LA VIE MENTALE D’UN ÉVÊQUE FRANÇAIS

Une amie m’envoie un texte que je ne peux passer sous silence (comme tant d’autres qui mériteraient amplification pour faire pièce aux déblatérations de la presse dite courant médian.) Le titre de mon article est extrait d’une phrase du dit texte.

Auparavant je souhaite y apporter quelques « pré-marques ». Ce texte suit ou précède mon précédent « Miracle des chaises ». Nous ne saurons jamais qui de nous deux fut le premier à inventer, au sens légal, de telles pensées hors des sentiments dans lesquels les Français se complaisent.

Les « gueules de circonstance » nous balancent par charretées un calendrier des réponses politiquement correctes après un assassinat islamiste. Un de plus, qui se raccroche aux précédents et annonce les suivants. Nous sommes sommés de « ne pas avoir de haine », de sortir nos mouchoirs en bon ordre, de pleurer en cadence, d’obéir au temps et à la mesure des bons sentiments, de ne pas réfléchir, de ne pas agir, sauf à dévaliser les fleuristes, qui n’en demandaient pas tant, mais qui se préparent déjà pour la suite, sauf à nous ruer vers les marchands de bougies, d’ours en peluche et autres accessoires du grand magasin de la commisération consacrée par la République.

Là-dessus, un ministre qui doit être extérieur à tout ce tintouin nous annonce une série d’actions tellement sidérantes que les suiveurs (présumés) de l’assassin (présumé) et leurs successeurs (présumés) se trouveraient sidérés, condamnés à l’obéissance républicaine, à la laïcité forcenée, aux valeurs de la Gauche bien-pensante (oubliant qu’une autre, pensant « un peu différemment » était tellement fréquentable, à peine quelque jours avant). Il doit y avoir des miracles de la laïcité obligatoire. Je ne vois que ça. Ou alors, il y avait des vers dans le fruit, et dans tous les fruits de la même boutique. Mais certains ont su les repeindre plus vite, comme la vieille sorcière qui haïssait tant Blanche-Neige.

Alors je dis que cette obligation des bons sentiments n’est qu’une pêche aux futurs électeurs, qu’un vernis dont se parent à peu de frais les vrais responsables de l’assassinat (non présumé, car il reste tout de même un assassiné non présumé – ah ! ce foutu juridisme de branquignol ! ) dont certains ont déjà passé l’arme à gauche depuis des lustres. N’oublions pas que cette folle immigration dure depuis la IVe République, a été politiquement amplifiée depuis de Gaulle et que ce ne sont pas les immigrés si illégaux soient-ils qui sont fous, mais bien nos pseudo-gouvernants et leurs esclaves trop bien gouvernables. Ah ! Il y en avait de bonnes raisons. Je ne les reprendrai pas, car c’est à vomir : la collusion du capitalisme effréné, de la Gauche irrécupérable, de la pseudo-droite pantouflarde, du centre à bascule et des vents mauvais de l’Histoire et de notre histoire.

Mais il y a pire dans cette dégoulinade de sentiments, c’est qu’elle traduit la vieillesse d’un pays. Je ne parle pas de la vieillesse lors des rudes temps de la république romaine, lorsque les vieillards sortaient leurs chaises curules et s’y installaient pour rappeler leurs devoirs aux jeunes guerriers. Je parle de cette notion biologique liée à l’âge : la tendance à la sentimentalité exacerbée, aux larmoiements faciles de ceux qui sentent l’approche de la mort inéluctable, lorsque toutes les défenses fondent et tombent. Cela est déjà un mauvais présage pour le devenir assez rapide de la France. Mais c’est une faute géopolitique, car cette ambiance pleurarde contamine les jeunes générations qui devraient s’enflammer. Et voilà qu’on noie les incendies glorieux de la jeunesse à force de larmoiements et de cellules d’aides psychologiques. Mais qui, parmi les élites de la foire d’empoigne, songerait à ce moment à lancer une campagne nationale du type « Engagez-vous ! » ? Macron ? Un quelconque de ses sbires ou de ses pantins ? N’y pensons même pas. Comment demander des efforts à de jeunes Français qu’on a mis sous cloche covidienne, qu’on a obligés à subir un pseudo-vaccin dont tous les documents qui sortent montrent le cynisme et l’affairisme des fameux sages fabriqués par l’usine Macron and Co ? Comment oser la force et la valeur alors que tous les efforts des mal-placés-trop-haut ne vont que dans le sens de la décomposition, de la soumission (à Mme Fonder Lahyène, au « sémillant » Jo Biden et à son complexe militaro-industriel, etc.) ?

Quant à la valeur et au devenir de l’Église catholique… j’arrête là et vous laisse lire le texte promis, extrait de Lettre de Paix liturgique, lettre 970 du 27 Octobre 2023.

Antoine Solmer

EST CE QUE LA RELIGION POST-CONCILIAIRE ABRUTIT SES PROMOTEURS ?

« Tout picard que j’étais, j’étais un bon apôtre » affirme Petit-Jean, des Plaideurs (Racine, 1668). Ce portier, « venu d’Amiens pour être suisse » a vite appris comment parler à chacun pour en tirer le maximum. L’ami Bidasse, popularisé par Fernandel, est natif d’Arras, « chef-lieu du Pas de Calais », et c’est un joyeux drille. Mais l’assassinat d’un enseignant par un islamiste revendiqué vient d’endeuiller cette ville qui fut espagnole, et pour la conquête de laquelle Cyrano ne retint pas son panache, ni Christian son sang.

