UN ARTICLE SUR LE DÉBAT ZEMMOUR-MÉLENCHON

DEUX GRANDS CARACTÈRES
DEUX GRANDS CARACTÈRES

Plutôt que de présenter mes propres remarques, je préfère aujourd’hui me livrer à mon exercice de relecture. C’est une sorte de deuxième degré qui vaut une leçon de choses. Parmi les nombreux articles, couvrant cet épisode « pré-campagnard » je relève celui de Marianne, signé Hadrien Mathoux.

Son titre : « Sur BFM, le débat Mélenchon-Zemmour trahit les faiblesses de deux “candidats”. »

L’utilisation tu terme candidats entre guillemets traduit bien sûr les interrogations sur la fameuse question du « va-t-il y aller ? », à moins qu’elle ne serve de validation à la décision tirée du CSA par on ne sait quelles influences.

Je repère le tic journalistique de présenter Éric Zemmour, comme le « populiste » et Mélenchon comme « l’Insoumis ». Cette charge d’un qualificatif réductionniste (populiste) associée à la présentation d’un parti (l’Insoumis) n’est qu’une fausse symétrie, en réalité une asymétrie, une sorte de coup de griffe du Mathoux.

Oublions ! Car quelques lignes plus loin, le « polémiste » est redevenu « l’éditorialiste » et même « le journaliste du Figaro » sans oublier « l’auteur du Suicide français ». Il est vrai qu’il n’est pas aisé de multiplier les noms de personne dans un article. Toutefois, l’un… l’autre, celui-ci… celui-là, font partie des présentations grammaticalement bien définies qui ouvrent bien des portes.

Pour le reste, lisez l’article [1]  , amusez-vous à relever dans les appréciations du journaliste (auteur d’un livre sur Mélenchon [2]) les asymétries révélatrices. C’est un exercice intellectuel assez intéressant par les temps qui courent.

Je me contenterai d’ajouter quelques précisions plus enrichissantes, me semble-t-il.

FLOU ET FAIBLESSES

L’en-tête précise : « Même si les positions idéologiques du polémiste et de l’Insoumis étaient déjà connues, leur confrontation érudite sur la chaîne d’info en direct a livré plusieurs indications : le flou persistant de Mélenchon autour des questions d’identité, et les faiblesses de Zemmour en matière d’économie. »

Je ne me cache pas de ma préférence pour EZ, sans perdre mon droit à défendre JLM en ce cas. En particulier, ce « flou persistant de Mélenchon autour des questions d’identité » me laisse rêveur. Un chapitre complet de l’article lui est consacré.

Que pouvait dire M. Mélenchon ? Son parti pris politique l’empêche de valider les positions d’Éric Zemmour sur ce sujet, et son regard d’homme intelligent l’empêche de nier l’évidence. Son « flou » n’est donc qu’une posture bien compréhensible à destination de ses électeurs. Nous ne vivons malheureusement pas dans un monde où l’objectivité l’emporte sur les rentes de situations ou les visées sublimes.

Conséquences de l’opposition « obligatoire » des deux hommes, leurs positions ne peuvent être que fermes, pour ne pas dire musclées. Assimilation contre intégration (ou des déclinaisons variables de cette approche, comme la « créolisation »),  accusations et renvois de balle, jeu de fond de cours et montées au filet. Nous avons affaire à deux hommes intelligents.

Quel dommage que M. Mélenchon ait choisi une voie si rouge, car si on peut lui reprocher (défaut véniel) une certaine irritabilité, on ne peut que le suivre lorsqu’il répond à des « perquisitionneurs » qu’il représente la France, en tant que député. Ça « a de la gueule », à côté de tant de ses collègues spécialisés dans la seule chasse aux voix de leur circonscription. Et que le bateau coule, tant qu’on assure son canot de sauvetage !

