Une bien jolie image, un peu trop oubliée, peut-être…

  Je profite de l’Ascension pour vous parler d’un sujet que rien n’amène : la “fuite en Égypte” de la Sainte Famille, si bien racontée par Saint Marc. Tout enfant, déjà, je trouvais ce récit passionnant, tous les ingrédients du “suspense” y étant concentrés : une famille pauvre, le petit bébé à peine né, et le méchant roi voulant écarter un concurrent “quoi qu’il en coûte” y compris en tuant tous les petits garçons… Je me sentais concerné ! Il y a bien longtemps que j’avais envie de vous parler de ce sujet un peu “en marge” de l’histoire principale… que réveillait en moi, sans que je le recherche, chaque voyage en Égypte… “Yallah !” Je me jette à l’eau (du Nil)….

Rien, dans l’actualité, ne nous fait nous promener le long de ces eaux endormies, ces jours-ci… mais (Rappel) la “nouvelle formule” de ce Blog veut se détacher du lien répétitif de l’actualité, qui est ennuyeux à court terme, stérile à moyen terme… et certainement mortel à plus long terme, les choses étant ce que nous savons, hélas… Aujourd’hui, il ne s’agit donc que d’évoquer de jolis souvenirs qui refont soudain surface : ce sont les vraies racines de ce qui est important (donc détaché du quotidien)… et aussi d’un mail, reçu de l’un de mes amis égyptiens qui remet au premier plan (les psychologues disent “plage éclairée”) cette page de mes rêveries solitaires et de mes travaux d’adulte – , mais qui me sont si chers.

Et pour commencer… “de quoi s’agit-il” ? Si l’on en croit Saint Mathieu (et pour quelle raison ne le croirait-on pas ?), peu après le départ des Mages, un ange serait apparu à Joseph (pas encore “Saint”, évidemment) : il devait fuir la folie assassine d’Hérode. L’évangéliste précise : “Joseph prit l’enfant et sa mère et se retira en Égypte où il resta jusqu’à la mort d’Hérode” (Mt 2, 13-15). Un calcul rapide fait donc durer ces vacances forcées près de quatre années, au terme desquelles “L’ange dit : Joseph, lève toi, et pars vers le pays d’Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l’Enfant”... Ces détails avaient un peu glissé sur moi, “au Caté”, sans laisser trop de détails : l’important, à 12 ans, c’est le Quoi, pas le Comment.

Il a fallu que des années et des décennies plus tard, lors d’un pèlerinage (seul avec Évelyne, comme souvent) sur les chemins de Saint Paul, je me trouve par hasard dans un couvent perdu au bout de rien, Agios Gerasimos, où un vieil higoumène à la pilosité étonnante mais d’une propreté douteuse et à la culture insondable a tenu à me montrer “l’endroit où l’enfant Jésus avait fait ses premiers pas”. J’ai beau me méfier “XXL” de certains aspects un peu “fétichistes” et “folkloriques” de la foi (par ailleurs riche et profonde) des églises d’Orient… j’ai été obligé de reconnaître que l’Enfant Jésus avait dû se soumettre à cette épreuve incontournable des “premiers pas” (“Viens voir Papa-Joseph… Non ! Debout, pas à quatre pattes, etc… Marie, viens vite voir le petit : il marche !”. Jésus “En Marche” ? J’avoue que je n’y avais jamais pensé !). Question suivante : à quel âge Jésus a-t-il quitté la Judée pour l’Égypte ? Sans doute très tôt… ce qui rend plausible l’épisode des “premiers pas” auxquels le catholicisme romain n’a jamais porté un grand intérêt. C’est dommage.

