LE BUREAUCRATE COMPASSIONNEL… VOUS CONNAISSEZ ?

Bonne nouvelle ou poisson d’avril décalé ? À moins que ce ne soit un effet d’annonce sorti d’une manche élimée de Bouf-la-quête Premier, transféré en catimini à l’un des ministres évaporés de la Santé, dont on se demande chaque jour quelle amputation nouvelle l’attend.

Bref, je sortais de ma tasse de café matinale quand un article sérieux – et même très sérieux – attira mon attention. C’était du médical presque pur, en fait du juridique consacré aux règles d’exercice et en particulier à l’AMM.

AMM : BIENVENUE EN TAULE

L’AMM ! Trois lettres pour « autorisation de mise sur le marché ». En réalité trois lettres qui ont suffi à transformer tous les médecins prescripteurs en prisonniers, même pas sur parole. Plutôt en esclaves de l’OMS, et autres agences plutôt sulfureuses. Attention, je ne vire pas à l’emprunteur de vocabulaire de gauche : sulfureux, complotiste, nauséabond, etc. tout ce qui sort de leurs laboratoires de torsion du langage. Mon sulfureux à moi, veut vous donner l’image des vieux laboratoires, des vieilles cornues dont s’échappent des fumerolles, bref un côté sympathique, un peu risible parfois, mais finalement utile et nécessaire.

Mais AMM signifie en fait prise en main – et même en cerveaux – de la liberté de prescription des médecins. Pourtant, au sens propre, l’autorisation de mise sur le marché ne concerne que la commercialisation des médicaments et non leur utilisation ultérieure. Bien entendu des études préalables correspondant aux maladies à traiter sont nécessaires.

Mais confondre la commercialisation et la pratique, c’est comme vendre du bois et imposer au menuisier d’en faire des tables et non des chaises, ou l’inverse. Nous voici au début du délire. Or une bureaucratie prise de délire ne s’arrête jamais. Ou plutôt, elle devrait être arrêtée par la force… si son délire ne profitait pas à certains.

LE TERRAIN, CE SONT LES PRESCRIPTEURS

Ici, on va me répondre que la fameuse AMM varie selon le résultat d’études de terrain portant sur l’utilisation des produits « AMM-isés ». Oui, mais qui sont les initiateurs de ces études ? Justement les prescripteurs ! Et qui s’aperçoit des effets indésirables ? Les prescripteurs. Et qui s’aperçoit d’effets bénéfiques inattendus (les plus difficiles à faire remonter) ? Les prescripteurs.

Or nous savons depuis des années (expériences personnelles professionnelles pré-Covid) et nous avons vu per- et post-Covid combien il était difficile de faire remonter les effets indésirables. Bientôt viendra le moment où un quelconque pfizérophilomaniaque pourra vous traîner devant les tribunaux pour avoir osé suggéré l’existence d’un effet indésirable d’un prétendu vaccin.

Donc, l’AMM, qui aurait dû avoir son champ restreint aux fabricants et commercialisateurs est devenue un outil  censé être « une garantie d’efficacité et de sécurité pour le médecin prescripteur[1] ». Remarquable et dangereuse confusion des genres.

Dans une médecine libre – que j’ai pratiquée – les prescriptions se faisaient en tenant compte des cours de thérapeutique, des lectures de revues médicales généralistes ou spécialisées, et, reconnaissons-le, d’une petite part de la gentille information des visiteurs médicaux. Un peu de miel n’a jamais gâté aucun régime si consommé avec plus de modération encore que l’alcool.

C’est ainsi que j’ai personnellement découvert des inconvénients de certains bêta-bloquants, mais aussi certains de leurs avantages jusqu’à ce jour non décrits (avantages qui peuvent devenir des inconvénients si le médecin n’en connaît pas le mécanisme). Tout cela c’est le terrain. De même, j’ai vu une épidémie cutanée un peu spéciale due à un médicament pour cardiaques. La substitution par un autre produit a fait cesser tous les troubles. De même, j’ai sauvé des vies en utilisant, hors toutes normes, des médicaments dont l’expérience de terrain m’avait montré leurs bienfaits (ou après conseils de co-spécialistes). Je parie que vous n’en trouverez aucune trace sur Internet ou ailleurs. Le terrain, toujours le terrain que bien de laboratoires ne connaîtraient jamais sans le prescripteur.

