POUR UNE TRAHISON OU UN DUEL, IL FAUT DEUX PERSONNAGES

Je reviens sur l’épisode MM (Marion Maréchal) dans  la série Reconquête. Plusieurs épisodes, devrais-je dire, car, l’affaire remonte à 2022, « avant même son ralliement annoncé sous le signe de ses « convictions » », ainsi que l’écrit Diane Ouvry dans sa relation de l’affaire. Cela fait donc deux ans. Je ne reprends pas ici les différents éléments, puisque je les ai publiés en cinq épisodes dans les billets précédents.

En réalité, nous ne savons pas d’où vient et comment s’est préparée ou a été préparée cette « greffe qui n’a jamais pris ». Le saurons-nous jamais ? Si une jardinière méticuleuse, spécialiste en bouturage, est derrière l’opération, il y a de grandes chances que la vérité sorte un jour du puits par langues déliées. Si ce fut un penchant spontané de la belle plante, une sorte de marcottage, alors nous n’en aurons jamais qu’une relation douteuse que l’on pourrait schématiser en trois hypothèses : défense obstinée pro domo, repentir de la pécheresse, ou noyage de poisson.

Mais quelles que soient les hypothèses, un premier fait apparaît. Cela fait maintenant plusieurs jours que le document est sorti. Si MM avait eu des arguments forts pour tout démentir, nul doute qu’elle s’en serait servie. Tel n’est pas le cas.

Le cas le plus intéressant, est le « marcottage cérébral », autrement dit, la tendance spontanée à mûrir son plan et à investir un bout de terrain propice pour se créer une nouvelle place au soleil. Dans le meilleur des cas, tout le monde est content, sinon, c’est un envahissement parasitaire. Ce fut cette dernière approche qui prévalut.

Oublions maintenant les approches végétales, et revenons au cerveau humain qui possède, davantage que la langue d’Ésope, la capacité à nourrir les meilleures pensées et les pires. Et, en ce domaine, tous les degrés existent, depuis l’acte gratuit à la machination élaborée. Par principe, je ne crois pas à la première hypothèse. Accepter la gratuité en ce cas, donc, l’absence de toute cause initiale, reviendrait à découvrir le « moteur premier », l’entité déiforme, le Dieu créateur créant ex nihilo, si l’on peut dire, car alors, ce rien lui-même serait une de ses caractéristiques, sinon la seule. Et si nous devions admettre qu’une création existe à partir de rien, nous nous trouverions devant le défi le plus mortel ou le plus vivifiant de toute l’humanité, et au-delà. Voilà pourquoi je ne peux accepter l’acte gratuit.

Cependant, j’accepte volontiers l’acte dont je ne peux discerner l’ensemble des motivations, et même mon incapacité à en discerner une. Mon incapacité en tout domaine des relations de cause à effet, ne signifie aucunement que cause ou effet n’existent pas. Je suis même persuadé que certains de nos actes nous demeurent mystérieux. Combien de fois, la question « pourquoi avoir fait cela ? » vient à notre esprit, nous concernant ou concernant un proche ou un étranger ?

Je n’entrerai donc pas dans la dissection neuronique de MM. À elle de s’en charger si elle s’en sent la disposition, au risque de s’y enferrer ou d’en dépendre au point de se pendre. À moins qu’elle n’en monnaye l’histoire, comme « preuve auto-administrée » de son bon droit. Cela ne m’intéresse pas.

Plus intéressant, dans une trahison, est de considérer le couple chasseur-chassé, ici traîtresse-trahi. En effet, pour une trahison ou un duel, il faut deux personnages (au moins), un peu comme dans un divorce. L’hypothèse maritale nous a valu les délices du théâtre de boulevard, de ses gaudrioles tournant autour du célèbre trio, avec intrus masculin ou féminin selon le cas.

Mettons donc Éric Zemmour sur la sellette. Pourquoi est-il plus important de nous intéresser à lui ? D’abord, parce qu’il s’agit de l’histoire d’un parti politique important. Cette importance tient paradoxalement à sa déroute aux élections législatives récentes. Il n’est pas le seul, mais il était le seul à associer deux points fondamentaux : la perspective positive d’un immense intérêt des foules et la mise sur le terrain politique d’un programme qui bousculait les discoureurs au petit pied pour s’attaquer aux racines des maux qui gangrènent la France. Pas de tous, certes, mais à suffisamment d’entre eux pour qu’une victoire législative, et pourquoi pas présidentielle, eût pu remettre le pays en bonne condition de survie. Il n’en est plus question. Les dégâts que l’on a vus et qui en présagent de pires vont nous mener à la catastrophe. Et compte tenu de l’avachissement général…

Avant que cela n’arrive… dansons ! diront certains. Je préfère poser d’autres questions, pour y trouver un espoir, si minime soit-il.

Tout au long du récit de Diane Ouvry, nous trouvons des explications pour l’acceptation raisonnée du fait MM, donc de ses réticences, de ses quêtes forcenées, de ses escapades, de ses volte-faces, de sa ou de ses trahisons. Et cette acceptation, à mon avis néfaste, tendait à ne pas freiner l’enthousiasme des militants, le regard des populations, probablement les attaques des opposants de principe, et les rentrées financières. Bref, le train de Reconquête était embarqué dans une folle descente, alors que le conducteur responsable ne coupait pas sa lancée. Résultat garanti au premier virage. Nous l’avons vu, nous le voyons, et nous n’avons pas fini d’en voir les conséquences.

Autrement dit, pourquoi Éric Zemmour n’a-t-il pas débarqué la pirate ? Question fondamentale qui en entraîne une autre : le pouvait-il ? Le voulait-il ? Chacune des réponses à ces questions mériterait sa réponse détaillée dans un de ses futurs livres.

Je ne prendrai pas sa place, mais la mienne. Je pense que cet attentisme, même surveillé, fut une erreur profonde. Parmi ses raisons : parce que Zemmour est un brave homme, sincèrement soucieux du sort de la France, et non de son « bifteck » comme tant d’autres, pour ne pas dire tous les autres (admettons 50% ? Admettons 40% ?… admettons 10? J’ai l’impression de parodier Abraham négociant la survie de Sodome, sans être sûr d’aller jusqu’à 10).

Zemmour fut et reste un brillant journaliste politique qui échappa à ses tentations de gauche. Péché impardonnable. De fait, dès sa décision politique prise, il devint « le polémiste », bien entendu « controversé », etc. Devant ses contradicteurs, il était et reste brillant. Mais devant une aventurière perverse, il n’avait pas le code. Je crois que tel est son principal défaut. Humain, trop humain, non au sens de Nietzsche, mais à celui de la vie courante, qui court-circuite la dimension noire de cet adjectif pour le teindre en rose bonbon. Parlons de gentillesse, de profondeur d’âme, en fait d’inadaptation à la brutalité au moment où elle s’imposait. Zemmour n’est pas un « tueur ». En tout cas il ne le fut pas ou en refusa un au moment il un tel spécialiste (au sens figuré) était nécessaire.

En terme plus ou moins brutaux, il y avait une infection dans le corps de Reconquête menant à la gangrène. Les traitements habituels montrant leur inefficacité, ne restait qu’une solution : l’amputation du membre gangrené.

Ce ne fut pas décidé. Telle fut, à mon sens, l’erreur profonde.

J’y reviendrai.

Antoine Solmer