il est indispensable de poser des questions jusqu’à présent mises de côté.
Si les faits sont prouvés, il faudra en établir une chronologie, et sinon une gradation de gravité. Certes, le mari s’est accusé, avec un certain théâtralisme. La manière est importante. Entre le « je reconnais les faits » et les grandes explications, il existe un monde : celui qui va de la délivrance qu’accompagne la divulgation du secret le plus lourd jusqu’au rôle de l’acteur qui ne peut ni ne veut quitter le devant de la scène. L’absence de réponse à cette ambiguïté jetterait une ombre supplémentaire sur les faits.
On apprend aussi que M. P. pourrait être interrogé sur des agressions sexuelles anciennes, par suite de découvertes de traces de son ADN. Et l’on apprend encore que des photos de sa fille nue, prises à son insu, ajoutent leur poids au dossier déjà bien chargé.
Mais quelle est la chronologie exacte des faits ? Non seulement celle qui corresponds aux faits accomplis, mais celle qui correspond à la naissance de ces idées dans la conscience du personnage. Si cela paraît bizarre, voire choquant, c’est qu’on se refuse à penser les faits dans leur continuité réelle, depuis leur conception, leur préparation, puis leur accomplissement, jusqu’à leur divulgation volontaire qui peut être considérée comme la « mort du fait ».
Comment comprendre cette « mort du fait » ? Comme son « assomption » ou comme l’apothéose du personnage qui les dévoile, et pour quel « bien complémentaire » ?
Toutes ces questions sont fondamentales, et leurs réponses davantage.
Exemple : commençons par présenter la chronologie suivante : d’abord des agressions sexuelles contre des inconnues, ensuite des viols en chambre de sa femme mise en état d’inconscience par des inconnus, et enfin des photographies de sa fille dénudée. Nous avons alors une intériorisation progressive des faits coupables, une mise en « secret familial » comme il y en a tant. De plus, la gravité des actes, si coupables soient-ils, va decrescendo. Ce serait alors un « violeur en série » dont le cheminement mène à une certaine diminution de gravité des faits. Cela n’enlève rien à la culpabilité de chaque fait pris un à un, mais oblige à évoquer une « normalisation possible »… avant un terrible rebond ?
DU RACISME CONSIDÉRÉ COMME UN TREMPLIN OU UNE PLANCE DE SALUT !*
M. P. a prétendu que ses actes envers sa femme avaient été motivés par le « racisme » de la victime. Et voilà que le ventre est chaque jour plus fécond de la bête qui ne sommeille plus mais s’exacerbe chez tant de déséquilibrés… des vrais, et des prétendus par les professionnels de l’excuse à direction privilégiée. Toute ressemblance avec 80% des journalistes contemporains ne serait due à aucune coïncidence.
Mme P. serait-elle coupable de racisme ? Que cela soit vrai ou non, ne devrait rien changer au procès de son mari. Mais quelle drôle d’excuse ! Ou plutôt, quel regard sur notre société, quand un simple mot dépourvu de toute réalité prouvée vient « tranquillement » à l’esprit d’un « présumé coupable » ! Et si l’on rajoute le choix de certains des « présumés violeurs », comment juger le passage de l’accusation à la punition ? Comment aussi ne pas y ajouter la perversion sadique ? Le mari présumé coupable serait-il devenu un « justicier par procuration » choisissant les bourreaux avec un sadisme redoublé ?
Ici, comment démêler l’intrication d’un comportement personnel et des pressions de notre société ?
Quel martelage des esprits ! Quelle propagande vomie de haut en bas de la société ! Quels dénis de Justice prévus et permis par toutes les lois liberticides (Pleven, Gayssot et autres en préparation) pour museler les simples pensées humaines concernant l’inégalité profonde de la réalité humaine ! Quels viols des consciences ! Quel stalinisme qui n’ose pas dire son nom ! Quelles inversions putrides, dont celle du « mur des cons » du Syndicat de la magistrature ! Quelles haines ancrées dans la boue de certaines « consciences » ! Et quelles responsabilités des prétendus « justiciers » envers les acteurs d’actes répréhensibles ! Combien d’assassins par procuration dans nos cadres de « Justice », dans nos médias stipendiés par le gouvernement, dans les esprits tourneboulés accueillis à bras ouverts et à pensées néfastes !
