LE 1er MAI… 1796

En ces temps de défilés précédés, accompagnés et suivis de déclarations toutes plus socialo-martiales les unes que les autres, souffrez que j’interroge l’histoire. Non pas celle de la Fête du Travail, car l’ambiance serait alourdie par le simple mot Travail. On peut, certes, en évoquer les conditions, mais pas trop. Car, imaginez qu’on les améliore, ces conditions, au point de faire du travail un bien commun, un truc que l’on rajouterait à notre sainte devise républicaine. Imaginez : Liberté, Égalité, Fraternité, Travail.

J’entends déjà les cris des ligues de vertu auto-proclamées et jamais calmées : les heures les plus sombres, la démocratttttttieeeeeeeeeeee, et autres hochets de la fête. Croyez-vous que j’exagère ? Regardez – vite fait, bien fait, et bien réfléchi – la belle prose de Wikipédia à l’article ad hoc [1]:

« Dans certains pays, comme la France, l’Allemagne, l’Italie et le Japon, le terme « fête du Travail » est sujet à controverse car ayant été (ou étant toujours) détourné de sa signification historique par certains partis ou gouvernements, en particulier le pétainisme et le fascisme, qui faisaient (ou font) travailler davantage leur population de manière autoritaire. Pour éviter toute ambiguïté, certains préfèrent ainsi célébrer la « journée internationale de lutte pour les droits des travailleurs ».

Pourtant, le même article constate que :

« Le 24 avril 1941, le maréchal Pétain instaure officiellement par la loi Belin le 1er mai comme « la fête du Travail et de la Concorde sociale »24, appliquant ainsi la devise Travail, Famille, Patrie… ». Bien, oublions la concorde sociale, ce qui serait trop demander tant au Macron de service qu’aux représentants syndiqués. Dommage !

Alors, je me suis penché plus loin dans notre histoire, jusqu’à trouver une jolie référence. Il s’agit de L’Essai sur l’état actuel de la France, 1er mai 1796 par le chevalier Bernard-François-Anne de Fonvielle.

Le ton y est léger, amusé, si ce n’est désabusé, accompagné d’une certaine sagesse que Montaigne n’eût pas désavouée, sauf à y retrouver quelques grains d’épices fortes, une fois les sucreries ingérées. D’ailleurs, le chevalier, qui savait enfourcher le cheval de l’histoire bien comprise, n’hésitait à qualifier ses écrits de fables. Des fables un peu plus longues que celles du bonhomme bien connu, mais non moins judicieuses.

Ainsi la remarque en incipit de son essai :

« Je me serais fait un honneur d’être Romain à certaines époques de la République ; mais très certainement Romulus eût bâti sa ville sans moi. »

Exit Romulus, Remus atque !

C’est dire si son appréciation de la situation de 1796 mérite d’être lue au vent de l’Histoire.

Enfin, je retourne au XXIe siècle, an 65 de la Ve République, tout en ne quittant pas de vue une constatation de notre bon chevalier :

« Nous avons vu, dans le premier livre, comment la France a été irrésistiblement conduite à une révolution dont les emprunts furent la principale source. Nous verrons par la suite qu’un sort semblable attend inévitablement un peuple qui ne parle aujourd’hui que de sa suprématie politique, maritime et commerciale. N’anticipons pas l’ordre des matières, et occupons-nous du déficit par lequel notre maladie a fait son éruption. »

Mais avec un économiste tel que Macron à la tête de l’État, nous ne risquons rien. C’est sûr ! La preuve : ce 1er mai.

En tout cas, le chevalier n’était pas dupe de son époque. La preuve, il avait supprimé la particule de noblesse de, trop voyante, et probablement délicate à porter. Souffrez que je la lui redonne.

Antoine Solmer

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%AAte_du_Travail