LE TERMITE À L’AFFÛT EST LE BUREAUCRATE

Quant au bureaucrate, voici la suite.

En voulant enchaîner les médecins par une AMM à double but, on casse la bonne marche du système. Allez faire comprendre cela à un bureaucrate !

Mais un bureaucrate reste un homme. Un homme un peu spécial mais qui tient quand même à sa peau. Alors, quand on lui met la preuve sous le nez, et même si elle ne sent pas la rose, il trouve immédiatement la parade : il en remet une couche. En voici la preuve.

Ils l’avouent, à petites touches  : « Toutefois, certaines situations cliniques peuvent justifier le recours à des médicaments qui n’ont pas l’AMM[2]. » Merci, oh rédacteur intègre ! d’appuyer toute mon analyse.

Et voici le résultat : on a rajouté des procédures dérogatoires (feuille numéro 1001 du mille-feuille). L’article L.5121-12-1 du Code de la santé publique autorise l’utilisation exceptionnelle de certains médicaments, au titre de l’accès compassionnel.

Compassionnel ! J’ai bien lu. Vous avez bien lu ! Les articles cités (feuilles 1002 et 1003) vous offrent une autorisation exceptionnelle de profiter d’un peu de liberté (promenade de cinq minutes dans la cour de la prison) pour un « accès compassionnel ! Celle-là, il fallait l’inventer. Votre compassion médicale dépend de deux articles pourris d’un code vermoulu, bureaucratique à souhait, confiscatoire de liberté. Compassionnel ! Je me demande quels poils se sont gratté les têtes d’œufs qui sont allés à la pêche à la bonne conscience. Dans quel cerveau torturé a germé ce truc bizarre contre lequel il était jusque là bien vacciné ? Par quel délire interne passé inaperçu a émergé cette compassionnite autorisée ? Mystère ! Miracle !

Mais attention, un mystère et un miracle vite encadrés. Auto-camisolage bureaucratique oblige. Vite ! Des couches nouvelles à ajouter.

« Le médecin prescripteur doit en faire la demande pour un patient répondant à un besoin thérapeutique non couvert pour une maladie grave, rare ou invalidante. »

Gentil malade de bon médecin qui tente de s’échapper, voilà peut-être une porte ouverte pour vous. Voilà surtout une contrainte bureaucratique de plus pour votre médecin qui, chacun le sait, passe le reste de sa vie les doigts de pieds en éventail dans un fauteuil confortable.

Une demande, c’est bien. Juste quelques formulaires de plus. Combien ? Je ne veux même pas savoir. Parce que…

Parce que… tout dépend du bon vouloir d’autres crânes d’œufs (un peu plus fêlés, puisque plus haut en hiérarchie) : la demande de votre médecin en dépend… « sous réserve que l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) puisse présumer d’un rapport bénéfice-risque favorable au regard des données cliniques disponibles. »

« Puisse présumer… ». Ils avouent n’en rien savoir, mais ils se posent en juges de la connaissance du médecin et de votre santé. Ah ! Les braves gens ! Ah ! Nos bons impôts si bien utilisés ! Ah ! Notre santé si bien protégée !  