Tel est l’état de la France… qui la mène à la décrépitude empirant de jour en jour.
AVOCAT DE LA DÉFENSE ?
Dans l’affaire P. il y a je ne sais combien d’avocats. Les uns pour M. P. et les autres pour les « invités présumés coupables ». Agiront-ils en se rejetant la faute les uns contre les autres ? Pourquoi pas ? On peut imaginer toutes les allégations de part et d’autre. Mon client n’imaginait pas que…, mon client a été rassuré par votre client qui assurait que…, etc. D’ailleurs tous ces « prétendus violeurs invités » pourraient très bien se défendre en assurant que leur « hôte » les avait assurés que Mme P. était consentante. Quant à dire qu’ils ne se rendaient pas compte qu’elle dormait… à quel niveau de développement cérébral sont-ils ? Jusqu’au point de passer par la case « inconscience totale donc non justiciable » ?
Une défense plus astucieuse prendrait en compte les faits sociaux et sociétaux qui entourent cette affaire, intégrerait la perméabilité d’un esprit à leurs pressions incessantes, et rejetterait la ou les fautes sur un réseau de circonstances pesant sur la responsabilité effective de chacun.
C’est ce que je posais dans le chapitre précédent consacré à la pesanteur toute-puissante du mot « racisme » dans notre société qui ne veut plus se reconnaître par ses racines, ses propres antécédents raciaux, une société atteinte d’une forme sociale du syndrome de Stockholm, lequel consiste à prendre fait et cause pour son agresseur.
Et, concernant le côté sexuel de l’affaire, pour chacun des accusés, un avocat encore plus astucieux inviterait la pression woke tout aussi incessante et pénétrante, menant au viol de conscience des êtres enfantins en formation, avec tous les viols possibles en préparation dans une telle ambiance. Alors les portes s’ouvrent pour la lâcheté et le vice, en profitant pour masquer des instincts pervers derrière un paravent monté de toutes pièces.
LE BATEAU-JUSTICE, UN MONSTRE TROUÉ DE TOUTES PARTS
Suivons les faits divers et les déclarations plus que vicieuses des défenseurs professionnels du « monstre » : c’est un conglomérat de décisions révoltantes et de justifications qui ne le sont pas moins. Les causes en sont multiples. Je ne les développe pas ici, me contentant des faits. L’une d’entre elle est centrale et d’autant plus intéressante qu’elle repose sur des postulats aussi d’autant plus prégnants qu’ils sont faux : la séparation des pouvoirs, la séparation de la police et de la justice, le fait que le tribunal décide de la vérité, le fait que cette vérité assénée suite à des paroles toujours troubles aide les victimes à « faire leur deuil ». Tout cela n’est que théâtre.
La Justice fait d’autant moins son travail qu’elle prétend à découvrir la vérité. Il faut laisser la vérité des faits à la police, et seulement à elle. Et, si un fait nouveau apparaît, revenir à la police pour en faire la preuve. Sans cette remise en ordre, il n’existe pas de Justice, sauf théâtrale.
La Justice ne doit s’occuper que d’établir une balance des circonstances atténuantes et des circonstances aggravantes concernant le crime et les faits prouvés par la police. En cela elle doit – devrait – tenir compte des faits psychologiques, psychiatriques, sociaux et sociétaux.
Mon article de ce jour, sans prendre parti pour ou contre quiconque en cette affaire, ne menait qu’à ma conclusion, car l’affaire en cours devrait servir de modèle pour l’étayer. Cela dit sans aucun espoir d’écoute ni d’action. Mais telle est la vraie valeur d’un texte, celui de délivrer les pensées emprisonnées.
Antoine Solmer

