FAUST ET LE DIABLE
FAUST ET LE DIABLE

Des lendemains qui pleurent – (III) : Faust et le mythe de l’Homme éternel

  Le remplacement de l’homme-tel-que-nous-le-connaissons, avec tous ses immenses défauts (mais combien de merveilleuses qualités, aussi, pour se faire pardonner !) est une idée – ou une envie ?– vieille comme le monde : à travers l’Histoire, quelques centaines ou milliers d’individus mal intégrés, se sentant incomplets et inutiles, ont souscrit  à cette folie de croire que la seule solution aux malheurs du monde serait une transformation en profondeur de ce qu’ils étaient (= humains, tout simplement), voire la disparition pure et simple de leur espèce…

Pourtant, dès le 1er siècle de notre ère, saint Paul parlait, dans son Épître aux Hébreux, de la  formidable prémonition du prophète Jérémie (VIè siècle av. JC),   à peine explicable en termes humains : “Avant que tu sois né, je te connais” Saint Paul, lui, écrivait : “Il le connaissait…mais il était encore dans son aïeul…”, phrase tellement incomprise qu’elle n’était jamais relevée ni commentée… alors qu’il s’agit du premier contact conscient de la pensée organisée avec un “après la mort’’’ et avec le dogme chrétien de la Vie Éternelle : il y a bien une partie d’immortalité, en chacun de nous… La Science mettra vingt siècles à décrypter cette affirmation, lorsque Crick et Watson ont découvert l’ADN : depuis 1953,on ne peut plus nier que “quelque chose”, en nous, est éternel. Et que les croyants la désignent “Âme” et les autres par “ADN” est presque anecdotique, c’est une question de mots.

La génétique, cette science de nos secrets les plus intimes, était, en quelque sorte, annoncée dans la Bible – dans des termes propres à la transmission orale. En revanche, ce qui n’était pas prévu, c’est que c’est elle qui servirait à “dénaturer la nature” que, justement, elle définit et délimite… et qu’elle est en train de la redéfinir, sans raison valable, mais sans aucun plan d’ensemble, sans savoir ni pourquoi ni jusqu’où,  “au nom du progrès pour le progrès… sans savoir lequel’’. Mais cette intégration dans la Science de la relation entre l’Homme et sa “fin finale’’ entraîne, d’une manière dont on ne décrypte pas toutes les conséquences, la “démonstration” que le tombeau n’est pas la seule issue eschatologique à la fin de notre existence : il y a, scientifiquement pourrait-on dire, un “après-la-vie’’ et une “âme” : quelque chose de fondamental, en nous, connaît et possède une forme d’éternité : c’est notre ADN. La Vie est prouvée par la mort !

Cette découverte a fait entrer le monde dans une dimension nouvelle. Comme annoncé par la révélation christique mais mis en doute par des savoirs qui étaient alors dans leur enfance, l’accord entre la Science et la Foi, le seul “mariage-pour-tous” qui soit souhaitable et même très attendu, devient possible : le “il existe la possibilité d’une éternité pour l’Homme’’ est porteur de telles ouvertures que nous devrons y revenir, pour tenter d’en comprendre les conséquences et les leçons qu’il faut en tirer si nous voulons “vivre dans notre temps”, au lieu de nous contenter de nous référer sans cesse à de vieilles lunes datant de 2 ou 3 siècles et périmées en avril 1953 par l’irruption de l’ADN dans notre arsenal cognitif. Les dangers que font prendre les trop nombreux “bricolages” dont nous parlons ici depuis 3 jours et qui sont, de plus en plus souvent, des “dérapages” d’iso-démiurges inconséquents, attristent la science et justifient à eux-seuls l’importance qu’il y a à en évaluer les menaces… et à arrêter de nier le réel.

