AUTRES SUICIDES STUPIDES

Il est évident que mon récent article sur « le suicide stupide de Salman Rushdie » était à prendre au 77e degré, et peut-être, 7 fois plus. Mais à ces hauteurs, on découvre d’autres paysages.

SUR SALMAN RUSHDIE

Y avait-il quelque chose de vrai dans le titre de mon article précédent ? Salman Rushdie goûtait, semble-t-il, une certaine dose de liberté après ses nombreuses années passées sous protection policière. Qui lui reprocherait d’avoir négligé quelques précautions ? Une forme de vertige ? Et surtout, lorsqu’on se retrouve, oiseau solitaire enfin libéré de sa cage, que peut-on faire contre les menaces des chats de gouttière ? Voleter, simplement, en espérant que…

Après des années de promiscuité policière nécessaire, mais forcée et reconnue comme difficile à vivre, le retour à la vie libre est d’autant moins aisé que les menaces subsistent. Preuve en a été donnée par l’acte « présumé criminel » (la jactance négationniste n’en finit pas de m’étonner) dont il a été victime.

Et maintenant, si maintenant il y a, comment gérer la suite ? Retour à la case départ, ou remise en liberté ? Je parle de Rushdie, bien entendu. Car, s’il faut lui souhaiter une vie longue et heureuse, d’autres ne partagent pas notre point de vue.

SUR LE « PRÉSUMÉ COUPABLE »

Donc, ce brave jeune homme, n’aimait pas « cette personne ». Il ne pensait pas « qu’il soit un homme de bien ». Car « C’est quelqu’un qui a attaqué l’Islam »… « un hypocrite ».

Ouf, je suis rassuré par ces dernières précisions. Car s’il fallait poignarder tous ceux qui ne sont pas des hommes de bien, doublés d’hypocrisie, mon premier réflexe serait d’acheter des actions de quelques bonnes coutelleries. J’espère ne pas être hors les clous pour oser ainsi favoriser le cac 40 selon mes petits moyens. Enfin, ne rêvons pas ! Ce serait mal vu.

Il n’empêche, ce brave admirateur de l’ayatollah Khomeini n’a peut-être pas été inspiré par la fatwa de 1989. Ça date. Et il n’a que 24 ans. Ah ! Ces jeunes ! J’hésite : faut-il qu’ils apprennent l’histoire ou qu’ils l’oublient ? Apparemment, il avait préféré l’écrire, avec quelques gouttes de sang. Il n’est pas le premier, et ne sera pas le dernier.

À moins que… Notre Hadi Matar – à qui ses avocats ont conseillé d’éviter la question des Versets sataniques – a avoué en avoir lu quelques pages. Oh, là ! Ne tomberait-il pas pour cela sous le coup de la fameuse fatwa de 1989 ? Voilà une bonne question.

Et s’il avait bien réfléchi à ce crime capital et à la punition encourue, il n’avait plus que deux solutions : ou bien attendre un « exécuteur presque testamentaire » au couteau bien affilé, ou devancer la sanction en espérant attendrir le cœur des dirigeants de Téhéran. D’une façon ou d’une autre, cela est bien suicidaire. Et juste pour quelques pages ! Ah ! La belle mise à jour des « Souffrances du jeune Werther ».

Je rêve. C’est mon droit. Pendant que le brave Hadi Matar s’étonne que sa victime (elle aussi présumée, n’oublions pas) ait survécu à ses coups de canif.

Il est rusé, ce jeune. Bien plus que tous nos braves journalises qui n’osent pas lire ce qu’ils écrivent : si ce n’est pas un appel déguisé à lancer un successeur sur le coup, je suis prêt à acheter un chapeau, juste pour le manger.

À moins que la fameuse fatwa ne soit devenue inopérante, ou pire, repoussée par la volonté d’Allah ? Car, qui au monde oserait se targuer de connaître la volonté du Très-Haut, quelle que soit sa religion ?

J’imagine que Salman Rushdie, lui, tiendra compte de ces deux hypothèses. Enfin, je l’espère.

SUR LES DÉCLARATIONS EN RAFALES

Autres suicidaires, de ceux dont nous n’avons que trop, sont les déclarateurs compulsifs et intempestifs qui ont encombré les médias de leur verbiage très attentif à ne froisser personne. On les comprend : le multiculturalisme du village global oblige à certaines précautions. Je ne reprendrai pas leurs dégoulinades des “valeurs”, tellement frelatées dans leurs gosiers racornis.

Je ne peux cependant m’empêcher de mettre l’accent sur l’adjectif conservateur utilisé pour qualifier les journaux iraniens qui encensaient le geste de leur coreligionnaire. Par exemple, Le Point, qui titre : « La presse conservatrice iranienne félicite l’agresseur de Salman Rushdie 1. »

Dans le même article il est précisé qu’un journal réformateur a été le seul à ne pas traiter la victime d’apostat.

Voilà ! Maintenant, grâce au journal Le Point (et à d’autres) nous savons maintenant comment distinguer les conservateurs des réformateurs. Les premiers encensent l’agresseur d’un « apostat », les seconds n’utilisent pas ce terme, sans qu’on en sache plus. Nous découvrons aussi la définition des cons-serviteurs de la pensée gauchiste. Décidément, on ne perd par sa journée.

Dommage que tous ces gens soient à ce point suicidaires et agresseurs de notre civilisation, car ils nous entraînent.

Au moins, restons lucides !

Antoine Solmer

1 https://www.lepoint.fr/monde/la-presse-conservatrice-iranienne-felicite-l-agresseur-de-salman-rushdie-13-08-2022-2486226_24.php