MA GRAMMAIRE SAUVAGE : VIVE L’EURO !

Bon sang de bon soir ! Quelle mouche a piqué le rédacteur de ce blog – donc, moi-même – pour parler d’euro dans le maquis de la grammaire sauvage ? Non, ma tâche n’était pas d’arroser ma soirée au gros rosé qui tache, ce qui, par ces temps de trafiquants en cavale qui subiront bientôt un rappel à la loi, ne ferait pas de moi le plus ahuri lors d’une garden-party à l’Élysée, ni même à la Banque de France, ou ce qu’il en reste.

Mais, oui, je vais parler d’euro, ou plutôt de ceux qui en parlent en me faisant grincer les oreilles. Or, ils courent les rues, les magasins, et tous les lieux bien ou mal famés où l’on se glisse de la monnaie sonnante et trébuchante, et même en plastique. Non qu’il s’agisse d’économistes distingués par eux-mêmes, de micro-Mozart de la finance avariée à varier, et autres dépensiers de biens publics, non ! Mais il s’agit surtout des écorcheurs d’oreilles, des miennes et de celles de tous ceux qui portent encore l’idée saugrenue de faire les liaisons que la bonne langue française impose.

LES ASSASSINS DE LIAISONS

Oui, vive l’euro, car il a débusqué de leurs tanières à ciel ouvert (admirez la forte image et les remugles qu’elle sous-entend) les voleurs de liaisons que  l’éduc’ nat  ne cesse de créer par gauchisme chronique, cette maladie insoignable qui sévit de la maternelle à Sciences-popot-et-Pol-Poteuse. Allons un peu de courage, ouvrons esgourdes et le clapoir. Jactons-en !

Ma chère mademoiselle ma boulangère, on ne dit pas deux Hheuros, mais deux Zeuros. De même, trois Zeuros. Soulagez votre voix avec quatre euros, pas quatre Teuros, ni cinq Keuros (avec un KEU si sonore que je n’ose imaginer à quoi vous pensez. Passez à six Zeuros. Et continuez ainsi : huit euros, neuf euros et dix Zeuros. Répétez !

Je plaisante ? Point du tout. Redevenons sérieux dans la forme autant que dans le fond. Le bon usage des liaisons fait partie de la bonne pratique de la langue, tant écrite que parlée. L’orthographe en est la trace écrite, mais cela va plus loin. Les liaisons bien placées, suffisamment audibles et non sonnées à toute volée de cloches, participent à la beauté et à la compréhension du langage. Je m’en suis tenu à l’euro, mais les exemples sont nombreux, où contrastant avec l’absence de liaisons, surgissent les velours et les cuirs.

Les velours, vous en avez eu le contre-exemple avec le chapitre précédent. C’est l’adjonction d’un Z de liaison là où il n’en faut pas. Huit Zeuros, j’ai contrevenu Za la loi sur les liaisons,etc.

Les cuirs sont les fausses liaisons en T. J’ai vu Tun homme brun. Tu as descendu Tun escalier à toute vitesse. Bref, tout cela est bien mal Tà propos.

LES ASSASSINS D’ÉLISIONS

Mais comprendre le bon usage des liaisons est nécessaire, car cela nous mène à l’élision, assimilable à une liaison nécessaire pour éviter les hiatus que le bon français doit éviter. Ainsi « le arbre » cède la place « l’arbre », et l’asphodèle qui se multiplie dans la plaine éponyme n’est réservée chez les Grecs qu’au séjour des braves gens morts du tout-venant, alors que cueillir « le asphodèle » les condamnerait à l’enfer des assassins de l’élision. Dante n’y avait pas pensé. Je me permettrai de le lui reprocher.

H MUET, ASPIRÉ ET ASSASSINÉ

Le pas suivant nous mène à la lettre h, qu’elle soit muette ou aspirée. Ah ! Cette fin des Zharicots où l’Macron nous amène ! Ah ! L’harcèlement (sic) des tueurs d’élisions, lesquels, ayant jeté par dessus le bastingage du France (ne m’appelez plus jamais France, la France elle m’a laissé tomber…) se plaindraient d’un Nharcèlement, si on les corrigeait comme il se devrait.

C’est tout le mécanisme des liaisons-élisions qui se prend d’amitié pour cette lettre h si malmenée de nos jours.

Par voyelles et par h muet ou aspiré, les liaisons et élisions sont une famille de liens menant à la souplesse du discours, au prix d’une certaine gymnastique, bien entendu.

L’ACCENT TONIQUE : ENCORE LUI, COMME LIAISON PHONÉTIQUE

Sommes-nous les seuls à pratiquer l’art de la liaison ? Certes pas ! Je ne donnerai pas d’exemples triviaux pour les langues étrangères, car ce n’est pas le lieu. Par contre, il est intéressant, pour les parler – et surtout pour suivre le fil des locuteurs natifs – de comprendre que la place des accents toniques peut servir de liaison d’un mot à l’autre.

Par exemple, imaginons deux mots de trois syllabes. L’accent tonique sera marqué F (pour fort) et les deux syllabes non accentuées seront marquées f (pour faible)

Il arrive que deux mots qui se suivent soient accentués ainsi : fFf fFf.

Si vous n’êtes pas habitués à l’accent tonique vous les prononcerez comme vous les lisez : fFf fFf. Le locuteur natif, lui, dira : fFFf, et éventuellement fFffFf. Mais attendez-vous plutôt à la première façon. Un Français se perdra vite, surtout s’il a appris ces mots en les lisant.

Donc, habituons-nous au système liaison-élision dans notre propre langue, et sans oublier le point particulier de la lettre h, muette ou « aspirée ».

DEUX REMARQUES

Première remarque : je n’ai jamais compris pourquoi on parle d’h aspiré, surtout lorsqu’on lit : « H aspiré émis en soufflant de l’air (ex. le h anglais)1. » En réalité il vient des origines germaniques de certains de nos mots, et là non plus le son n’est pas aspiré, mais expiré… à moins qu’on ne me réponde que pour expirer il faut avoir aspiré. Par contre en arabe, il y a des nuances avec aspiration préalable.

Deuxième remarque : une histoire trouvée sur Quora que je résume :

Une dame, dans un hôpital est en conflit avec une soignante plus que rude. La dame en parle à un parent qui vient la voir : « Elle est tellement désagréable je l’ai surnommée Marcelle. »

Le visiteur l’interroge : « Pourquoi Marcelle ? »

Réponse de la dame : « Parce qu’elle m’harcèle ! ».

Certains en rirons. Je trouve cela triste. D’autant qu’un commentateur la félicite, et affirme qu’il faut en généraliser l’emploi.

Désolé et content de vous le dire : lisez Ma grammaire sauvage plutôt que les lambeaux de grammaires qui ravagent les cervelles sur Internet.

Et plus sur ce sujet. Aux USA, c’est le prénom Karen qui sert de défouloir contre des personnes mal embouchées, et au Québec, c’est Germaine.

Restez bien en liaison avec  Ma Grammaire Sauvage !

Antoine Solmer

1; Définitions proposées par : Dictionnaires Le Robert

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