L’homélie de l’évêque d’Arras, à l’occasion des obsèques de l’enseignant en littérature, martyrisé pour avoir fait un rempart de son corps face à l’assaillant qui cherchait « un prof d’histoire », était, somme toute, écrite avant tout effort de rédaction : offense à Dieu de la part du mécréant ; sacrifice de soi dans l’interposition ; on ne connaît ni le jour ni l’heure ; le martyre donnant sens « sub specie aeternitatis » ; présenter à Dieu, par ces obsèques, sous la prière commune, une victime de son devoir d’état. Bref, c’est le fonds catholique qui manquait le moins.

Se croyait-il au royaume des aveugles ? Mgr Leborgne a servi une prestation dont l’indigence, qui aurait pu passer inaperçue un dimanche ordinaire devant un parterre clairsemé, a connu une diffusion nationale. Dévoilant ainsi largement, sous la mitre, le vrai chantier de démolition qu’est la vie mentale d’un évêque français. Voyons cela.

« Que nous est-il permis d’espérer ? ». « La question est redoutable !». Surtout si on convoque l’idéalisme kantien pour ne pas y répondre. Si l’évêque d’Arras avait été au catéchisme, il aurait reçu de l’Eglise la réponse exacte, nécessaire et suffisante, celle de l’acte d’Espérance. « Mon Dieu, j’espère que vous me donnerez Votre Grace en ce monde, et, si j’observe Vos commandements, le bonheur éternel dans l’autre, car vous l’avez promis, et que Vous êtes souverainement fidèle à vos promesses ». Évidemment, c’est moins glamour de citer le catéchisme que de mentionner un Kant que l’on n’a pas lu. Avec toutefois une excuse, exposée par Nietzsche : Kant est un Allemand qui parle chinois.

Depuis que les diocèses ont dénaturé la liturgie des obsèques au profit de rituels funéraires propres à l’espèce humaine, textes et pleurs expriment le manque du défunt. L’humanité y trouve son compte, mais le Salut Éternel du défunt, dont la prière traditionnelle des baptisés confie à l’Église l’intercession vis-à-vis du Christ sauveur, fait figure de préoccupation « historique », au sens bergoglien du terme, c’est-à-dire dépassée.

À propos des textes retenus pour la célébration, l’évêque se défausse. C’est la famille qui a choisi l’épitre de saint Paul aux Corinthiens. « S’il me manque l’amour, je ne suis rien ». Puisqu’il s’agit d’un texte religieux, Leborgne nous en sert la version pour les nuls. La traduction traditionnelle du latin caritas en « charité », dénaturée par des novateurs en « amour », mot dont l’évêque déplore, non sans raison, la mise à toutes les sauces, n’est pas restaurée, même le temps d’un prône, par l’Ordinaire. Si ce dernier avait été au catéchisme, il aurait appris l’acte de Charité : « Mon Dieu, je Vous aime de tout mon cœur et par-dessus toute chose, parce que Vous êtes infiniment bon, infiniment aimable, et j’aime mon prochain comme moi-même pour l’amour de Vous ». Telle est la charité qui rend intelligible l’épitre fameuse, aseptisée donc trahie : l’Être aimé, c’est Dieu Lui-même ; celui qui n’aime pas Dieu a beau thésauriser les vanités de tous ordres, il est le plus malheureux des hommes.

Ayant dénoncé la polysémie du mot amour, l’évêque en use et en abuse, se croyant dédouané par son préambule. Il le fait exprès ou quoi ? Puis se rappelant que charité bien ordonnée commence par soi-même, il se met à parler de lui. Ah, l’école, quel trésor ; accents hugoliens. L’assassin a-t-il étudié autre chose que le Coran ? Ce qui le distinguerait de Mgr Leborgne, qui croit qu’Allah est une divinité pacifique ; et pourquoi pas Shiva ? Alors basta ! Vishnou la paix.

L’Ordinaire a grandi, et lu Bernanos, à sa façon. « L’œuvre d’éducation, initie à la liberté, rend capable d’engagement ». Soit, mais de qui parle-t-il ? Le terroriste n’a-t-il pas joué son va-tout, au nom d’Allah et du « saint » Coran ? Difficile de s’empêtrer plus massivement. Et d’enfiler les abstractions comme des perles en toc, pour ne rien dire de vérifiable. Mgr a beau être mauvais, il s’en tape, et voici pourquoi : « Tout est sauvé ». Oui, la violence, la mort, tout est épongé, balayé, évacué, désinfecté. Pourquoi se gêner ? Bigre, le sens commun est aux abonnés absents ! Pathétique ! Une pirouette finale avec Péguy, dont l’anticléricalisme désolait Maritain, mais qui, face au rituel funéraire confusionnant d’un martyr, eût été un gage d’hygiène mentale.

Inutile d’invoquer une espérance fictive pour qu’une intelligence de pasteur catholique retrouve un niveau acceptable chez l’évêque d’Arras. Avec Péguy, il faut « dire ce que l’on voit, et surtout voir ce que l’on voit ». Et que voit-on, chez l’évêque actuel d’Arras ? Que la religion post conciliaire abrutit ses promoteurs, au point que le spectacle en est indigne, partant, obscène… De ce point de vue, le silence du « Château » de Kafka, scandaleux de la part de l’épiscopat post-conciliaire vis-à-vis des ouailles, peut être compris comme un silence protecteur pour les ministres en train de retourner leur mitre. Désormais, l’incohérence est dévoilée jusqu’à l’impudeur… Justice immanente, en attendant celle du Juste Juge.

Dr Philippe de Labriolle, Psychiatre honoraire des Hôpitaux