LIBERTÉ (D’EXPRESSION) QUE DE CRIMES ON COMMET EN TON NOM !

LIBERTÉ EXPRESSIVE
LIBERTÉ EXPRESSIVE

UNE PEU D’HISTOIRE

Que les mânes de Madame Roland me pardonnent cet emprunt et ce léger ajout à la phrase qui lui est attribuée alors qu’elle montait à l’échafaud le 8 novembre 1793. Elle répondait à sa façon aux « Montagnards » et autres « Jacobins » qui lançaient leur « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. » Ainsi, Marie-Jeanne Phlipon, femme Roland payait d’un certain « séparatisme » son regard lucide sur l’état de la France et de ses maîtres du moment. Ah ! Oui, nous avons des leçons de liberté d’expression à donner au monde… et peut-être à nous-mêmes, y compris maintenant.

ET MAINTENANT ?

Quant aux progrès en liberté d’expression dont nous aurions fait preuve depuis plus de deux siècles lumineux, qu’en est-il vraiment ?

Du côté de la République, bardée de démocratisme outrancier, d’incantations pluriquotidiennes, il persiste une 17e chambre parisienne attentive à fulminer ses jugements contre les empêcheurs d’écrire de droite vers la gauche. Il persiste une inondation cataclysmique des médias « mainstream » ; on a inventé des chasseurs de nouvelles peu tolérables baptisées « fakenews », ce dont s’est glorifié Le Monde, le journal qu’une vieille plaisanterie qualifie de plus faussement objectif et de plus objectivement faux. Et Les réseaux sociaux se muent en garde-chiourmes de la pensée unique. Combien de dizaines de milliers de comptes rayés au nom de la liberté d’expression à géométrie variable ? On emprisonne ou bannit les lanceurs d’alertes qui ne suivent pas les bons chemins.

Par ailleurs, une tolérance « maison » envers les haines les plus recuites chassant le mâle blanc, envers les communautés élevées en gloires nationales, envers « déséquilibrés », « mineurs isolés », rappeurs en mal de niquer, baiser, se torcher, etc. avec la France et ses symboles, avant de passer aux femelles « yaourt ». Mais c’est de l’art. Petit exemple parmi les plus doux :

« C’que j’en pense
De leur identité nationale
De leur Marianne, de leur drapeau
Et de leur hymne à 2 balles
J’vais pas t’faire un dessin
Ça risque d’être indécent
De voir comment j’me torche
Avec leur symbole écœurant »[1]

Donc, nous avons accompli d’immenses progrès en matière de liberté d’expression, et même d’art populaire. La preuve aussi par les couvertures de Charlie, qui vaut bien les quelques lignes citées plus haut.

MAIS PARTOUT EN TOUT TEMPS

C’est vouloir nier la réalité qui veut que jamais dans aucune société, à aucun moment, personne n’a pu s’exprimer librement sur tout, c’est-à-dire sans risquer de déclencher des représailles plus ou moins sanglantes. Que ce soit en famille (le célèbre Ils en ont parlé, où l’on voit un repas de famille finir en pugilat pendant l’affaire Dreyfus) ; que ce soit pendant les longs siècles où quelque bon mot se soldait par une réparation sur le pré ; que ce soit en 1870 où la fameuse dépêche d’Ems, mal prise par l’honneur national, déclenchait la guerre avec l’Allemagne ; que ce soit au Québec « libre » où un certain président se fit raccompagner à son point de départ ; etc.

Mais l’expression ne se limite pas à l’oral ou à l’écrit. Le visage, le comportement aussi en fait partie. Faut-il oublier ces Français houspillés, tabassés ou même tués pour « un mauvais regard ». Ah ! Quand l’imagination est au pouvoir, nourrie par la haine, même le visage le plus neutre est chargé de la violence de l’autre.

JE SUIS (NE SUIS PAS) CHARLIE

Et, comme charité bien ordonnée commence par soi-même, j’ose dire que je refuse d’endosser le « Je suis Charlie ». La phrase est si grammaticalement pauvre qu’elle en devient foncièrement inepte. Certes, on est abreuvé de raccourcis à entendre sous le coup de l’émotion, par solidarité, par assimilation au sort des victimes, etc. Si encore ce « je  suis » venait du verbe suivre ! Mais non, il suffit d’écouter le langage courant. On est « Duchmol » ou on est « Dutruc », et le ton monte, ou l’on se tait, pour éviter des représailles. C’est justement cette adéquation pathologique, cette assimilation à l’un ou à l’autre de ses héros qui est le début d’une contrainte ou d’un abus d’expression, donc d’une absence de libération… à ne pas confondre avec liberté.

Je refuse encore, parce que je suis outré, blessé par les caricatures de ce journal. Elles n’apportaient rien que de la rigolade malsaine et de l’exaspération croissante. Bien entendu, je ne tolère en rien le traitement par balles qui leur a été réservé. Mais honnêtement, je pense que quelques paires de claques auraient été nécessaires à ces gamins mal dégrossis shootés aux dessins de portes de chiottes. Si cela les avait fait dévier quelque peu de leurs lignes malsaines, peut-être seraient-ils encore en vie. Cela compte, tout de même. Mais ils marchaient dans les pas de la Gauche archaïque. Alors, tout était permis. Sauf que…

RÉFLÉCHIR AVEC L’HISTOIRE

Quant à la dernière victime – avant les suivantes – le professeur Samuel Paty, doit-on parler d’ignorance ou d’idéalisme aveugle ? Qui aurait idée de jouer avec une grenade dégoupillée ? Qui aurait idée de s’aventurer à l’aveugle dans un champ miné ? Il est de bon ton de louer son courage. Ce serait vrai s’il était conscient du risque. Mais peut-être ne savait-il même pas que les massacres de la Toussaint 1954 en Algérie ont commencé – entre autres – par l’assassinat de M. Monnerot instituteur métropolitain, tout juste débarqué pour enseigner les enfants des douars. N’oublions pas l’assassinat concomitant du caïd Hadj Saddok qui voulait le protéger, et le sort réservé à sa jeune épouse. Ce caïd était un musulman qui croyait en la France, pas en une République. L’histoire doit être connue si l’on veut espérer qu’elle ne se répète pas.

Si l’on veut croire à une liberté d’expression, elle doit se limiter à une dissertation exempte de toute représaille ultérieure, ou de toute arrière-pensée, manœuvre et piège de toute nature. Car sans cela c’est une liberté unilatérale, une liberté du plus fort comme la loi du même acabit.

RETOUR AU RÉEL

Ainsi, que vaut la liberté d’expression des hommes politiques quémandant des suffrages par programme interposé ? Que valaient les discours du président lorsqu’il trouvait toutes les périphrases et rideaux de fumée possibles pour ne pas utiliser les mots justes ? Et de ce fait que vaut son expression récente au sujet de l’assassinat du malheureux professeur ? Est-ce vraiment une libre expression qui se contenterait de suivre la foule des Français ulcérés ? Ou une expression maintenant libérée, après une longue période d’aveuglement et de contorsions labiales ? Hors cela, retour aux mots vides de sens. Bref, le quotidien !

Et que vaut la liberté d’expression des réalités nationales lorsque les statistiques ethniques sont interdites, que les prénoms des personnes dérangeantes et « dérangées » sont « déracialisés », que les « jeunes » sont des majeurs non-statistiquement étudiables ? Et tant et plus d’exemples…

Nous n’avons même plus besoin de guillotine. Les hachoirs et autres instruments médiatiques mainstream suffisent.

[1] https://genius.com/Zep-nique-la-france-lyrics