Vous croyez que ça s’arrête là ! Pas du tout. Le bureaucrate en folie est inguérissable :

« L’autorisation d’accès compassionnel (AAC) peut être délivrée pour une durée maximale d’un an… » Je passe sur les détails. Dans l’année qui vient, vous devez être guéri (ce dont votre bureaucrate préféré se fout) ou mort (ce dont il se fout également et qui évite à votre médecin de remplir un formulaire de renouvellement… qui, de toute façon n’existe pas).
En effet, après un an (prière de ne pas dépasser la date) vous changerez de crèmerie :

« Une autorisation peut alors être délivrée pour un médicament faisant l’objet d’une recherche dans l’indication en question sous réserve que la mise en œuvre du traitement ne puisse être différée, que le patient ne puisse pas participer à cette recherche et que le laboratoire s’engage à déposer une demande d’accès précoce. »

Vous avez bien lu toutes les conditions ? C’est bien ! Mais s’il n’y a pas de recherche en question ? Veux pas l’savoir ! Si le labo ne dépose pas de demande d’accès précoce ? Z’irez en permission sur mes bottes !

Bon ! Ça s’arrête là. Enfin ! Pour vous, peut-être, si vous avez eu le bon goût de débarrasser le plancher d’une manière ou d’une autre. Mais pas pour l’usine crâno-ovulaire. Car il existe une autre hypothèse :

« L’établissement par l’ANSM d’un cadre de prescription compassionnelle (CPC), de sa propre initiative ou sur demande du ministre chargé de la Santé. C’est alors à l’ANSM d’établir un cadre de prescription compassionnelle pour une durée de trois ans renouvelable qui concernera des médicaments ayant une AMM dans une autre indication, mais dont il faut sécuriser la prescription hors AMM. »

Vous voyez, la compassion du bureaucrate est infinie. Elle pond, elle pond du papier à en veux-tu en voilà, et même si tu n’en veux pas, même si ce délire nous coûte une fortune.

Le plus fort, c’est que le document nous donne d’autres preuves de ce que j’affirme sur les effets bénéfiques inattendus des médicaments : « la prescription du vérapamil dans le traitement des douleurs de la face résistantes aux antidouleurs classiques, alors que son AMM concerne différentes pathologies cardiaques. »

Une fois de plus, ça continue : il manquait un protocole. Le voici :

« Qu’il s’agisse d’une autorisation ou d’un cadre de prescription au titre de l’accès compassionnel, un protocole d’utilisation thérapeutique et de suivi des patients devra être établi, sauf s’il existe suffisamment de recul sur les conditions d’utilisation du médicament dans l’indication faisant l’objet du cadre de prescription compassionnelle ou s’il existe un autre médicament comparable disposant d’une AMM dans cette indication. »

Et surtout, l’information du patient. Le bla-bla habituel augmenté d’autres formules. « La mention « Prescription au titre d’un accès compassionnel en dehors du cadre d’une AMM » devra apparaître sur l’ordonnance. »

Et, surtout, surtout, le crâne d’œuf n’oublie jamais la sanction dont il se pourlèche à l’avance les babines, surtout quand il la prépare sous forme de gentilles recommandations :

« Le prescripteur doit avoir la preuve qu’il n’existe pas d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’un cadre réglementaire (AMM ou dérogatoire), et il doit juger indispensable le recours à ce médicament au regard des connaissances médicales avérées ».

Et vous vous demandez pourquoi il y a tant de déserts médicaux ! Et vous vous demandez pourquoi tant de jeunes gens ne veulent plus faire ce métier ! Et vous vous demandez pourquoi ce pays crève sous l’entassement du papier qui ne vaut même pas celui qui devait manquer en cas d’épidémie diarrhéique ou non !

Il y a au moins une chose que je sais, et que je partage avec tant d’autres. Aujourd’hui, je ne ferais jamais ce métier dans ces conditions, et je le déconseille fortement pour les êtres libres.

Compassionnel, le bureaucrate ? Parodions quelque peu Victor Hugo :

Bureaucrate tant de fois vaincu
Es-tu donc avide de gloire
Au point de jouer dans l’histoire
Le même rôle que Monk eut ?

Antoine Solmer

[1] https://www.egora.fr/gestion-cabinet/juridique/regles-d-exercice/dans-quelles-conditions-un-medecin-peut-il-prescrire-des#xtor=EPR-3-[]-20240115-[_1]

EGORA est un site professionnel médical.

[2] Même référence.