DÉMOCRATIE À UNE VOIX, DÉMOCRATIE SANS VOIX ?

Avec l’élection de l’actuel président de la République, on a vu le digne personnage  confondre légalité et légitimité pour en faire sa petite cuisine d’auto-satisfaction. D’enfumage diraient certains. Dans son raisonnement, il est question de majorité et de démocratie. A-t-il tort ? Sur le seul plan arithmétique, la réponse s’impose : il a raison, absolument raison.

Si le personnage avait ressenti l’envie de nous offrir un cours d’histoire de France, il aurait pu revenir sur des faits bien connus. Par exemple, il aurait repris le cas du célèbre « amendement Wallon ». Non, ce n’est pas une histoire belge, mais un épisode de l’instauration de la République datant de 1875.

En quelques lignes, souvenons-nous que la défaite de 1870 contre les Prussiens nous avait valu quelques soucis et quelques belles pages de littérature, en particulier La Débâcle de Zola. Elle nous avait aussi valu, la Commune, Adolphe Thiers, ses conflits avec les royalistes, le refus du drapeau tricolore du comte de Chambord qui en tenait pour le drapeau blanc, et enfin un septennat confié au maréchal de Mac-Mahon.

Mais après cette « élection de maréchal », il fallait bien organiser la suite, préparer des lois constitutionnelles d’une structure à définir. Passons sur les débats que chacun trouvera en bonne place, et arrivons à Henri Wallon. Ce digne Membre de l’Académie des Inscriptions et belles-lettres occupait deux chaises : l’une dans la dite Académie, et l’autre dans un petit groupe « trait-d’union » entre dissidents du centre droit et adeptes du centre gauche.

Il proposa les texte suivant :

« Le Président de la République est élu à la pluralité des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. »

Osons comprendre que le gentil professeur avait allumé la mèche d’un baril de poudre. Aussitôt, des « pompiers de service » tentent des contre-feux, ergotent, demandent des explications, des changements de ponctuation, etc. Bref, ça ne volait pas très haut. Le tumulte commençait à enfler.

Mais on ne comptait pas sur la diplomatie subtile de Monsieur le professeur des inscriptions et belles-lettres. Son discours fut digne des Grecs. Il emprunta la forme d’un dialogue imaginaire entre lui et ses contradictoires, les « faisant parler » comme dans une belle prosopopée :

« Mais, dira-t-on, vous proclamez donc la République ? »

Ce à quoi, il « se » répondit :

« Messieurs, je ne proclame rien…Je ne proclame rien, je prends ce qui est. »

Et il enfonça le clou :

« Mais, dira-t-on, vous n’en faites pas moins la République ! À cela je réponds tout simplement, : Si la République ne convient pas à la France, la plus sûre manière d’en finir avec elle, c’est de la faire. »

C’était la meilleure façon de faire rire les opposants. La partie était à moitié gagnée.

Il ne restait au digne savant que de continuer sur sa lancée :

« Dans la situation où est la France, il faut que nous sacrifiions nos préférences, nos théories. Nous n’avons pas le choix. Nous trouvons une forme de Gouvernement, il faut la prendre telle qu’elle est ; il faut la faire durer. Je dis que c’est le devoir de tout bon citoyen. J’ajoute, au risque d’avoir l’air de soutenir un paradoxe, que c’est l’intérêt même du parti monarchique. »

Après le scrutin portant sur l’insertion de l’amendement qui devait devenir célèbre les résultats furent exemplaires :

Nombre des votants. 705

Majorité absolue. 353

Pour l’adoption 353

Contre 352

L’amendement est adopté à une voix de majorité.

La République l’emportait. La République était fondée*.

C’était un temps où la bêtise de l’un ou l’autre parti n’avait pas prévalu.

Mais faut-il pour cela chercher à tout prix une majorité à une seule voix ? Nous en reparlerons, car la question est d’importance. Mais si nous devions attendre M. Macron pour cela, autant viser la semaine des quatre jeudis.

Antoine Solmer

* https://www.assemblee-nationale.fr/histoire/amendement_wallon_1875.asp

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