VACANCES (PLUS SOUCIEUSES QU’INSOUCIANTES) N°7: LES MABOULS DE KABOUL

KABOUL
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Vacances (plus soucieuses qu’insouciantes) n° 7 : les mabouls de Kaboul

  Plusieurs lecteurs s’étonnent que je n’aie pas déjà “pondu” un billet sur le drame afghan. Mais un modeste blogueur n’a qu’un seul rêve : éviter de parler pour ne rien dire et d’enfoncer des portes ouvertes, comme notre président au “20 heures”, lundi dernier. Or pour Kaboul, tout le monde savait comment tout ça devait finir : les GI’s finiraient par en avoir marre de mener une demi-guerre sans but, et les talibans, toujours pas convertis à l’intelligence, étaient prêts pour la reprise des coups de bâton, des châtiments physiques et des amputations, la claustration des femmes, l’interdiction de toute musique, et tant d’autres stupidités…  Nihil novi sub sole.

En revanche, on peut imaginer des conséquences redoutables. Je l’ai déjà écrit souvent, ici : au-delà de la tentation d’extrapoler sur des conséquences inévitables au Sahel… et ailleurs, notre situation me fait penser à ces Constantinopolitains qui, le 28 mai 1453, ne voulaient pas voir que leur ville bien-aimée, cette merveille du monde et la source d’une superbe civilisation millénaire, allait tomber le lendemain, dans un paroxysme d’horreurs et de massacres : le Bosphore, pour des semaines, serait rouge de leur sang de martyrs involontaires… Et pourtant, à quelques heures de ce malheur qui allait défigurer à jamais l’Histoire du monde, ils se querellaient sur des inepties qui seraient à jamais leur honte devant le jugement du Temps.

Croyez-vous que nous avons appris quelque chose de ce drame absolu ? Rien ! Au moment où des sauvages déguisés, barbus (et laids) prennent le contrôle absolu d’un pays plus étendu que la France, nous nous disputons comme des chiffonniers, et nos familles se déchirent, à propos du rôle éventuel des “vaccins” dans l’atteinte ou pas d’une “immunité collective” (… que nous dénonçons ici comme impossible depuis 18 mois, délai qu’il a fallu pour que l’Université de Cambridge le reconnaisse officiellement. Mais pas la France, encore : nos “scientifiques” –qui ne sont que de tristes médicastres prêts à perdre leur temps pour parader devant des caméra s– commencent à peine à découvrir cette évidence : la fameuse “immunité collective” promise commençait à 60 %, puis 65. Puis ils ont revu leurs chiffres : à 85 et 90 %, on allait voir ce qu’on allait voir. Et enfin, la semaine dernière, ils ont reconnu du bout des lèvres que même à 98 %, elle était inatteignable… et qu’il faudrait “donc” (?) rendre obligatoire ce qui ne marchera de toutes façons pas davantage. NDLR).

En réalité, comme les Byzantins (mutatis, mutandis), nous faisons semblant de ne pas voir la flotte ennemie qui attend son heure, sur la mer de Marmara… (dans notre cas, il s’agit de flottilles d’embarcations précaires, sur la mer Méditerranée). Craignons que les générations futures, si elles pensent encore, ne nous résument à notre insouciance et à notre aveuglement qui, au niveau où nous les poussons, sont proches de l’infamie et de la bêtise pure… Si on osait regarder la vérité en face, on serait même en droit de se demander si l’abandon honteux des Afghans au pouvoir de forces obscures (et, plus encore, obscurantistes) n’est pas la défaite de trop, au niveau symbolique (je veux dire : celle dont on s’apercevra bientôt qu’il ne fallait pas la subir). L’islam l’appelle “la reine des batailles”, celle qui change le cours de l’histoire. Malheureusement, nous aurons à revenir sur ce point, passé inaperçu de la totalité des faiseurs d’opinion – qui sont des détricoteurs d’Histoire.