Or, ce n’est pas tout ! Toutes ces recherches qui ont pour ambition “d’améliorer” l’homme… n’ont rien à voir avec “le rendre meilleur”, bien au contraire : il ne s’agit que d’une énième version du fantasme de la jeunesse éternelle promise par Méphistophélès au docteur Faust… Cependant, de très nombreuses officines s’essoufflent dans des tentatives “limite criminelles” de sélection ante-gestation de futurs embryons qui auraient une chance de devenir centenaires et davantage, et qui seraient, dans ce but, bourrés de capteurs et d’électrodes pour contrôler que chaque seconde de leur vie se déroule dans les “meilleures conditions possibles” (pour qui ?) pour garantir leur santé et leur verdeur telles que définies par le protocole sous lequel ils doivent évoluer – c’est-à-dire vieillir jeunes, pour mourir vivants, en un mot. J’exagère à peine ! Jeunes et vivants, mais très malheureux.

Car si elle aboutissait, cette recherche de “santé-à-tout-prix” remplirait la Terre de foules de petits centenaires globalement sympathiques et certainement pas immortels, mais plus ou moins “in-mourables’’, qui poseraient infiniment plus de problèmes que ne sauront en résoudre leurs descendants de moins en moins nombreux dans des familles à la re-composition décomposée,  bricolées par des législateurs irresponsables et des éprouvettes éprouvées sans preuves… Plus personne ne sera lié à rien ni à personne. Je suis donc sûr que ce qui restera de l’humanité regrettera “la Jouvence de l’Abbé Soury’’ ! Car l’un des  promoteurs ’’transhumanistes’’  de cette vision du futur de l’humanité qu’on nous fait croire merveilleux, avait posé dans un de ses ouvrages – par ailleurs bien fait – la question : ’’Le premier homme qui vivra mille ans est-il déjà né ?”. Même en faisant la part belle à la foi du néophyte et au savoir-faire de ce communiquant éprouvé, et… même si je suis certain (mais sans plus de preuves que lui !) que ce n’est pas ainsi que se dérouleront les faits… je ne peux pas retenir un frisson de terreur.  Seule bonne nouvelle (pour certains) : ma génération ne devrait pas être concernée. Ouf !

Les adorateurs de la perspective (désirable pour les apprentis-sorciers… et catastrophique pour les autres) de pouvoir vieillir éternellement semblent ne pas avoir encore pris en compte cette dimension de l’humanité qui veut que ce qui compte, ce n’est pas tant de gagner des années dont on ne saura trop que faire, que de savoir gagner du temps utile, heureux en quelque sorte : celui-là pourrait alors durer des années… ce qui n’est pas la même chose. Mais l’évolution de ce qui fut notre civilisation ne semble plus être en mesure de l’assurer ! Imaginons la taille du “Trou de la Sécu” et la tronche des “leaders” syndicalistes, dans un univers où l’âge de départ à la retraite devrait être repoussé d’un siècle ou deux ! Ou plus !

 On tremble, car la concurrence entre toutes les nations (et plus simplement entre laboratoires, ou entre les ego de chercheurs voulant être en tête de cette course, au point d’en devenir inconséquents) fait que ces visions ont de fortes chances de se réaliser dans des délais qui feraient pratiquement des gens de ma génération les derniers à pouvoir espérer mourir de leur “belle” mort… ce qui convient très bien au vieux conservateur ronchon mais fier de l’être que je deviens à la lecture de la possibilité d’occurrence de ces aventures qui feraient de l’Homme une simple variable d’ajustement d’une science qui aurait perdu son S majuscule. Plus je fréquente les évolutions de la science moderne, plus je suis heureux d’être né en d’autres temps et d’avoir toutes les chances de mon côté pour ne pas assister à de tels désastres. Mais également, plus je deviens soucieux en ce qui concerne le devenir de mes chers petits- et de mes “arrière-petits” enfants, si aimés !

Cependant, comme il est sage de toujours se rattacher à ses propres racines, il me revient en mémoire la première lettre de saint Paul (encore lui  ! Il est partout !) aux Corinthiens : “C’est par l’homme aussi que viendra l’éternité. […] Le Christ détruira toutes les puissances du mal, et le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort”. Y serions-nous déjà ? L’Ecclésiaste nous avait déjà prévenus… il y a si longtemps que certains semblent l’avoir oublié : “Nihil novi sub sole” ! Rien de nouveau sous le soleil ? Vraiment ? Il faut vite le dire à ceux qui se croient des petits dieux : contrairement à eux, moi, j’aime bien l’Humanité telle qu’elle est, avec tous ses “trop” et tous ses “pas assez”…  

H-Cl.