La dernière livraison de La Revue des deux mondes de ce mois comprend un excellent article de Roberr Kopp intitulé : « Qui veut faire taire Georges Bensoussan ? »
Les premières lignes exposent sous une ironie triste la question de l’existence d’un islamo-gauchisme, que tant de « chercheurs » n’ont pas trouvé. Pourtant, exprime Robert Kopp : « à simplement regarder ce qui se passe dans l’édition et dans les médias, on ne peut qu’être frappé par l’intervention de cette véritable police de la pensée, qui frappe à chaque fois qu’une observation lui déplaît. Ainsi, quand un historien ou un sociologue parle de l’antisémitisme tel qu’il se manifeste dans certains milieux arabes. Un antisémitisme qui – au vu et au su de tout le monde – s’affirme de plus en plus ouvertement depuis trente ans, mais qu’il est interdit de nommer, bien que la liste de ses victimes ne cesse de s’allonger. »
À propos, qui est Emmanuel Brenner ? C’est tout simplement Georges Bensoussan qui a publié sous ce pseudonyme une enquête au titre impossible à oublier : Les Territoires perdus de la République [1].
QUI EST GEORGES BENSOUSSAN ?
Georges Bensoussan n’est ni un illuminé cherchant la lumière des médias pour se faire un nom, ni un « perdreau de l’année ». Il est professeur agrégé d’histoire, a consacré une bonne partie de sa vie à étudier et faire connaître l’histoire de la Shoah, et a signé en 2012 un appel d’intellectuels juifs européens pour une paix israélo-palestinenne sur le principe « deux peuples, deux États » [2].
Ce qui le distingue de bien d’autres chercheurs, et qui me le fait profondément apprécier, est son approche historique qui consiste à en « dégager le substrat intellectuel du social pour comprendre les phénomènes historiques, et décrypter le discours caché des conduites sociales […] Le fil rouge dans la pensée de Georges Bensoussan, c’est l’étude des soubresauts des modernisations confrontées aux résistances et aux héritages du passé des sociétés et des cultures où ces modernisations se produisent […] Pour chaque sujet traité, G. Bensoussan cherche à mettre en exergue la part d’universel que toute histoire singulière porte en elle. [3]. »
Autrement, dit, c’est la longue portée des idées et des conduites qui peuvent sembler s’atténuer, voire disparaître, tout en poursuivant une vie souterraine, inconsciente, prête à ressurgir. Cette position fondamentale – en ce qui me concerne – nous rapproche autant de nos « racines » (je n’aime pas trop ce mot) – et surtout de nos ancêtres dans leurs richesse profonde autant que dans leurs failles qui peuvent ne pas l’être moins.
RETOUR À L’ARTICLE DE ROBERT KOPP
En 2017 Georges Bensoussan « double » Les Territoires perdus de la République par Une France soumise, enquête qui précise l’aggravation de la situation [4]
En 2015 il participe à l’émission d’Alain Finkielkraut Répliques dans laquelle il interprète métaphoriquement les propos d’un sociologue algérien, Smaïn Laacher. Sa métaphore, participant d’un style fleuri plus en usage dans les civilisations orientales est la suivante : « C’est une honte que de maintenir ce tabou, à savoir que dans les familles arabes en France, et tout le monde le sait mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de la mère” »
Ses ennemis – l’islamo-gauchisme ne peut en être puisqu’on « ne le trouve pas » – tenaient à faire croire qu’il parlait au sens propre, que ce « lait de la mère » voulait dire le sang de la race et donc était punissable au titre de toutes les belles lois qui interdisent ce genre de dérives. Faire condamner le témoin de dérives anti-sémites pour racisme, quelle jubilation !
S’ensuivront un procès, et différentes péripéties juridiques, dont il sortira « vivant » malgré le but poursuivi qui était « la mort sociale de celui qui “pensait mal”. »
Georges Bensoussan publie Un exil français [5] : quatre années d’attaques, de calomnies, et d’efforts menés par « Pierre Nora, Boualem Sansal et d’Alain Finkielkraut pour faire comprendre aux magistrats que le but de ce procès était autant de tester la résistance de la justice républicaine aux pressions sur la liberté d’opinion et d’expression que de condamner un auteur qui n’obéissait pas à la doxa antiraciste. »
DE GEORGES BENSOUSSAN À BOULEM SANSAL ET AU-DELÀ
Robert Kopp s’étonne que, de ce fait, le témoignage de Boualem Sansal ne l’ait pas ramené, en accusé cette fois, devant les mêmes juges. En effet, il avait affirmé :
« Dire que l’islam est incompatible avec la démocratie, c’est simplement répéter ce que le dogme islamique lui-même dit et ce qu’enseignent les autorités religieuses. […] Dire que l’antisémitisme fait partie de la culture islamique, c’est simplement répéter ce qui est dit dans le Coran, enseigné à la mosquée (qui est avant tout une école) et sans doute dans beaucoup de familles traditionalistes. L’antisémitisme est un réflexe acquis très tôt. Après, la vie fera qu’on pratiquera ou qu’on rejettera ce qu’on a appris. »
Et puisqu’il est question de démocratie, je me permets, au vu ce cet exemple, de poser les questions suivantes :
La fameuse et quasi divinisée « DDDémocratie » derrière laquelle les politiques nous masquent leurs pires déviances et déroutes, n’en est-elle pas à son terme ?
Ne mérite-t-elle pas d’être refondée, en sachant » brûler ce qu’on a adoré » et dont il ne reste déjà plus que des lambeaux en décomposition ?
Ne s’agirait-il pas là du chantier le plus urgent de la prochaine élection présidentielle ?
Tout cela est d’une actualité brûlante.
Au fait, pour mieux préciser « l’éclairage » du titre de mon article, et du pseudonyme Emmanuel Brenner, je précise que Brenner en allemand signifie brûleur, torche, chalumeau, tous appareillages reliés au verbe brennen, brûler.
Et au fond, il rejoint deux autres « belles » citations.
La première est : « Brennt Paris ? » traduit par « Paris brûle-t-il ». Telle était la question qu’un certain Adolf posait au général von Choltitz en août 1944 qui hésitait – heureusement – à obéir à cet ordre.
La seconde est « Mit brennender Sorge », traduit mezzo voce par « avec une vive inquiétude [6]» et mieux par « Avec une brûlante inquiétude ». Car j’imagine mal que les deux rédacteurs, le pape Pie XI et le cardinal Pacelli, futur Pie XII, étaient d’humeur à atténuer ce texte, le plus fort qui fut jamais “fulminé” contre un État (l’Allemagne d’Hitler), surtout en 1937.
Malgré tout, la question reste posée :
les « quartiers » brûlent-ils ?
Antoine Solmer
[1] Emmanuel Brenner (dir.), Les Territoires perdus de la République. Antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire, Mille et une nuits, 2002.
[2] https://fr.jcall.eu/
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Bensoussan_(historien)#Biographie
[4] Georges Bensoussan (dir.), Une France soumise. Les voix du refus, préface d’Élisabeth Badinter, Albin Michel, 2017.
[5] Georges Bensoussan, Un exil français. Un historien face à la justice, préface de Jacques Julliard, L’Artilleur, 2021.
[6] https://www.doctrine-sociale-catholique.fr/les-textes-officiels/197-mit-brennender-sorge#p1