ASSOCIER UNE NATION AVEC UN ÉTAT
Une des particularités de la France est d’être un État-Nation. Si nous acceptons ce mot hybride nous devons cependant revenir sur ses éléments constitutifs, l’État et la nation, en laissant de côté leurs définitions aussi savantes qu’inopérantes. Tout juste pouvons-nous dire que c’est une organisation à forte volonté d’aliénation des hommes sous couvert de services rendus et payés fort cher par ceux qui sont censés en profiter. Imageons la réalité par la biologie !
CCH ET GFPA
L’État est un complexe céphalopodal à caractère « hydrolernique », en abrégé CCH. Voyons la base de ces constituants. D’abord, céphalopode caractéristique avec une tête à bec corné, munie de tentacules armées de ventouses et de crochets (poulpe, calmar géant, pieuvre, au choix). Ventouses et crochet servent leur nature éternelle : la prédation du milieu.
Il est aussi hydrolernique, en référence à l’hydre de Lerne, sorte de serpent des marais plus perfectionné que notre céphalopode actuel : une tête centrale immortelle, huit têtes accessoires mortelles mais renaissant après leur décollation par Hercule, le reste du corps pouvant frapper ou enlacer pour étouffer. Enfin Hercule comprit (selon les versions) qu’il lui fallait de l’aide ou abattre toutes les têtes d’un seul coup. Morte la bête, mort le venin !
À l’inverse de l’État, la Nation est un groupe fretinoïde, et prédato-anankal. Frétinoïde car constitué de fretin (menu par convention) et prédato-anankal, tel qu’Aristote aurait pu l’étudier, car destiné à être soumis à prédation, sans possibilité d’échapper. À son destin. En abrégé GFPA
Muni de ces descriptions plus proches de la réalité que toutes les contorsions sémantiques destinées à valoriser notre complexe céphalopode hydrolernique, nous en comprendrons mieux le système par ses caractéristiques principales :
1/ Le CCH
- Il est insatiable et sans état d’âme.
- Ses tentacules aspirent avec leurs ventouses, blessent avec leurs crochets tout membre du GFPA entrant dans son territoire de chasse.
- Puis elles les portent vers son bec cornu qui s’ouvre pour les déchiqueter et les engloutir au plus vite.
- Le manège se renouvelle sans fin.
2/ Le GFPA :
- Les plus petits sont les plus faciles à attraper
- Les plus gros sont habiles à diriger les petits vers les ventouses du CCH et à s’enfuir
- Les plus petits grognent plus ou moins mais continuent à se faire aspirer.
DE LA BIOLOGIE À LA POLITIQUE
La biologie étant immuable en ses manifestations nous oblige à en tirer des conclusions utiles.
Quelle que soit l’apparence de l’État-CCH son comportement est identique. Seule différence possible : sa taille, et donc sa gloutonnerie.
Tout groupe Nation-GFPA a intérêt à comprendre le mécanisme et à s’éloigner au maximum des ventouses du CCH.
Si cet éloignement est impossible, toute petite pierre destinée à troubler la digestion du CCH est bonne à porter dans son champ d’action, avec précaution et sans modération.
Tout membre du GFPA a pour devoir de ne jamais croire aucune promesse du CCH.
Tout membre du GFPA qui envisage une action plus musclée doit s’entourer de conseils avisés et d’un associé solide, attentif et décidé à tout mettre en œuvre pour couper ensemble toutes les têtes du CCH visé. N’en couper qu’une ne sert à rien.
Tout membre du GFPA engagé dans ce type d’action-réaction doit s’attendre à des remous et des gesticulations dangereuses de la bête attaquée, surtout blessée. Cette bête « gouverne mal mais se défend bien », comme ont dit certains humains.
Enfin, savoir qu’en cas de réussite de l’action préalablement imaginée, même si les résultats initiaux sont favorables, ils deviendront défavorables à moyen ou long terme.
Les membres du GFPA se divisent en deux catégories.
