MARION MARÉCHAL ARBITRE ENTRE RUSSIE ET UKRAINE ? (6)

« La guerre en Ukraine, ce n’est pas Münich en 1938, c’est Verdun en 1916.  »

Telle est la dernière phrase de Marion Maréchal au cours de son entretien à Causeur1. C’est aussi la palme de la non-compétence en ce domaine. Et celle-là est de taille. Non, nous ne sommes pas en 1916, mais dans les suites d’une série de bêtises délirantes droit sorties de l’expansionnisme de l’empire du bien, autrefois appelé USA.

Cet empire possède une dénomination déjà envahissante. Que je sache, la partie centrale et surtout le Sud de l’Amérique ne lui appartient pas tout à fait. Au moins, pas légalement, sinon par influences directes ou indirectes, dont certaines sont plus que musclées !

Il fut fondé par des « pères pèlerins » actuellement sanctifiés, des adeptes de religions qui ne trouvaient plus leur sécurité en Europe, des aventuriers de toute espèce (des curieux et des rapaces), bref, du monde, du meilleur et du pire. Tout cela a donné une colonisation menant à des épisodes de déplacements mortifères et de combats génocidaires. Quand on la compare à la colonisation française en Algérie, par exemple, la différence éclate aux yeux. Un maximum d’un million d’autochtones en 1830, dix fois plus en 1962. Comme génocide, il y a mieux ! Bref, les USA, non contents de donner des leçons de savoir tuer, veulent imposer au monde des leçons de savoir-vivre… quitte à monter des plans de « destruction massive ». Ce n’est pas sans une sorte de reconnaissance inconsciente que Colin Powell avait utilisé cette expression pour imposer la guerre à l’Irak et son invasion en 2004.

C’est ainsi due la guerre en Ukraine était prévue depuis des années.

J’ai déjà évoqué le scénario décrit par Zbiniew Brzezinski dans son livre, Le Grand échiquier de 1997 et le rôle central de l’Ukraine dans la stratégie US contre la Russie.

En 1999, éclate la guerre du Kosovo, suivie de l’intervention musclée de l’OTAN (qui est derrière ?) qui servira à « casser la Serbie…  affaiblir l’Europe et isoler la Russie.2» Alexandre del Valle raconte comment, à cette occasion, il rencontre le général Lebed, alors gouverneur du kraï de Krasnoïarsk, qui menait également une carrière politique prometteuse. Il s’était opposé au putsch de Moscou de 1991, était arrivé en troisième position du premier tour avec 14,7 % lors de l’élection présidentielle russe de 1996. En clair, il aurait pu prendre la place qu’occupe actuellement le président Poutine, ou progresser dans les hautes sphères si un accident d’hélicoptère ne lui avait coûté la vie en 2002. C’est cet homme qui déclare à Alexandre del Valle et au général Paris son exaspération profonde concernant l’agression otanienne (outrepassant son mandat) menaçant l’accès de la Russie à la Méditerranée. Il précise qu’une guerre peut s’ensuivre, éventuellement nucléaire.Ce général n’est ni un tendre ni un aveugle, mais certainement pas un illuminé ni un ignorant. Un avertissement que refuseront d’entendre bien des « responsables » (au double sens du terme).

En juin 2000, Bill Clinton et Vladimir Poutine récemment élu évoquent l’adhésion de la Russie à l’OTAN,ce que Clinton semble soutenir.

Fin 2000, Clinton, sur la fin de son mandat, parle à Poutine et plaide la cause de la Georgie qui veut s’émanciper3. Fureur de son homologue.

Avec le président George W. Bush, les néo-conservateurs US deviennent les, hérauts de sa politique étrangère agressive au Moyen-Orient. Comme le déclare Fukuyama : « un certain degré d’universalisme messianique à l’égard des valeurs et des institutions américaines a toujours été une composante incontournable de l’identité nationale américaine4 ». Ce sont des durs, des « faucons ». S’ensuivront la guerre en Afghanistan et surtout la guerre en Irak de 2003, dont le résultat le plus tangible, outre le massacre des populations, sera de rompre l’équilibre entre Irak et Iran, à l’avantage de ce dernier, avec le résultat stratégique que l’on connaît et qui était largement prévisible.

La situation empire en 2007 avec un renforcement de la doctrine « néo-cons » par un encerclement de la Russie en installant des bases de missiles en Tchéquie, en Slovénie et en Pologne. On connaît la vigueur de la réponse russe de l’époque5.

Cette politique armée, associée à la mainmise de l’OTAN sur les états baltes, la Pologne, la Slovénie exaspère la Russie. De même au sujet de « négociations » concernant différents traités antérieurs.

En 2008, l’ouverture de l’OTAN à la Georgie et l’Ukraine envenime les relations. Un casus belli dit Alexandre del Valle,

Heureusement, Obama met un peu de calme dans le jeu et réduit les bases à la Roumanie

Et cela se poursuit jusqu’en 2014 avec les évènements d’Ukraine dont nous avons déjà largement parlé. Je n’y reviens.

Alexandre del Valle ajoute à ce tableau purement géographique un élément de psychologie profonde ; l’existence au USA d’un lobby dominant de « faucons » originaires de l’Europe centrale (Pologne, états Baltes, etc). Ces personnes (Brzezinski étant le plus connu) ont été nourris d’une haine quasi viscérale envers la Russie. Ce sont d’excellents connaisseurs bien installés et écoutés, car les lobbys américains sont légaux et font partie du paysage politique à un niveau inégalé en Europe6.

Ajoutez à ce tableau le suivisme pathologique de l’Union prétendue Européenne, et vous aurez un tableau plus clair de la situation qui risque chaque jour davantage de nous envoyer ad patres, pour le plus grand bonheur de « l’empire du bien ».

C’est avec ces informations bien digérées que j’aurais souhaité entendre Marion Maréchal évoquer la situation, donc avec un discours plus clair, plus réellement français, et non macronien ou presque.

Il est des cas où ne pas s’opposer frontalement, c’est faire le jeu de l’adversaire.

Aujourd’hui, le principal ennemi de la France s’appelle Macron et non Poutine. Souhaitons que ce dernier, à force d’être bousculé, ne le devienne pas vraiment.

Antoine Solmer

(à suivre)

2https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php?carticle=2472

3https://www.rtl.fr/actu/international/russie-les-confidences-glacantes-de-vladimir-poutine-a-bill-clinton-7800832778

4https://journals.openedition.org/orda/5920

5https://www.cairn.info/revue-herodote-2008-2-page-221.htm

6https://www.dailymotion.com/video/x8xbjxm