CULTURE ET CIVILISATION / 6

Dans le cinquième volet de notre série sur la culture et la civilisation, nous avons réussi à fonder deux définitions pratiques de ces deux entités grâce au découpage de la pyramide augmentée à sept étages de Maslow.

Je m’en tiens aujourd’hui à ma définition : « une civilisation est une pyramide unique dans laquelle tous les membres participent, en groupes spécifiques (cultures) ou isolément ou en communauté, selon leurs capacités et leurs rythmes, à la construction de cette pyramide, à son entretien et à sa défense, quels que soient les niveaux où ils se situent. »

DES CONDITIONS VITALES

En partant de la pyramide augmentée de Maslow, intégrant les besoins de transcendance, nous ne devons pas oublier quelques points fondamentaux.

Dans une pensée humaniste, cette échelle présentée à l’homme lui reste personnelle. Une législation contraignante, assortie d’une panoplie de contraintes et de peines en cas de non-réalisation de ce « besoin » choisi par un exécutif nous paraîtrait exagérée. Toute référence aux civilisations communistes et hitlérienne ne serait absolument pas une coïncidence, mais une partie fondamentale de leurs structures gauchistes.

Maslow avait établi une échelle des besoins. La forme de la pyramide est parfaitement adaptée. Toutefois, on la comprendrait mieux si, au lieu d’une pyramide, il avait dessiné une échelle à montants progressivement rapprochés jusqu’à former un triangle. Les derniers barreaux en auraient été les plus étroits, les plus délicats à utiliser et donc les plus risqués.

Il est artificiel de séparer les besoins des désirs. Je n’entrerai pas ici dans une discussion sur leurs dynamiques relatives. Contentons-nous d’affirmer que l’assimilation de la pyramide de Maslow à une structure civilisationnelle doit intégrer la double entrée du couple besoins-désirs, pour laquelle chacun doit trouver à s’accomplir, sans pour cela rompre l’unité de l’ensemble. Imaginons qu’un ascète éprouve le besoin d’une alimentation de seule survie et d’autres conditions drastiques pour atteindre l’état optimum de ses désirs de haut niveau transcendantal. Si respectable que soit cet accomplissement, il paraîtrait illusoire et dangereux, de le proposer à l’ensemble des membres de cette civilisation, au risque de la voir dépérir. Un équilibre général besoins-désirs doit être une règle de vie personnelle dans cette civilisation. Aucune loi ne doit intervenir dans cet équilibre spécifique, qui doit rester fondamentalement personnel. Si tel n’est pas le cas, la dictature est en marche. Gardons-nous donc des intrusions faussement « maternelles » des démocraties qui n’en sont déjà plus.

Si l’homme doit rester en première et en dernière analyse le fondement d’une civilisation, et si aucune loi ne doit perturber ses équilibres, certaines proportions sont cependant nécessaires. Le rôle d’un État est avant tout de procurer des moyens de vie au cadre civilisationnel. Il doit rester au niveau de renfort, jamais au niveau de contrainte.

Un État doit surveiller des tendances, avertir de risques mortifères et tenter de les dissuader par des contre-mesures. S’il en est au stade de s’acharner à corriger des déviations mortelles – ou pire, de les accompagner – c’est qu’il a déjà failli ou que cette civilisation a atteint son point de rupture. Le wokisme n’en est qu’une maladie-témoin parmi d’autres.

Dans cette pyramide-échelle des besoins et désirs, tous les niveaux ne supportent pas le même poids civilisationnel. Si les derniers, les plus haut placés, ne sont pas accessibles à tous, le point fondamental est que ces « petits ou moyens grimpeurs » les contemplent sans mépris ni haine. Plus simplement, les critères esthétiques et transcendantaux (religieux) forment le toit, l’abri ultime des niveaux préalables. Dans ces conditions, les lignes de force de cette civilisation sont assurées. L’ensemble reste stable. Si tel n’est pas le cas, nous payons chaque jour pour savoir ce qu’il en est.

La morale d’une civilisation lui est propre, avec ses critères, religieux ou non religieux. Une autre civilisation peut avoir choisi et développé des critères moraux différents, voire opposés, sans que quiconque puisse lui refuser le qualificatif de civilisation et sans que quiconque ait le droit de s’ériger en grand moralisateur. Mais chacun, à tous les niveaux et surtout les plus hauts, a le devoir de protéger sa civilisation. En fonction des critères civilisationnels les plus exigeants – ceux des deux derniers étages s’ils sont en opposition frontale – cette situation n’en sera que plus difficile à vivre, sinon tranquillité, du moins en harmonie. Quant à la paix…

Ayant intégré ces notions, nous sommes maintenant armés pour comprendre où nous en sommes.