Plus tard, remontant le Nil à bicyclette (je vous rassure : pas en une seule fois, le trajet Alexandrie-Assouan s’étant étendu sur 4 ans !), nous avons été frappés par le nombre de “souvenirs” qui restent dans ce beau pays sur la présence ou le passage de la Sainte Famille après treize cents ans d’Islam ravageur et peu accommodant : les Béit Méry (la maison de Marie”), ou les Ouadi Méry, (qui ont conservé la mémoire d’avoir “vu” la Sainte Famille boire là une eau qu’il faut espérer pas encore polluée). À ce Ouadi, ils se sont désaltérés… Ici, ils se sont arrêtés… Là, Joseph, ayant dépensé tout l’or offert par les Mages, a vendu l’âne… Dans telle grotte, ils ont séjourné, et sur telle berge, la Vierge Marie à lavé les langes de l’enfant (quand on y pense, ce n’est pas impossible, même probable !)…

Depuis le delta du Nil et le site de Matarieh – près de l’actuel Aéroportal-Qāhirah – jusqu’à ma montagne de Quosqam où ils auraient séjourné 3 ans, des lieux, le long du chemin suivi, ont gardé le nom de Marie, et des églises ont été érigées, dès le IVe siècle. Il existe aujourd’hui une quarantaine de sites “authentifiés” par le très officiel Département d’Archéologie égyptien comme “faisant partie du chemin emprunté par la Sainte Famille”. Les Coptes (ces seuls descendants des antiques “Égyptiens des temps pharaoniques”, les Arabes étant, là comme ailleurs, des conquérants colonialistes qui ont réécrit l’Histoire comme ça les arrangeait – une des pires mystifications de tous les temps !) pérégrinent là par centaines de mille…

À la différence de l’Église romaine, comme toujours frileuse et très “en retrait de la main” sur tout ce qui risque de faire froncer les sourcils politiquement corrects des modernistes qui, pourtant, la haïssent (mais pas ceux de SS Benoît XVI, ni ceux de toute la hiérarchie de l’Église copte – ce qui n’est pas rien comme références, sur un tel sujet !), aucun des Égyptiens à qui j’ai pu en parler (au total, ça fait beaucoup !) n’aurait l’idée de mettre en doute le récit de Saint Matthieu. Le 1er juin est la date retenue pour commémorer officiellement l’entrée en Égypte de Joseph, Marie, l’Enfant-Jésus et Salomé, une cousine de Marie, date qui va bientôt être déclarée fériée, en Égypte (le processus est engagé). Et c’est le 1er juin de l’année dernière que SS Tawardos II, 118e Patriarche copte-orthodoxe (qui représente dans les 12 % des cent millions d’Égyptiens dont une grande majorité respecte tous ces lieux vénérables – et donc vénérés), déclarait : “Dieu nous a donné cette bénédiction : cet événement a eu lieu sur la terre de notre cher pays. Il faut nous en réjouir”.

Le ministère du tourisme (dont certaines motivations doivent un peu “sentir le besoin de cash” !) a inauguré – en plein “covid”– un “Chemin de la Sainte Famille” dont la longueur finale devrait être de plus de 350 km, qui reliera les lieux les plus emblématiques, tel le village de Maadi où Joseph se serait “délesté” d’une partie de l’or des Mages pour “acheter” la remontée du Nil, ou le site de Sakha où une pierre est vénérée comme “portant trace des petits pieds du Christ” (NDLR : moi, je veux bien ! S’ils le disent ! L’empreinte est assez floue) jusqu’au monastère de Deir al-Muharraq, qui est dit “le plus ancien monastère du monde” (ce qui serait logique s’il est bâti sur l’emplacement de la maison où habita le Christ encore tout bébé !).

J’espère que cette petite escapade dans l’un des événements les moins “célébrés” de toute l’histoire chrétienne (et de toute l’Histoire, de manière plus générale) vous aura permis, chers Amis-lecteurs, d’oublier pendant quelques minutes la pression si laide de notre sinistre quotidien, et de découvrir ou de revisiter plusieurs “grandes premières” de notre culture : le premier voyage touristique, déjà payé “à prix d’or !”, les tout-premiers “gîtes d’étape” et les “bed and breakfast”, la première croisière en felouque sur le Nil, le premier emplacement du “club Med” sur la montagne de Qosqam, ou une de toutes premières de ces “migrations forcées” qui détruisent le monde actuel… et aussi : le bien joli récit des premier pas d’un bébé sur le sol qu’avaient quitté ses ancêtres 1500 ans plus tôt… Mais c’est une autre Histoire…

H-Cl