DÉCIVILISATION ?

Avec ce terme décivilisation, le macrounet de service nous sert un de ces brouets à l’eau tiède dont il n’a ni le secret ni l’envergure. Et il croit nous faire l’offrande majuscule de la surprise du chef. Bigre ! Mais le « chef » n’a plus aucune étoile depuis longtemps au guide des gargotiers.

Aujourd’hui, je ne vais pas me lancer sur sa pâle copie de l’œuvre de Norbert Élias. Ce serait trop d’honneur. Contentons-nous du fondamental.

LA FADEUR DE SON BROUET

Nous aurions pu lui conseiller de l’épicer. Par exemple, avec de nouveaux concepts. Au hasard, dyscivilisation, miscivilisation, mécivilisation, péricivilisation, latérocivilisation, ucivilisation. Cela ne suffit pas ? Essayons paracivilisation, transcivilisation, épicivilisation. J’arrête ici, le jeu pourrait devenir lassant, ou extraordinairement enrichissant. Je suis sûr que l’on peut bâtir une carrière complète de sociologue sur chacun de ces mots. Et un tel sociologue confirmé, s’il ressemblait par quelques poils au pauvre macrounet, n’en tirerait rien d’autre qu’un rabâchage illusoire.

Exemple, ses phrases plus que convenues (con-venues d’un con-civilisé ?) : « Il faut être intraitable sur le fond. Aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale ou contre les personnes. » Et il agite ses petits doigts doublement bagués : « Il y a une accoutumance aux propos de plus en plus violents, à une boue de petites phrases et d’accusations en l’air plus ou moins brutales. »

Ce ne sont pas des signaux de fumée (au moins cela avait un sens) mais un écran de fumée utilisable à loisir : contre les affreux chauffards qui roulent à 60 à l’heure, ou contre les fauteurs de guerre qui envoient des armes à un certain pays en guerre. À moins qu’il n’ait parlé de ses troubles troupes de choc lancées contre des ronds-points qui présentaient quelques gilets jaunes, ou contre des futurs ex-retraitables décalés qu’il s’agissait de traiter comme des détraités à maltraiter. (Au passage, je lui fourni de la matière pour une de ses futures sorties gargotières).

C’est à croire qu’il s’est regardé dans un miroir en se léchant les babines, ou qu’il a réécouté ses admonestations répétées au peuple qu’il a souhaité « emmerder ». Et comme je ne lui ai pas « laissé ma carte », je crains de ne pas être embauché dans son « cervelas trust ».

Bref, c’est du bas étage qui ne grandit personne et surtout pas lui.

ALORS ? LA QUESTION FONDAMENTALE : LA VIOLENCE

Un chef d’État digne de ce nom doit comprendre qu’une société n’est pas un paradis qui se surparadise. Le parleur en chef ose cette preuve de sa myopie cérébrale : « Le sens de l’histoire des sociétés a toujours été de réduire la part des pulsions pour accroître le respect de l’autre… » Charabia pour chaisières. C’est de l’inverse qu’il s’agit : de comprendre qu’une société est par nature imparfaite et qu’au lieu de viser une perfection illusoire et normative – donc mortifère – il faut contraindre les violences : en priorité celles qui, par but ou par conséquence, tendent à déstructurer une société.

Et là, reconnaissons qu’il y a « du taf » et qu’avec les déviations de violence qui ne servent que de thérapie compensatoire à visée personnelle, la société française ne peut qu’aller au pire.

Comprenons-le bien : un responsable de bon niveau doit oublier les œuvres de simple police et la morale pharisienne classique, encore plus celles qui touche au pharisianisme. Ce responsable de haut niveau – rêvons un peu en l’occurrence – doit avoir pour but constant de rompre les structures mortifères de la société.

Pour bien montrer la différence, j’affirme que les assassinats, dans leur majorité, ne sont pas des structures mortifères pour la société. Cela pour plusieurs raisons.

