LES DROITS DE L’HOMME À L’ÉCOLE : UNE CATASTROPHE ANNONCÉE

QUAND IL MANQUE UNE CASE
QUAND IL MANQUE UNE CASE

1987 ANNÉE FUNESTE POUR L’ENSEIGNEMENT

1987 a été une année “faste” pour les initiateurs de la situation dramatique qui a abouti à l’assassinat par égorgement de Samuel, Paty avant d’autres à venir, et à la faillite de l’auto prétendue « Éducation nationale ».

1987 est la deuxième année de la première cohabitation Mitterrand-Chirac (depuis le 20 mars 1987). Chirac, contrairement à ce qui était attendu, se lance dans une politique de réformes et gouverne par ordonnances, tandis que Mitterrand défend son pré carré de la diplomatie et de la défense, tout en spécifiant qu’il ne signera « que les ordonnances qui présenteraient un progrès par rapports aux acquis sociaux. »

Le paragraphe précédent donnait l’ambiance, abordons maintenant notre thème du jour qui s’annonçait déjà en 1987 avec un fort conflit entre le gouvernement et les professeurs d’histoire.

On trouve comme allumeurs d’incendie trois personnages. MM. Edgar Faure, René Monory et Claude Malhuret. Le premier, adepte accompli de la démonstration de girouettes – d’où son surnom – présidait le Comité pour la commémoration du bicentenaire de 1789. René Monory était ministre de l’Éducation nationale, et Claude Malhuret était secrétaire d’État auprès du Premier ministre.

Lequel de ces trois hommes, sans oublier leur hiérarchie, fut l’incendiaire ? Peu importe !

Peut-être le conflit de 1986 ayant obligé à retirer le projet de loi Devaquet, lequel prévoyait une sélection à l’entrée des universités et la concurrence entre ces institutions, avait-il laissé trop de traces et irrité la Gauche ?

Oublions les détails, voyons le fond, et comprenons que la Gauche était à la manœuvre, alors que Monsieur Monory, se préoccupait de la formation des jeunes avec son bon sens d’ancien mécano devenu et surnommé « Le garagiste de Loudun ».

LA MENACE

Le 28 mai 1987, deux mesures importantes sont annoncées au cours d’une conférence de presse par René Monory et Claude Malhuret : la création d’un « enseignement d’éducation civique et droits de l’homme » et l’institution d’une sanction spécifique au baccalauréat.

Ces deux décisions sont prises sans concertation avec les professeurs concernés. Cela s’appelle la démocratie !

LE PASSAGE À L’ACTE : LA DÉCISION MINISTÉRIELLE

En voici les deux volets fondamentaux. Tout est dit. Tout est prêt pour l’explosion.

               LA SUBSTITUTION

Aux actuels programmes d’instruction civique des classes de 1re et de terminale se substitueront, à la rentrée de 1988, pour la classe de 1re et à la rentrée de 1989, pour la classe de terminale, des programmes “d’éducation civique et droits de l’homme à l’intérieur des programmes d’histoire. Ce changement de dénomination correspondra à une évolution très sensible des programmes :“l’éducation civique et droits de l’homme” représentera le tiers des programmes. ».

               LA SANCTION

« Le nouvel enseignement d’“éducation civique et droits de !’homme” sera assorti d’une sanction spécifique dans le cadre de l’examen du baccalauréat. A cette fin, le troisième sujet de l’épreuve d’histoire sera transformé en une série de questions (de trois à six questions), dont un tiers porteront sur l’éducation civique et les droits de l’homme … »

               LA GRANDE PREMIÈRE

Pour la première fois, il était prévu que l’éducation civique fasse intégralement partie du baccalauréat.

Une fois de plus, une prétendue droite, se laissait manipuler (ou voulait se laisser manipuler) par les armes idéologiques de la gauche.

LA RÉPONSE DE M. JEAN PEYROT

Jean Peyrot était maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Lyon. Jusqu’à son décès en 2009 il n’a cessé de défendre le maintien d’un enseignement obligatoire de l’histoire et de la géographie, tout en assurant la nécessité de la liberté et de la laïcité dans l’enseignement et la société civile.

Voici quelques points de sa réponse en 1987 :

“Nous refusons d’échanger l’enseignement des droits de l’homme contre l’enseignement de l’histoire et de la géographie. L’un  et l’autre sont couplés, mais ils ne se confondent pas et ils ne se remplacent pas l’un par l’autre.”

“Nous refusons le principe d’une épreuve au baccalauréat. C’est confondre les genres, glisser vers des difficultés insurmontables quant aux sujets et à la correction.”

“On nous dit que les droits de l’homme font l’objet d’un consensus. Certes. Mais, au-delà de l’approbation verbale, ce consensus n’existe pas : des divergences radicales surgissent très vite, dès qu’on aborde leurs applications.”

“Par la place que cet enseignement des droits de l’homme aura dans les cours d’histoire et par cette épreuve au bac, c’est la conception même de l’histoire et de son enseignement qui est en cause.”

“Nous sommes opposés à un enseignement d’une histoire sacralisée officielle, fût-ce celle des droits de l’ homme. L’histoire, nous le savons bien, a été trop longtemps (et reste encore dans le monde) au service des pouvoirs et des contrepouvoirs.”