 VIE ET MORT D’UNE CIVILISATION

Les hommes qui font émerger une civilisation et les avancées de cette dernière possèdent des rythmes de vie différents. Ces déséquilibres créent des fissures peu visibles au début. Des ébranlements suivent toujours, à plus ou moins long terme. Parfois ce sont des causes internes qui se révèlent ainsi. Certains seront tentés de laisser du temps au temps. D’autres tenteront les cataplasmes déjà dépassés. Il arrivera aussi qu’une secousse sismique révolutionnaire s’imagine rebâtir à neuf, alors que le ver continue de grandir dans le fruit. En peu de temps, des édifices millénaires deviendront la proie des plus retors, car rien de sérieux ne s’est jamais bâti sur de seules bonnes intentions. Allons plus loin. Tout bâti que l’on espère assez solide pour résister aux siècles doit être armé de la force juste, ce qui est l’équilibre le plus difficile à tenir… et à imposer. Nous n’en sommes plus là.

Notre civilisation française, qui est assez représentative de la civilisation occidentale, est sur le point de s’abattre. Elle pérore, elle se leurre, elle ouvre largement les portes à ses ennemis, elle les ferme à ses amis, elle prend ses fournisseurs pour des rois mages, elle se vit en dame de sagesse alors qu’elle traîne déjà dans les lupanars, elle se bouche doublement les oreilles : contre les cris de ses assaillants, et contre les conseils qu’elle refuse.

Elle trahit ses anciens héros autant que ses derniers défenseurs. Elle se vautre dans tous les délires que les psychiatres du monde entier ont déjà étudiés. Elle enfante chaque jour plus de laideur physique, plus de laideur morale, plus de bassesse, et prend ces lèpres pour des signes de grandeur. Elle dévirilise ses hommes et déféminise ses femmes. Elle cède à tous les caprices de zombies qui se prétendent aussi éveillés qu’éveilleurs, elle croit en la morale des prothésistes et à leur camelote de bas morceaux, pendant qu’elle encourage les pires castrations, celles des sexes et des lobes frontaux. Une étape que ni le marxisme-léninisme ni l’hitlérisme n’avaient franchie. Avec cela, parce que l’homme est terriblement adapté à prouver que le faux est vrai et vice-versa, les pseudo-élites, les délités de tout bon sens, les agrégés en désagrégation, se pavanent et pérorent, se prenant pour des lions, n’étant au mieux que des hyènes, et plus souvent des roquets galeux. On vole, on pille pour le bien du peuple, et de ce sucre englouti au passage, on se lèche les babines, où la perlèche attire les mouches et leur horrible ponte.

Comment cette boutique ouvre-t-elle encore ses volets ? C’est le grand mystère des agonies. Un travail en apparence masque parfois celui qui mine en dedans. De mouvements prétendus volontaires ne sont que spasmes de viscères putrides. On se parfume d’autant plus que la puanteur de la gangrène se répand. On sourit en dévoilant des dents noircies, ont croit charmer alors qu’on coasse. Le reste, c’est… l’Histoire.

 DES BARBARES ? NON ! UNE AUTRE CIVILISATION

Il y a quelques semaines, Jordan Bardella, voulant prendre du champ par rapport à Éric Zemmour, affirmait que quelques « jeunes » inopinément porteurs de lames un peu excessives (en tout cas parfaitement illégales), faisant une virée dans la localité de Crépol (qui devait payer son tribut par un mort et une quinzaine de blessés) n’appartenaient pas à la civilisation musulmane, car ils ne connaissaient pas le Coran. Je ne reprends pas le verbatim de son explication. L’esprit en est minable.

Comment ce garçon intelligent, habile, parlant bien et n’en présentant que mieux en arrive-t-il à affirmer de telles balivernes ? Une méconnaissance de la civilisation musulmane ? Pourquoi pas ? Mais nul n’a besoin d’être un uléma de la grande mosquée Al-Azhar du Caire (un phare religieux fondamental) pour avoir un aperçu et tirer des conclusions sur la conduite à tenir face à la version agressive de la civilisation musulmane actuelle. Certes, ces « jeunes » ne doivent pas participer aux concours de récitation du Coran. Cela les exclut-il de la civilisation musulmane ? Certainement pas ! De même, le chrétien moyen a-t-il lu tous les actes des apôtres, tous les psaumes de la Bible, tous les commentaires de saint Augustin ou d’autres, et jusqu’aux encycliques papales ? Certainement pas !

On le voit, la sortie de Jordan Bardella est du domaine de l’enfumage, ou de l’auto-enfumage. C’est grave, car, ce faisant, il participe de la catégorie des idiots utiles qui furent autant de pions pour les communistes, et qui, maintenant, se tournent vers l’islamisme. Mais, derrière Jordan Bardella, il y a la mère-aux-chats, et ses affirmations du type ni-ni. Ni de gauche ni de droite ! Foutaise ! Cela signifie toujours captive de la gauche, pour ne pas dire, bien ancrée à gauche. Il n’y a qu’à voir son programme, et en attendre le pire.

Il est possible que les Français se laissent une fois de plus enfumer. Ne pas connaître l’histoire, se gargariser de phrases creuses et déboulonner des statues, voilà quelques critères d’une civilisation en déconfiture.

Un homme providentiel ? Pourquoi pas ! Il lui faudra de la poigne. Car il devra surmonter le remugle de la gauche, je veux dire de toutes les gauches, y compris celles qui ne s’affichent pas comme telles mais qui y sont engluées.

Au moins, personne ne pourra me reprocher d’avoir mis mes doigts dans cette confiture moisie.

 Antoine Solmer