TRISTESSE D’UN PROCUREUR PARMI QUELQUES MILLIONS D’AUTRES

LE CHRIST DE SACLAY
LE CHRIST DE SACLAY

AU DÉBUT IL Y AVAIT DUTRONC

J’avais commencé ce billet en parodie de la célèbre chanson de Jacques Dutronc (en 1966) : Et moi, et moi, et moi. Le premier vers, “600 millions de Chinois,” résonnait encore assez à mes oreilles pour me tenter d’y substituer les « 66 millions de procureurs » de 2021.

Cela aurait été amusant :

66 millions de procureurs
Et moi et moi et moi
Je suis le roi des enfumeurs
J’vous le dis sans aucun émoi
J’dépense et puis j’oublie
C’est la vie, c’est la vie, etc.

UN NOUVEAU CHRIST DE SACLAY ?

Mais, le scrupule me vint de vérifier l’enregistrement du discours plutôt que de me fier au seul texte. Cela m’est assez inhabituel dans le cas de ce président. Je manque de temps et de masochisme. Mieux vaut laisser à d’autres le soin de se punir en notant sa copie. Que son prof habituel le fasse : filandreux, répétitif, obscur, manque d’envergure, morigénant, peu sincère, etc. 6/20.

Je ne l’ai pas regretté. Le seul moment où il ne balaye pas l’horizon du regard et des mains, jointes dans le plan vertical, ou doigts pincés en opposition, c’est lorsqu’il prononce ces paroles d’anthologie « Celui qui ne fait pas d’erreur ou celle qui ne fait pas d’erreur c’est celui ou celle qui ne cherche pas ou qui ne fait rien. »

Moi, j’ai cherché, et j’ai trouvé. La preuve sur la photo d’illustration. Une position complètement inhabituelle qui ne manque pas d’interroger. Regardez-le bien : les yeux levés au ciel, les mains ouvertes, doigts écartés, paumes vers nous. Un prédicateur enflammé, ou mieux encore ? Cela  dure quelques secondes, assez pour qu’on le remarque et qu’on situe la phrase dans un autre contexte : la seule parole écrite de Jésus-Christ (sur le sable) : « Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre ». Il s’agissait de la femme adultère.

Alors, en cette faculté scientifique de Saclay, Macron a-t-il reçu l’inspiration du Christ voisin ?

SUR MON PARQUET

Il est tout autant permis d’espérer que de douter. Car moi, autant Gaulois réfractaire que procureur tiré au sort parmi la bonne soixantaine de millions qui m’entourent, je ne vois ici qu’un pauvre gamin dépassé par les événements, un petit premier de classe enhardi par son coup d’éclat de se faire enseigner spécialement par la prof, et qui ne s’en est jamais sorti. Un banquier virevoltant qui n’a jamais vu la vraie vie, un chef constitutionnel des armées qui pavane autour de son conseil de défense de bras cassés, qui se voit entouré de tireurs couchés, un lanceur de grenades par procuration vers des gilets ensanglantés, un petit soldat qui confond le casque lourd et le joli petit masque d’opérette, le fossoyeur des petits commerces et restaurants qui nous assure de ses sentiments lorsque l’un d’entre eux se suicide, le livreur de Pfizer et autres, le sauveur de Mme Pétronin qui repart la queue basse, le visiteur frétillant et déshonoré de Saint-Barth, le gouvernant aux décrets et à la chambre fantomatique, le distanciateur centimétrique, le skieur tombé du tire-cul qui se venge sur la neige, ouvreur de frontières à défaut d’être ouvreur de pistes. Bref, un visiteur de grandes eaux qui se croit requin, mais qui n’en est que le rémora attaché par sa ventouse.

Tout cela est assez triste. Au moment de prendre ma retraite, vieux procureur blanchi sous le harnois, il faut encore s’occuper de gamins à qui il a manqué quelques claques, en famille ou à l’Éducation nationale. Pas méchantes, juste éducatives, marquantes, même purement symboliques. C’est désolant. Combien de vies gâchées, quand par malheur l’un deux se fait propulser au pouvoir ?

D’un autre point de vue, ce n’est que peu de choses, juste un pouvoir exécutif temporaire qui pratique bizarrement la séparation des pouvoirs, qui assigne à résidence ses procureurs par millions, mais un pouvoir déliquescent. Cela finira bien par être jugé… dans les urnes.

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