D’abord, les assassinats, dans des proportions qui peuvent atteindre les 50% sont le fait de personnes proches, souvent de la famille. Autrement dit, une fois l’assassinat commis, le coupable s’en tient à ce stade, car il a « éliminé » le responsable (dans son esprit) de son acte. Sauf à surveiller l’intérieur de toutes les familles, parentés et amis ou relations, en prenant des mesures de prévention probablement illusoires, ces assassinats, si horribles et punissables soient-ils n’entravent pas les liens sociaux généraux. Aucune société n’a jamais été gênée dans sa course par l’accomplissement de tels homicides. Au contraire, c’est le moment où la police et la justice peuvent montrer le meilleur de leurs actions. Donc, le public lui renouvelle (dans les meilleurs cas) son lien de confiance. Je mets à parts les gâchis de certaines affaires.

Et les assassinats entre gangs ? Eh bien, là aussi, il faut oser agir selon la pensée fondamentale : ils ne déstructurent pas la société. Ces règlements de compte sont monnaie courante entre caïds de tout niveau. On pourrais même dire qu’ils « font le travail préventif » que toute société bien organisée devrait accomplir.

Mais, dans ce dernier cas, deux questions se posent : celle des victimes dites « collatérales », et celles des conséquences de ces « guerres de gangs ».

Les victimes « collatérales ». Une fois qu’on a décrété qu’elle étaient « au mauvais endroit au mauvais moment », que faire ? Rien de plus si l’État ne prend pas les mesures pour parquer les « mauvais garçons » dans des lieux où ils devraient être, et non au milieu de populations victimes par avance. Autrement dit, la « victime collatérale » est un indicateur de la décadence de fonctions régaliennes du responsable n°1. Là encore, je ne traite pas le côté moral de l’affaire, mais le domaine de la responsabilité politique première : la sécurité. J’oublie volontairement les attrape-nigauds larmoyants que sont les composantes de la devise française (liberté, etc.) car la sécurité prime.

Deuxième niveau : les raisons de la guerre des gangs. Au fond, qui, au plan structurel, serait gêné par l’élimination progressive des chefs de guerre qui gangrènent une société ? Honnêtement, personne. Mis ici nous touchons au fond du débat. Si ces gangs et leurs organisations existent c’est seulement par la défaillance des pensées, des actions que doit mener tout chef d’État, à moins que ce ne soit par convenance personnelle du dit pseudo-responsable, et que ces défaillances oscillent entre l’incompétence, la peur, l’incapacité, ou pire, l’utilisation.

Politique de la ville ? Vous avez dit « politique de la ville » ? Que signifie cette expression, sur le terrain ? Quelle est sa réalité ? Simplement le cache-misère de l’État réduit à ses contorsions minables, ou à ses avantages putrides. Et le pays « en crève ».

Ayant montré par ces exemples la semi-nocivité de certains actes (même barbares) et le pourrissement sur pied dont les « responsables » théoriquement « pas coupables » devraient subir les conséquences, je pourrais décliner les exemples qui ne feraient pas plaisir à certains.

Car, ayant évoqué les « guerres de gangs » et leur éventuels « accommodements raisonnables » l’image s’est imposé d’une délinquance forte et armée de gros calibres. Mais pourquoi ne pas étendre le raisonnement à des pillages économiques, industriels ou autres ? Comment interpréter en profondeur des ventes de « pépites » (horrible mot) françaises . Alstom et les turbines nucléaires. Et si une quelconque commission indépendante se penchait sur ce point précis des exploits de macrounet ?

Mais passons à plus dégradant : la question des viols de femmes, et pourquoi pas d’hommes ? Car cela existe.

On nous a balancé, rebalancé, surbalancé, « overdosifié » les viols pour remplacement ethniques dans certaines régions de l’ex-Yougoslavie. Avec toujours les mêmes coupables, bien sûr. Les con-cocteurs d’influence n’ont pas encore (à ma connaissance) recommencé le coup avec Les Russes, les Ukrainiens (cochez la case préférée des journalistes français).

Mais en France, que penser des viols par des gens qui ne « connaissant pas les codes » s’en tirent blanchis ? Que penser du rôle déstructurant dans un pays de juges capables d’une telle ignominie ? Que penser du « mur des cons » du syndicat de la magistrature ? Et hors ce système politiquement pourri, que penser des « affreusement simples » viols multiples et affreusement réels dont les poursuites s’arrêtent ou même ne commencent pas ? Ici encore, hors toute morale, mais en pleine compassion avec les victimes, la déstructuration de la société s’affirme.

Réfléchissons ! Quant à souhaiter qu’un personnage qui transparaît en ces lignes réfléchisse… ne l’espérons même pas.

Antoine Solmer

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