La beauté prend toutes les formes et les transcende. Je choisis ce jour un exemple qui reste assez hermétique aux critères français. Car cette nouvelle série – les repères de la beauté – veut intégrer les découvertes et les redécouvertes. Aujourd’hui, le flamenco, ou du moins une part de cet art qui est un monde en soi. Un monde de technique, mais aussi d’inspiration qui peut mener jusqu’à l’apparition du duende. Ce nom évoque en première traduction un fantôme, un esprit. En flamenco profond, c’est aussi la prise de possession de l’artiste et la communion avec l’assistance, une sorte d’état second, ou de transe où l’artiste, tant en flamenco qu’en tauromachie, dépasse la technique jusqu’à sublimer son art, avec les risques de ces moments d’exception.
La proposition de cet article est de suivre une danseuse espagnole native de Grenade : Sara Jiménez. Elle danse sur le célèbre Asturias, tiré de la Suite Espagnole d’Albéniz.
Premier étonnement : la musique. Albéniz voulait évoquer huit lieux hispanophones (dont Cuba) grâce à une pièce spécifique de la région. Asturias est une exception, car le compositeur a choisi une soleá andalouse alors que les Asturies (la principauté des Asturies) sont situées sur la côte atlantique nord.
Deuxième curiosité : le rythme de cette soleá : en dépit de la tablature, l’ensemble compose une rythmique profonde, presque lente, apaisante ou méditative.
En conclusion : rien apparemment ne relie cette pièce musicale à ce que l’on attend trop souvent d’une danseuse de flamenco. C’est ici le défi de Sara Jiménez qu’elle relève avec une maestria qui fait d’elle cette merveilleuse danseuse mais aussi chorégraphe. Un style aussi sobre en apparence qu’envoutant où tout le corps parle, sans oublier les castagnettes ni les talonnades, et jusqu’aux volants de sa robe, volontairement réduits.
La beauté, rien que la beauté. Encore une partie du monde sauvée.
Laissez-vous porter par Asturias, interprété par Sara Jimenez soutenue par Les Giménez, Pablo et Juan Miguel.
Antoine Solmer