La première, la plus nombreuse ne comprend rien, ne veut rien comprendre, ne veut pas être dérangée ni impliquée, grogne un peu et finit par se calmer, suivre son destin, le ventre aussi bien tendu que possible, tout en maugréant par habitude.
La seconde, la minorité pensante, rêve, s’agite, imagine des solutions, cherche des courants porteurs de meilleure qualité, écoute des conseils dont tous ne sont pas désintéressés. Il lui arrive de se présenter en délégation. Deux hypothèses sont probables : dans le meilleur des cas ils crieront comme des sourds sans arriver à se faire entendre. Dans la pire hypothèse, les survivants seront assourdis par les détonations. Cette description est la meilleure traduction de la célèbre expression dialogue de sourds.
Et la vie continue…
ASSIMILER L’ÉTAT-NATION À UNE STRUCTURE POLITIQUE
L’alchimie de la vie des peuples fait le régal des historiens, surtout lorsqu’ils s’envoient des textes à la tête. C’est que la matière est rude, que l’histoire des batailles a la vie dure, malgré les assauts de l’école des Annales, et qu’en réalité les défauts des uns ni des autres ne font pas les vérités des autres ni des uns. La vie, dans toute sa complexité…
On sait à peu près tracer les frontières d’un pays, au cours des siècles et au fil des conflits (à condition qu’on ne laisse pas dépérir par une folle « dé-politique »). Mais il est difficile déterminer quel événement (ou quelle série d’événements) a coagulé des petits groupes, en groupes de moyenne importance jusqu’à obtenir cette étrange réaction chimique qui participe autant de la coagulation que de la dissolution et qu’on appelle nation. Encore une notion biochimique qui dépasse le petit entendement de nos CCH et de leurs sous-hydres, ministrées, galonnées, casquettées, emplumées.
Et que la structure s’appelle royaume, convention, législative, directoire, empire, république, état ne change rien à l’affaire. Aucun de ces mots n’a de valeur devant la puissance biochimique de la vie d’une nation, surtout lorsque des éléments de dissolution sont au pouvoir. Nous en traînons un exemple quasi-parfait, digne héritier de ses prédécesseurs.
Que l’on étudie l’extension de la langue française en nos frontières, la multiplicité des monnaies, des mesures, des coutumes, des intérêts, bref, de toute la vie, on s’aperçoit qu’il y a non pas une France mais des Frances, plus ou moins associés au fil des ans, brutalement coagulées par la Révolution, et toujours en voie de dissociation.
Cette dissociation s’exprime par la résurgence de parlers locaux, et qui dit parler dit penser et vivre. Au fait, sans compter les parlers ancestraux locaux, combien de langues importées dans les classes où certains instituteurs collectionnent une quarantaine de nationalités ? (Je dis et répète : instituteurs !). Combien de « territoires perdus de la République » ? Par l’illustration d’un président élu avec une « majorité » de 28% ! Plantons vite des bananes (en métropole) pour affirmer la vraie valeur de notre République !
La dissociation s’exprime encore et chaque jour davantage par le grand effacement dans l’Union dite européenne qui n’a rien d’union mais tout de la tueuse de la véritable Europe. Au point qu’il vaudrait mieux l’appeler 51e État américain, ou OTANie européiforme (toute meilleure suggestion acceptée).
Au fait, si Bouvines 1214, Marignan 1515, Austerlitz 1815 parlent encore pour les « petites têtes blondes » ou « presque blondes », comment cela se traduit-il et que traduit-il pour tous ces « nouveaux apprenants » ?
Je n’ai pas de réponse. Mais j’irai interroger les nouveaux arrivants de Lampedusa.
Ou plutôt, pas la peine de me déplacer. Il suffit d’attendre. Ils sont arrivés, ils arrivent, ils arriveront.
Antoine Solmer
(À suivre)
PHOTOGRAPHIE DE Freder, istock via Getty Images
https://www.nationalgeographic.fr/histoire/2021/07/kraken-le-calamar-geant-qui-a-fait-trembler-les-mers