LE VICE DE FORME : UNE FORME DE VICE

Pédocriminalité et justice : après 10 ans d’instruction, le violeur est libéré car il manque deux mots dans la délibération

Je reprends un article de Breizh Info et j’y ajouterai ensuite mes propres commentaires.

Douze ans de prison en appel pour un violeur d’enfants, enfin justice est faite !

Et bien non, l’accusé a été libéré pour une infime erreur procédurale.

L’homme avait été condamné pour viol et actes pédophiles sur trois mineures. Il était le beau-père de deux d’entre elles et le grand-père de la dernière victime. Outre les abus sexuels, il les torturait psychologiquement, leur faisant, entre autres, du chantage avec les photos qu’il prenait.

Après dix ans d’instruction, il est reconnu coupable et échoppe d’une peine de dix ans en première instance. Il fait appel, est retenu de nouveau coupable, et est condamné à douze ans. Mais la cours d’assises de l’Hérault casse la sentence : il manque deux mots à la délibération du verdict. Il est écrit “coupable à la majorité de huit voix” à lieu de “coupable à la majorité de huit voix au moins”. Pour ces deux mots – “au moins” -, des magistrats trouvent juste et judicieux de libérer un homme qui pendant des années a abusé de mineures. Voilà ce à quoi est réduite la justice française. Voilà ce à quoi des magistrat s’attachent pour remettre les criminels dans la rue et éviter que justice ne soit faite.

Et ce n’est que lundi dernier 17 juillet, donc deux mois après la décision, que l’avocat des parties civiles Me Florent de Saint Julien, annonçait aux trois femmes la remise en liberté de celui qui a brisé leur enfance, décrivant “un acharnement procédural de la part de l’accusé, comme des lignes de fuite qui sont empruntées perpétuellement par lui. On a une incompréhension du système judiciaire à ce jour, du point de vue des victimes“.

L’avocat du pédocriminel, Me David Chaigneau, a aussitôt rétorqué : “Je peux entendre que ça soit difficile à admettre pour les parties civiles. Il ne faut pas se laisser embarquer par l’émotion“.

Difficile pour les victimes. La plus jeune a, quant à elle, réagi :

“Ça me prend aux tripes, je pense que je n’ai jamais été en colère comme ça. Encore une fois, il fait ce qu’il veut et nous on est à sa merci comme avant. Je me sens impuissante. En première instance, il a pris une peine de 10 ans, en appel il prend 12 ans et là pour deux mots on le laisse sortir, la peine est annulée, cassée, c’est fou. Comment on peut annuler une peine pour deux mots ?”

Après des années d’enfer aux mains de leur bourreau, après une décennie d’instruction, de procès, de témoignages à ressasser revivant à chaque fois l’horreur, après des années de peur que justice ne soit jamais faite, le tribunal français en remet une couche. Il faut tout recommencer. Mais le violeur (il n’est plus présumé) a désormais 71 ans. Si le nouveau procès s’étale dans le temps, il est à craindre qu’il invoque, pour y échapper, les problèmes de santé ou l’entrée dans le grand âge. Et s’il est à nouveau condamné, il est aussi probable qu’il soit placé sous surveillance électronique. Tranquillement, chez lui, où il pourra vivre comme les meilleurs de nos retraités qui n’ont jamais violé d’enfants.

Audrey D’Aguanno

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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MES PROPRES COMMENTAIRES SUR UNE SALE AFFAIRE SALEMENT CONCLUE

Si je comprends bien, le coupable condamné était jugé devant la cour d’assises, donc la qualification de ses crimes lui faisait encourir plus de 20 ans de réclusion1. Il s’en sort une première fois avec 10 ans. Demi-tarif, au minimum.

Cette peine est décidée après 10 ans d’instruction. Si cela est de la « justice » comment appelons-nous les patates pourries ? On entendra les gens de basoche se plaindre d’être submergés de dossiers, etc. Donc, on prend du temps… celui-nécessaire pour que les patates pourrissent jusqu’à devenir immangeables.

Le « brave beau-père » trouve que c’est trop. Mauvais calcul mais bon résultat. Une peine de 12 ans, mais… quelqu’un oublie deux mots dans une formule sacramentelle… de la religion nommée « justice ».

Première remarque : « La cour d’assises est composée de 3 juges (1 président et 2 assesseurs) et de 6 jurés. Le président et les deux assesseurs : Juge qui assiste le président d’une juridiction sont des juges professionnels. Les jurés sont de simples citoyens tirés au sort sur les listes électorales.2 »

Dans le cas d’une cour d’assises statuant en appel (c’est le cas ici) neuf jurés sont présents (outre les trois magistrats).

Il y a donc trois professionnels qui doivent être hautement qualifiés. Et qui doivent connaître les formules sacramentelles de leur religion. N’ont-ils pas relu leur copie ? Ce que l’on inculquait dans le temps à tous les élèves de l’école primaire ? Alors, comment se fait-il que cette bavure arrive (ce ne sont pas des policiers, mais des JUGES !). Mais eux sont irresponsables. Encore une bavure !

Deuxième remarque : Dans ce cas, quel est le trouble dû aux deux mots manquants dans la formule sacramentelle ? Quelle différence entre « coupable à la majorité de huit voix » et « coupable à la majorité de huit voix au moins » ?

Au moins, signifie « au minimum ». Dans cette cour d’assises en appel neuf jurés et trois juges professionnels (donc 12 personnes) ont voté. Le pourcentage minimum indispensable a été atteint. Où est le problème ?

Une majorité de huit voix s’est dégagée, ce qui correspond aux classiques deux tiers pour éviter les zones troubles qui peuvent faire basculer la décision à une voix près.

Quatre voix ont dû voter « innocent » ou mettre un vote blanc.

Où est le problème ? Parce qu’on sait que quatre personnes n’ont pas voté la condamnation ? J’aurais admis la difficulté si le vote avait atteint 100 % de culpabilité ou 100 % d’innocence. Dans ce dernier cas, on aurait connu le vote de chacun des douze, ce qui aurait été une infraction grave au secret du vote. Mais ici ? On ignore tout des quatre votants en faveur de la non-culpabilité, ainsi que des huit autres ? Où est le vice de forme modifiant le fond, sinon dans une quelconque tête attachée au pointillisme plutôt qu’au sens, à la formule magique destinée à éviter le trouble, alors qu’il n’y en a pas, à la lettre plutôt qu’à l’esprit.

Quand jettera-t-on aux orties ces calebasses calamiteuses, attachées à leurs vieux grimoires qui leur restent incompréhensibles, et qui sont néanmoins irresponsables. La lettre tue et l’esprit vivifie. Ce sont déjà des sépulcres blanchis. Et ça ose se draper dans une quelconque toge !

Gare au gorille chantait Brassens. Dommage qu’il n’y ait pas de gorille en liberté dans certaines salles !

Troisième remarque : La phrase de l’avocat du « gentil beau-père » violeur : « Il ne faut pas se laisser embarquer par l’émotion ». Cette phrase pue les égouts. Elle méprise la dignité déjà bafouée des victimes. Un bâtonnier responsable de la politesse minimum des avocats de son barreau devrait moralement lui fesser les joues.

Décidément, le vice de forme poussé à ce point, c’est surtout une forme de vice.

La justice, dans ce pays ? On rêve !

Antoine Solmer

1 https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1487

2 https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1487