RETRAITE SANS FLAMBEAUX (1)

Il y aurait eu un million, deux millions de mécontents battant le pavé pour s’opposer à la retraite à 64 ans. Il paraît que les organisations syndicales jouaient gros sur ce coup. Forcément, chacun tient à son fauteuil, y compris les damnés professionnels de la Terre. Quant aux manifestants et grévistes, y en aurait-il eu cinq millions, dix millions ou plus, la face noirâtre du monde politique en eût-elle été éclairée ? Roussie, peut-être, écorchée, pourquoi pas ? Mais éclairée, nullement.

ON MANIFESTE ? ET APRÈS ?

C’est que le mal est plus profond, incomptable. Et tout ce qui est incomptable traduit la vérité profonde que ni le gouvernement (Macron et ses larbins) ni les chefs syndicalistes (les obsédés de la casse sociale) ne veulent voir. Le peuvent-ils seulement ? Ce n’est pas sûr. Des années passées à grimper à l’échelle glissante et malodorante du pouvoir leur ont appris à aveugler leurs troupes et à s’en aveugler eux-mêmes. Et si par miracle leurs yeux se décillaient, que constateraient-ils ? Et si, de plus, leurs sens autres que celui du lucre se réveillaient, quelles nausées les prendraient à découvrir les dégâts dont ils sont responsables !

Et maintenant ? Maintenant, rien. Rien que le bla-bla habituel, les compromissions de couloirs, les plans de serpents qui se mordent la queue, en espérant que ce soit la leur, et autres déclarations à dix balles. Car rien ne sera réglé et l’étouffoir retombera sur le pays, comme le dernier des masques miraculeux qui doivent débarrasser la Terre de tous les microbes ou virus présents, passés et à venir. On rêve. Non, on cauchemarde, mais on continue.

Car les questions sont claires : comment évaluer ce programme de  retraite ? Comme toutes les mesures il ne peut pas être tout bon ou tout mauvais. S’il renferme bien plus de bon que de mauvais, il faut l’appliquer. Dans le cas contraire, le mettre à la poubelle. Car s’embarquer dans des négociations pourries d’avance serait, encore comme trop souvent, continuer le jeu malsain de relations entre le pouvoir et les syndicats.

LE JEU EST MALSAIN, PROFONDÉMENT MALSAIN

Pourquoi dire que ce jeu est malsain ? Non que des négociations doivent être à rejeter dans l’absolu, mais parce que les “Frances” gouvernementales et les syndicales vivent depuis trop longtemps dans une relation conflictuelle. Les occupants de la première sont pétris de leurs misérable toute-puissance et de leur orgueil nauséabond, et les aboyeurs de la seconde, les syndicalistes dits « représentatifs » oscillent entre l’aube rêvée du grand soir et la poursuite d’une base qui leur échappe toujours, en dépit de quelques défilés tonitruants.

D’ailleurs, qui est vraiment représentatif ? Un président élu avec un score de 38% des inscrits ? 38%, c’est un pourcentage qui ne permet pas de prendre une décision dans la moindre des sociétés s’en tenant aux statuts généraux sur les décisions ordinaires et encore moins extraordinaires. Voilà sur quelles jongleries ce président nous bassine. Et ce ne sont que des chiffres. Ajoutons sa malfaisance coupable, soit par inféodation aux technocrates non élus de la Commission européenne, soit par ses ingérences néfastes dans la politique énergétique de la France, et autres incompétences. N’y a-t-il pas perdu tout statut présidentiel véritable ? Ah, j’oubliais. Il tient à « emmerder ces Français » représentatifs de ce pays « sans culture ».

Quant aux capacités représentatives des centrales syndicales, combien pèsent-elles dans un pays qui compte moins de 10% de syndiqués (en ratissant largement) dont la majorité de fonctionnaires, ce qui, quoi qu’on en dise, fausse gaillardement le tableau ?

J’en reviens donc au fond. Les chiffres ne doivent pas nous aveugler. L’essentiel est l’incomptable de ce jeu de dupes. Il tient en peu de mots : l’association des technocrates, énarques et autres faux dieux qui se prennent pour Jupiter et autres habitants de l’Olympe est mortelle pour la France. Encore, les dieux grecs descendaient-ils parfois de leur vénérable sommet pour se mêler aux hommes… et à quelques femmes. Quand notre Jupiter descend à Saint Barth, ça n’a pas la même allure… Quant aux syndicalistes de haut rang, agitateurs d’idéaux inaccessibles, ils enfument autant le reste du pays que les pauvres militants de base pour qui je conserve un certain respect.

QUELQUES CONCLUSIONS BASIQUES

D’où ma première conclusion : il nous faut un président qui ne soit pas la marionnette d’une quelconque van der Leyen (autre nom au choix) et qui s’accroche autant à l’histoire de la France forte qu’à l’avenir incertain dont elle doit remonter la pente, tout en conservant son identité psychologique bien différenciée. Macron et ses équivalents en sont incapables, psychologiquement, structurellement, viscéralement incapables.

Deuxième conclusion : il nous faudrait un syndicalisme à l’allemande : non systématiquement opposé, non agitateur professionnel de grèves, mais associé à la bonne marche de l’entreprise, sur de longues distances, agissant en conseiller de terrain, avec l’écoute attentive du patronat, l’une et l’autre parties se donnant le temps de nourrir des plans à long terme. Et si, dans ces conditions, aucun accord n’apparaît, alors la grève s’impose, comme cela a été le cas en 2022, mais surtout pour des questions salariales liées à l’inflation récente.

Troisième conclusion : il faudrait que les Français se réveillent pour examiner des faits au lieu de brailler, brouillonner, avant de se faire berlurer systématiquement.

Quatrième conclusion : il n’est pas interdit de rêver, alors, je ne m’en priverai pas pour examiner plus spécifiquement le problème de la retraite dans un prochain article.

Antoine Solmer