Les jeux déraisonnables dans lesquels nous nous perdons évoquent le personnage d’Ivan Ilitch, du roman de Tolstoï La mort d’un juge (1886), qui s’épuise à mille choses futiles sans vouloir voir qu’une main, dans l’ombre, va le frapper et que, dans un instant, tout cela n’aura plus la moindre importance, mais qui persiste dans son aveuglement, jusqu’à l’absurde. Je ne peux pas m’empêcher de penser que nous sommes ce personnage fictif (devenu réel, pour chacun de nous : c’est nous !), si humain dans son inconséquence : nous persistons à nous accrocher à des querelles picrocholines (NDLR : pros et cons de Raoult, accros ou pas au vaccin, fans ou pas du “pass”, cons ou plotistes, etc…) alors que nous savons que nous risquons de disparaître, et que pourrait sombrer le monde pour, par, et dans lequel nous avons vécu, et avec lui tout ce que nous avons aimé, les 2000 ans de ce qui restera à n’en pas douter comme la plus belle civilisation ayant existé – et la plus douce à vivre, pour l’Homme – en train de s’évanouir, pendant que nous nous épuisons inutilement à taxer à 135 € toute personne qui veut boire un café sans sacrifier au néo-rite du “Cuhercod’’ – démontré inopérant – dont notre orgueil et notre prétention ont fait, sans raison, une vérité dogmatique. Comme c’est triste !

C’est là que refait surface un de mes “dadas” (que je crois déterminant) : à la base de l’immense chambardement qui est “en Marche” (hélas…) dont les conséquences seront, à terme, tellement plus graves que le drame déjà terrible que fut la chute de Constantinople, il y a la perte du sens de notre civilisation… donc de notre vie et de notre raison d’être, dont les contre-systèmes délétères actuels ont fait des raisons de ne pas être ! En d’autres mots – càd ceux qui auraient été utilisés à toute autre époque mais qui sont si mal vus en ce moment – nous sommes victimes et punis d’avoir tourné le dos à notre Dieu. Et que l’on croie en lui ou non n’est pas le sujet : toute civilisation, c’est un fait, présuppose l’existence préalable d’un dieu ou d’une divinité, et c’est en vain qu’on chercherait un seul exemple contraire : les atroces velléités en “-isme” du XXe siècle ont à peine duré… le temps de leur chute.

C’est de la perte de confiance dans leur(s) dieu(x)-référent(s) que sont mortes les anciennes civilisations, l’exemple le plus frappant étant l’Amérique centrale où seize cavaliers, 518 fantassins, treize artilleurs et huit petits canons (et la variole, tout de même) sont facilement venus à bout d’armées entières et d’une civilisation superbe et puissante mais dont les habitants stupéfaits avaient vu Hernàn Cortes pisser (littéralement) sur leur dieu, le Quetzalcoatl, et ne pas avoir été foudroyé dans la seconde. Le Dieu des conquistadores étant plus puissant que celui des Aztèques, à quoi se raccrocher ? Tout était perdu… et le fut. Et leur monde avec. L’Histoire de l’humanité est remplie de dieux morts… mais vite remplacés, tant il est vrai qu’est inscrit dans nos gènes ou dans notre essence le besoin d’un principe transcendant.

Une dernière remarque semble avoir sa place, ici : certains de nos contemporains refusent la possibilité que disparaisse notre civilisation. Non qu’ils souscrivent obligatoirement à l’existence (nécessaire mais pas suffisante) du Dieu qui lui a donné naissance, mais juste parce qu’elle semble si fortement installée qu’elle pourrait presque paraître éternelle.  Mais… qui donc aurait pu prédire l’écroulement de l’immense religion des Égyptiens, l’oubli total de celle des Zoroastriens pourtant si bien ancrée dans l’histoire de la Perse, ou l’attrition des mythologies grecque et romaine dont le joli polythéisme donnait une merveilleuse explication poétique du monde, et qui étaient tellement à leur place dans les univers où elles régnaient…

Sans vraiment le vouloir toujours, nous avons ouvert la porte à un processus qui ne saurait exclure l’hypothèse que le christianisme – tombé si bas, déjà – ne cède sa place pourtant méritée à un autre Dieu dont les fidèles, eux, ont gardé intacte “la foi de leurs pères”… Ce serait alors la fin de la prééminence de tout ce que “notre” Dieu – Dieu, quoi !– a, sans discussion, offert à l’Homme : une manière de ressentir le monde, une façon de concevoir son humanité, un mode de pensée, des lois, des habitudes, des manières de regarder les choses et les gens, un culte de la beauté plus poussé que partout ailleurs… bref, ce qui s’appelle “une civilisation”. Et c’est là que les images de la folie des mabouls de Kaboul justifie toute notre attention, notre réflexion, nos craintes pour notre avenir… et la nécessité urgente d’une reprise de contact avec le réel et les “fondamentaux’’. Mais nous en reparlerons, très bientôt…

H-Cl.