L’un et l’autre de ces débatteurs connaissent leur métier, leurs forces et leurs faiblesses, chacun avec ses particularités. Je renvoie le lecteur au dernier livre de Zemmour, spécifiquement le chapitre intitulé « Monsieur, la République, c’est moi » du 12 décembre 2014 :

« Le combat sera tendu et houleux. Mélenchon corrige sans aménité l’animateur pour un jugement à l’emporte-pièce. Je suis étonné par l’aspect physique du duel. Nous sommes à une portée de gifle l’un de l’autre, et je sens que ce n’est pas l’envie qui lui manque. Mes mouvements incessants de tête, de mains, et des yeux, l’agacent et le perturbent. »

Apprenant cela des années après les faits, gageons que nous ne savons pas ce qui s’est réellement passé lors du débat récent, ni des arrangements préalables, ni des sorties des deux hommes. Le « direct » reste une façade qui n’ouvre pas les portes du bâtiment.

LE VIRAGE IDENTITAIRE DE ZEMMOUR

Je ne comprends pas cet intertitre, ou plutôt la façon dont le journaliste de Marianne le défend.

Quand il évoque des passes d’armes entre les deux autres, on ne s’attendait pas à moins. Mais citer comme le fait Zemmour : « Jean-Luc Mélenchon a trahi Jean-Luc Mélenchon : c’était jadis un républicain strict, aujourd’hui il court après les indigénistes », c’est tout de même une marque de reconnaissance de la qualité de l’homme… non dénuée d’une flèche du Parthe, je l’accorde : « Moi, je cours après une idée de la France que je vois en train de disparaître. »

Sur cette seule réplique, quelle pièce nous eût écrit Corneille, ou Camus !

Mais quand le journaliste lance vers Zemmour qu’il « oublie de préciser que lui aussi a évolué : gaulliste et séguiniste, il s’est de plus en plus tourné vers des positions identitaires et défend aujourd’hui les thèses de Renaud Camus sur un prétendu “grand remplacement” », on sent venir la grosse ficelle à lier le fameux « grand remplacement » dans le paquet des « interdits de séjour à l’antenne ». Jupiter rend fou ceux qu’il veut perdre, et Marianne rend aveugles ceux qui oublient leur déontologie.

ZEMMOUR EN DIFFICULTÉ SUR L’ÉCONOMIE

Le mot économie déclenche chez la majorité de nos journalistes une mitraillade de questions qui trahissent un grand défaut de construction intellectuelle : pinailler dans les détails tout en regardant de Sirius, puis ajouter l’obligation d’un programme, sans lequel tout leur semble flou.

C’est bien ce que traduit Hadrien Mathoux. Les éléments ressassés de Mélenchon lui « parlent » alors que ce ne sont que les reprises sur les vieilles chaussettes trouées du socialisme. 1917, Camarades bolcheviques, nous voilà !

Par contre, il n’entend rien de ce qu’expose Zemmour par ses « cinq I » (et non trois) : identité, immigration, indépendance, instruction, industrie.

Quand on ne comprend pas que le redressement de ces cinq structures fondamentales a valeur de chantier économique, c’est à désespérer.

La France perd son identité, non seulement par son auto-déconstruction, mais par la perte de sa « tenue ». Le dernier contrat des sous-marins en est une preuve chiffrée. 50 milliards.

L’immigration n’a-t-elle pas un coût ? Relire les comptes de la sécurité sociale, les dépenses liées aux agressions, et autres dégâts qui occupent tant de pages de journaux.

L’indépendance, n’a-t-elle pas de valeur économique dans un pays qui a tout fait pour perdre ses productions ? Où a-t-il fallu acheter des masques ? Etc.

L’instruction n’est-elle pas la base sur laquelle s’édifient les futurs progrès techniques ? Mais que nous préparent comme économie ces bacs de 95 % de succès choisis parmi les « meilleurs illocuteurs, inécrivants » ?

L’industrie… ce mot n’est-il pas en lien direct avec l’économie ?

Mais peut-être, vaut-il mieux s’intéresser aux subventions aux associations, au prix du ticket de métro, et autres « variables d’ajustement ». Cela fait plus sérieux !

EN CONCLUSION

Je ne poursuis pas cette relecture, charge à chacun de réfléchir sur la suite. Mais quel malheur pour ce pays de voir se combattre deux belles intellectualités comme Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour, alors que le palais de l’Élysée est si mal occupé !

[1] https://www.marianne.net/politique/melenchon/sur-bfm-le-debat-melenchon-zemmour-trahit-les-faiblesses-des-deux-candidats

[2] Mélenchon : la chute, aux éditions du Rocher.