La droite la plus bête du monde ! Cette expression est ressortie récemment des placards, mais pas assez souvent, compte tenu de la réalité. Peut-être parce que les jeunes générations n’y comprendraient rien. Et les plus vieilles non plus, tant le Français est oublieux de son histoire, même pas trop ancienne. Enfin, il faut bien que Geocortex.site serve à quelque chose. Donc, je reviens sur cette expression. Pour être correct, il faudrait lui ajouter un pendant consacré à la Gauche. La plus conne ? Ou la plus agressive ? Ou les deux ? Je sèche. À vous de répondre.
PARTONS DE CONSTATIONS FONDAMENTALES. D’ABORD : LA BÊTISE !
En 1957 le gouvernement de M. Guy Mollet tombe. Fin 1957, il explique cette chute par la non-réalisation d’un projet d’alliance avec la droite du moment, qui aurait pu, selon lui, faire obstacle à une poussée bolchevique. Il lance son apostrophe sur « la droite la plus bête du monde. » Il la réitère, l’explique. Reprenons-en quelques points. « L’attitude de la droite française, actuellement, dans tous les domaines, sur le plan de la politique intérieure comme sur le plan de la politique extérieure, en prenant cette attitude nationaliste idiote […] lui est néfaste (1) ». Il en rajoute :
« Cette droite commet des fautes telles qu’elle peut être la responsable de la chute d’un régime parlementaire, qu’elle peut être responsable d’un succès bolchévique certain. Alors quand je dis qu’elle est la plus bête du monde, au fond je suis bien bon à son égard ».
Il y associe le patronat français, le qualifiant de « fourrier du communisme » par son refus d’un meilleur rapport avec les travailleurs.
Des réactions multiples, dont celle de Marcel Boussac pour le patronat, ajoutèrent au succès de la formule, qui a survécu au temps, par reprises autant que par contrefaçons : « la gauche la plus bête du monde ».
Concernant cette dernière version, citons le livre de Georges Guille de 1970 dont le titre est De l’unité socialiste, et dont le sous-titre, bien que tronqué, reste parlant : La Gauche la plus bête… ?
Son avant-propos est clair : Georges Guille y « hurle » son désespoir :
« Mais à qui parler ? Comment et où se faire entendre ? Or, j’en ai assez ! Comme beaucoup d’autres, et après eux, j’ai passé ma vie à combattre pour le Socialisme. Par delà mes enthousiasmes de jeunesse, il m’apparaît aujourd’hui plus vrai, plus nécessaire, plus imminent que jamais. Même s’il m’arrive parfois de douter que les hommes en soient bien dignes. […] Pourquoi tairais-je mon écœurement ? Et pendant ce temps les forces socialistes, authentiquement socialistes, dont le premier devoir est de s’unir, troublées, découragées, tiraillées à hue et à dia, dispersées, morcelées, pulvérisées, passent leur temps à s’entre-déchirer, se perdent en palabres interminables et vaines dont se gargarisent de modernes intellectuels distingués, de suffisants technocrates et des révolutionnaires de salon. »
Il arrive que la formule évolue, que le monde se restreigne à l’Europe.
Sous le titre La droite française la plus bête d’Europe, apparaît une tribune collective publiée sous l’égide d’Éric Zemmour (2). On peut y lire : « Combien de temps encore la division des électeurs de droite va permettre à la gauche pourtant minoritaire, d’imposer ses vues et ses thèmes dans le débat public français ? Les signataires estiment que « La droite française n’est pas condamnée à la bêtise… »
Nous pouvons trouver çà et là d’autres exemples, dans des livres, articles, ou déclarations, dont certains plus acerbes. Le point fondamental reste : sous l’appellation estampillée bêtise, se dévoile un appel à une certaine concertation, si ce n’est à une unité dont on sait depuis quelques siècles qu’elle n’est pas la caractéristique des coqs gaulois.
