Les responsabilités de la France métropolitaine : le titre de mon article du jour est celui du dixième et dernier chapitre du livre de Maître Jean Meningaud, avocat au barreau de Philippeville, en Algérie (aujourd’hui Skikda) que j’avais présenté ici-même sous le titre : La France à l’heure algérienne.
Chaque jour qui passe devrait convaincre jusqu’au dernier des macronistes et autres ahuris pétochards que leur suivisme asservi et leurs ornières volontaires les mènent à l’abîme. Bien sûr, il n’y a pas que des macronisés en France, cela se saurait. Il y a aussi des personnages plus intelligents, plus honnêtes : ce sont M. Mélenchon et ses sbires. Au moins, ils annoncent sans honte les couleurs : rouge-coco, vert islamiste, et une dose de noir-anar (pas les vieux anarchistes plutôt sympathiques) mais ceux qui servent de service de désordre accessoire à qui les encourage. Faites le compte des couleurs : ce sont celles du drapeau palestinien, entre lesquelles le blanc est enfermé. Avec les mélenchonistes, au moins, on voit où ils veulent en venir : à l’islamo-gauchisme le plus pur, je veux dire le moins caché. Si j’exècre leur but politique, au moins j’apprécie leur franchise. Avec des gens comme ça, on peut toujours s’entendre : ils veulent notre peau. Mais avec Macron, c’est pire : il erre sur la route politique comme un homme ivre, prêt à toutes les embardées, à toutes les traîtrises, ce qui, à son niveau, confine à la trahison.
Bref, Français de ce qui reste de Métropole, vous êtes prévenus. Persistez, comme je pense que vous le ferez, et vous serez rayés de la carte. Mais au-delà de ce que je crois, il y a ce qui reste : le devoir d’annoncer la couleur. C’est pourquoi je laisse la place à Maître Jean Méningaud, à ce qu’il écrivait en 1956.
Antoine Solmer
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LES RESPONSABILITÉS DE L’OPINION PUBLIQUE MÉTROPOLITAINE
Je pourrais en avoir terminé, mais je ne voudrais pas fermer ce livre sans dire aux Français de la métropole combien tous les Algériens, comme moi-même, sommes convaincus que le sort de l’Algérie est entièrement et exclusivement entre les mains de 1’opinion publique métropolitaine.
C’est de cette opinion publique, en effet, et d’elle seule que dépendra le sort des Algériens, et donc, en définitive, celui de la France. Il dépendra surtout de l’attitude des jeunes dont certains m’ont tellement réconforté, et au sujet desquels Bernanos écrivait en pleine guerre, en février 1943 : « Notre sort – je veux dire la vie ou la mort de la France – dépend aujourd’hui des générations à peine encore sorties de l’enfance et qui n’ont pas été formées à la casuistique des 1âches ». Les jeunes de 1943 ont repris le flambeau que la France expirante leur tendait. Je suis sûr que les jeunes de 1956 ne leur seront pas inférieurs, et je leur dis par avance mon espérance et notre reconnaissance.
Qu’ils sachent bien qu’en sauvant les dix millions d’Algériens de la tyrannie et de l’esclavage, c’est eux-mêmes qu’ils sauvent, et avec eux la France, et qu’ils ne se laissent point aller à une attitude de négation qu’André Jean Godin a merveilleusement analysée dans son ouvrage déjà cité : « L’Anglais, a dit Bernard Shaw, quand il a besoin d’un nouveau marché pour écouler ses marchandises, envoie un missionnaire aux indigènes pour les catéchiser. Les indigènes tuent le missionnaire. L’Angleterre, alors, vole aux armes pour défendre la chrétienté, se bat pour elle, conquiert pour elle .et, en guise de divine récompense, s’approprie le marché. »
Et M. Godin enchaîne :
« Il en va bien autrement pour nous, Français, dès quel de par le monde, quelques-uns de nos droits les plus noblement acquis et les plus légitimes se trouvent mis en cause par des factions haineuses, en proie aux nostalgies d’une barbarie originelle. Passivement, nous laissons s’organiser, puis se mettre en branle, les forces toujours mobilisables dont se forment les “Ve Colonnes”. D’emblée, nous prêtons crédit à leurs mots d’ordre. Avec une sorte de délectation, nous nous appliquons ensuite à les propager. Bientôt, un sentiment profond de culpabilité collective s’installe en nous, s’empare de nos consciences, et nous en arrivons à nous accuser nous-mêmes des crimes que de faux témoins nous imputent, là où nous n’avons prodigué pourtant que des bienfaits. L’heure sonne, à ce moment, des abdications sans retour. »
Je crois qu’il est difficile de décrire de façon plus saisissante le processus psychologique des Français à l’occasion des événements que nous vivons en Algérie. C’est donc les jeunes, et l’opinion publique tout entière, qui devront remonter le courant et ils le peuvent, maintenant qu’ils sont informés de divers côtés, de ce qui se passe en Algérie.