“Nous sommes parvenus chez nous à un état d’équilibre acceptable, rendu possible par la pluralité des lectures de l’histoire, par la remise en cause constante des mythes explicateurs et des idéologies, et au fond par la vieille séparation du spirituel et du temporel. C’est même cela le véritable enseignement libre. […] Ce n’est vraiment pas le moment, devant la montée des totalitarismes insidieux, d’abandonner ce fragile équilibre. Nous avons le devoir de regarder plus loin et plus haut que des échéances électorales.”

“Dans les discours, les rapports, les livres, le couplet sur le rôle de l’éducation pour régler les problèmes de société est devenu rituel. Insécurité sur les routes ? Solution : éducation à la sécurité routière à l’école (loi de 1957). Les individus sont-ils mal préparés à leur retraite ? Préparons-les dès l’école. Mauvais téléspectateurs ? Apprenons-leur dès l’école à en être de bons. Alcoolisme, drogue … ? Une des solutions : l’école. Tout touche à la formation, certes, et celle-ci est fondamentale. Mais tout ne relève pas de l’école. Et en ce qui concerne les droits de l’homme, on peut dire à la société tout entière des adultes : “Aide-toi et l’école t’aidera”. »

LE PROFESSEUR GUY BAYET ENFONCE LE CLOU

Guy Bayet fut président de la Société des agrégés. Il fut mon professeur d’histoire et géographie en terminale à Henri IV. J’en garde le souvenir d’homme exaltant, capable de nous faire comprendre en profondeur les civilisations et leur histoire. Il eut l’extrême amabilité de m’écouter alors qu’il était déjà très malade, et qu’il manquait des forces nécessaires pour participer à une action d’enseignement.

La façon dont le terrible journal Le Monde le traite après sa mort en 1990, en dit long sur les aquaintances gauchies de ce quotidien du soir tombant. Par exemple cette diatribe : « En trente ans passés à la présidence de la société des agrégés, Guy Bayet aura ainsi harcelé quinze ministres de passage.[…] Sous les allures austères d’un “curé de la laïque” se cachait un militant toujours prêt à s’opposer à toutes les réformes au nom d’un retour aux verts paradis de l’école d’autrefois… [1]» Et autres fadaises !

Oublions les proses para-stalinoïdes et écoutons le professeur Guy Bayet :

              SUR LA QUESTION DES DROITS DE L’HOMME

« On ne peut parler des “droits de l’homme” dans l’absolu. Cette notion n’a de signification que replacée dans les dimensions historique, sociale et géographique. Même les textes qui ont une portée générale et apparemment durable ne peuvent être correctement analysés qu’en rappelant les circonstances dans lesquelles ils ont été élaborés.

Il remet dans leur contexte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 comme « œuvre essentiellement de la bourgeoisie et de propriétaires fonciers [qui] s’attache davantage à l’égalité juridique des hommes qu’à l’égalité politique des citoyens. »

Idem pour la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 : « … texte de circonstance [qui] condamne “les actes de barbarie outrageants pour la conscience de l’humanité”mais se  garde bien de désigner les  auteurs … »

               SUR LES DROITS ET LES DEVOIRS

Il existe à ses yeux une « une lacune grave ». Il craint « que les citoyens – et a fortiori les résidents étrangers – […] soient enclins à ne réclamer de l’État ou de la nation que des droits et à ne pas accepter les devoirs qui sont la contrepartie indispensable aux droits. »

Il rappelle le président Kennedy, inaugurant son mandat en apostrophant ses « amis américains » : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez plutôt ce que vous pouvez faire pour votre pays. »

Et il remarque qu’en France, « depuis vingt ans. Le droit à l’éducation occulte totalement le devoir d’apprendre à l’école. » C’est pourquoi il pense indispensable de rééquilibrer droits et devoirs, « sinon notre pays sera composé uniquement de diplômés égoïstes assistés et revendicatifs. »

               SUR LA NEUTRALITÉ DE L’ENSEIGNEMENT

« Enseigner les droits de l’homme comme le demandent René Monory et Claude Malhuret est une atteinte à la laïcité. Comment ne pas comprendre que de tels cours se transformeront en débats – pour ne pas dire combats – politiques.

Et Guy Bayet conclut sur l’extrême danger des décisions ministérielles [2].

EN CONCLUSION GÉNÉRALE

Messieurs Monory, Malhuret et consorts avaient « tout faux ».

Les professeurs Jean Peyrot et Guy Bayet avaient « tout juste ».

J’ai bénéficié de la pensée d’un excellent professeur. Qu’il soit remercié !

Samuel Paty, dans la pire des circonstances et bien d’autres dans leur travail quotidien ont payé et payent les conséquences de cet énorme gâchis – un de plus – de la pensée de gauche.

Et nous espérons qu’Éric Zemmour nettoiera les écuries d’Augias.

[1] https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/10/10/ancien-president-de-la-societe-des-agreges-guy-bayet-est-mort_3984502_1819218.html

[2] Un énorme merci à La Revue des deux mondes de novembre 1987, sans qui cet article n’aurait pu être écrit.