Cette concertation souhaitée, à défaut d’union, a le mérite de pointer vers une des caractéristiques du mal français, avec l’espoir qu’un jour…
Si la formule choc de Guy Mollet n’a pas disparu des mémoires, que faut-il en penser ? La réponse varie selon le degré de pessimisme des uns et des autres, les circonstances du moment, et la qualité de ceux à qui elle s’adresse. Car Droite et Gauche occupent des positions adversaires, sinon ennemies.
Faut-il imaginer – espérer ou craindre – qu’une union soit plus facile du même côté de la barricade ? Rien n’est moins sûr. Nous en démontrerons les difficultés au fil de cet essai, où nous poserons – cela dût-il contrarier le sens commun – les avantages d’un accord par-dessus la barricade.
DEUXIÈME CONSTATATION : L’INTELLIGENCE EST À GAUCHE
Ayant évoqué plus haut les « bêtises » stigmatisées par M. Guy Mollet ou d’autres, et leur interprétation profondément politique, il nous faut revenir sur l’intelligence de la Gauche.
En lisant des auteurs de Gauche, nous ne pouvons qu’être séduits par leur intelligence. Remarquons qu’elle est essentiellement discursive avant d’être pratique, et que ses envolées ou ses fulgurances consistent essentiellement à valider leurs courses aux bourbiers dans lesquels ils ont mené le troupeau, enlisé jusqu’à s’épuiser pour en sortir, mais à quel prix ! Sauf si…
Il est normal que la Gauche ait affûté son intelligence à ce jeu malsain. Il en faut de l’intelligence, et de la gouaille de camelot expérimenté pour vendre à grand prix des rossignols déclassés depuis des lustres, des contre-vérités « les yeux dans les yeux » et autres séances d’hypnotisme social, comme dans un théâtre de Grand-Guignol où tout devrait porter à s’horrifier ou à éclater de rire.
Il en faut de la patience, de la persévérance, des discours bien rodés, des « barons » du bonneteau politique, des compagnons de route rompus aux arts de la « chansonnette », pour mener à la Mort les troupeaux humains. La prestidigitation nous étonne toujours, alors que nous savons très bien qu’il y a « un truc ». Nous sommes de grands enfants facilement menés par les joueurs de flûte de Hamelin ou d’ailleurs. Mais rappelons-nous : les enfants qu’ils entraînent dans leurs danses vont à la Mort.
La Gauche nous offre une falsification du passé et du présent, pour nous offrir un demain de carton-pâte. L’horizon est son royaume, celui qu’on n’atteint jamais.
Et la Droite, jouant de définitions plus rigoureuses, sur des démonstrations ennuyeuses, décrivant le réel, a du mal à remplir ses salles et à garder les spectateurs jusqu’au terme du spectacle, surtout quand ce réel a été gâché par la Gauche, et que, finalement, personne n’aime entendre annoncer des catastrophes, encore moins lorsqu’elles approchent à grands pas audibles et visibles. La Guerre de Troie n’aura pas lieu selon le titre antiphrase de Giraudoux, et Cassandre aura le sort qu’elle ne méritait pas. Si tel n’avait pas été le cas, les Dieux de l’Olympe auraient perdu une occasion de s’esbaudir.
Mais nous verrons plus loin, combien cette présentation est aussi fallacieuse que vraie. Il nous suffira d’en montrer l’envers du décor.
Antoine Solmer
PS : Malgré les apparences, ce texte n’est pas lié au récent dégoupillage de grenade du dégoût-pilleur actuel. Il été écrit avant le dégoupillage du Covid, comme présentation d’un ouvrage que vous pourrez lire un de ces jours, si les petits cochons ne me mangent pas, et si un éditeur hardi s’en mêle.
Vous êtes donc des lecteurs privilégiés. Et si vous avez quelques commentaires à ajouter, ne vous en privez pas.
(1) https://www.lours.org/histoire-la-gauche-la-plus-bete-du-monde-retour-sur-lorigine-de-la-formule-et-ses-usages-1957-2020-par-arnaud-dupin/
(2) Le Figaro, 1er mai 2023.