Un sursaut national se forme. Il ne faut à aucun prix le laisser retomber, car il est le signe de notre salut.
Les Français ont vu ce que l’opinion publique peut faire, au moment du rejet de la C.E.D. dont on peut penser ce qu’on veut, mais dont on est obligé de convenir qu’il fut 1’œuvre d’une opinion publique passionnée. Ils ont vu encore au moment du voyage de M. Mollet à Alger et du remplacement providentiel de Catroux par M. Lacoste.
Qu’on m’entende bien : je ne suis pas systématiquement pour les tomates, et je suis systématiquement contre les complots, les conspirateurs et les provocateurs, je ne cesserai jamais de le clamer.
Je trouve, en effet, que trop de gens en prennent actuellement à leur aise avec la liberté d’autrui, et je suis effrayé par le bilan du 4 au 20 mai, pris dans son ensemble, et qui ne me rassure pas quant à l’avenir de la paix publique et des libertés individuelles. Voyons dans l’ordre chronologique, le détail de ce bilan :
M. Lacoste reçoit des tomates pour l’application d’un décret dont il n’est pas l’auteur; il expulse M. Bousquet, l’une des gloires de l’enseignement supérieur français en Algérie, qui n’en peut mais ; les journalistes se font étriller par les flics qui fêtent ainsi la venue de Tito en France ; le ministre de l’intérieur refuse tout net au président du tribunal militaire de lui dire la vérité concernant les fiches d’écoutes téléphoniques ; les gens du métro se mettent partiellement en grève ; enflammés par l’exemple, les gars des autobus les imitent ; les ouvriers boulangers en font autant ; les communistes de Grenoble font leur petite révolution contre l’Algérie française, et mettent à sac tout le quartier de la gare. Et enfin les paysans, qu’on croyait plus sages, envoient les automobilistes se casser la figure sur des troncs d’arbres traîtreusement abattus ; trouvant le résultat insuffisant, ils embouteillent les routes de France pendant une journée entière et – dans des régions hélas trop peu nombreuses – calment l’automobiliste furieux en trinquant avec lui… ce qui est la seule note optimiste de cette énumération.
Il est vrai que c’est la note de la fin. Mais, tout de même, quelle gabegie !
N’allons-nous pas bientôt être sérieux? Nous en avons une excellente occasion, la dernière peut-être qui nous sera donnée, avec l’affaire d’Algérie. Alors saisissons-la : il faut que l’opinion publique soit mobilisée à toute heure du jour en faveur de l’Algérie.
Que les ministres de bonne volonté se sentent assurés de son soutien, et que les autres la redoutent. Que les parlementaires sachent que le renouvellement de ce mandat, si cher à leur cœur, dépendra de leur patriotisme.
Que les politiciens, qui commencent à se souvenir un peu tard de l’existence de l’Algérie, sachent qu’on veut bien se servir d’eux, pour défendre cette cause généreuse, mais non se mettre à leur service.
Que les trublions de tout acabit soient convaincus qu’ils n’ont rien à récolter en essayant de troubler les esprits pour le plus grand profit de leurs petites affaires, sinon quelques coups de pied où je pense, pour leur éclaircir les idées… s’ils les portent à cet endroit !
Et il faut que les choses se passent ainsi et que l’opinion publique fasse clairement comprendre qu’elle ne tolérera plus aucun abandon, aucune lâcheté, ni même aucune sottise.
Si les Français n’entendent pas ce langage, s’ils ne mènent pas ce combat, alors je le leur prédis, dans un avenir qui les atteint déjà, s’appliquera à chacun d’eux cette phrase de John Donne qui a inspiré Hemingway :
« Ne demande pas pour qui sonne le glas, il sonne pour toi. »
Jean Meningaud