À PROPOS DE L’HOMME, CET INCONNU

« Nous commençons à sentir la faiblesse de notre civilisation. Beaucoup aujourd’hui désirent échapper à l’esclavage des dogmes de la société moderne. C’est pour eux que ce livre a été écrit. Et également pour les audacieux qui envisagent la nécessité, non seulement de changements politiques et sociaux, mais du renversement de la civilisation industrielle, de l’avènement d’une autre conception du progrès humain. »

Les lignes qui précèdent se trouvent en préface du livre d’Alexis Carrel, L’homme, cet inconnu, paru en 1935. Quatre ans plus tard éclatait la Deuxième Guerre Mondiale, deuxième épisode de la plus grande guerre civile européenne, avant la dilacération finale concoctée par l’Union Européenne aux mains d’une Van der Leyen et consorts. Autant dire qu’Alexis Carrel avait vu plus que juste en ce qui concerne la nécessité de changements drastiques, bien différents de ceux que nous vivons actuellement.

Il s’adressait « à tous ceux dont la tâche quotidienne est l’éducation des enfants, la formation ou la direction de l’individu… à chaque homme et à chaque femme. »

Il y associe une connaissance large de la politique non politicienne, mais des démarches fumeuses dont nous voyons les conséquences : « Aucune civilisation durable ne sera jamais fondée sur des idéologies philosophiques et sociales. L’idéologie démocratique elle-même, à moins de se reconstruire sur une base scientifique, n’a pas plus de chance de survivre que l’idéologie marxiste. Car, ni l’un ni l’autre de ces systèmes n’embrasse l’homme dans sa réalité totale. »

L’homme dans sa réalité totale. Voilà une belle formule, à méditer par les médecins spécialistes de la narine gauche, par les économistes déjantés (version vendeur d’Alstom) et autres conseils nationaux du grand foutoir macroniste. Pardon pour ceux que j’oublie. Il y en a trop. Ça déborde !

Je mettrai tout de suite un bémol, ou plutôt je passerai en mode mineur sur la ferveur que le docteur Alexis Carrel entretient envers la « science médicale », car la « science » mise à toutes les sauces nous plonge dans un bouillon imbuvable. Bien entendu, le Dr Carrel parlait depuis son élévation humaniste, ce qui ne l’empêchait pas de voir les grenouillages méphitiques du marigot. Témoin, cette phrase : « Considéré ainsi de façon concrète, il [l’homme] diffère profondément de l’être abstrait construit par les idéologies politiques et sociales. C’est sur cet homme concret, et non plus sur des abstractions, que la société doit s’édifier. L’unique route ouverte au progrès humain est le développement optimum de toutes nos potentialités physiologiques, intellectuelles et spirituelles. Seule cette appréhension de la réalité totale peut nous sauver. Il faut donc abandonner les systèmes philosophiques, et mettre toute notre confiance dans les concepts scientifiques. »

Et pour enfoncer le clou : « … l’anatomie, la chimie, la physiologie, la psychologie, la pédagogie, l’histoire, la sociologie, l’économie politique et toutes leurs branches, n’épuisent pas leur sujet. L’homme que connaissent les spécialistes n’est donc pas l’homme concret, l’homme réel. Il n’est qu’un schéma, composé lui-même des schémas construits par les techniques de chaque science. »

Et d’un clou à l’autre : « On dirait que la civilisation moderne est incapable de produire une élite douée à la fois d’imagination, d’intelligence et de courage. Dans presque tous les  pays, il y a une diminution du calibre intellectuel et moral chez ceux qui portent la responsabilité de la direction des affaires politiques, économiques et sociales. »

Je renvoie volontiers ce texte à celui cité par Claude Henrion dans un article récent, extrait de Jean-Christophe, de Romain Rolland.

Si bien que le Dr Carrel se fait prophète politique : « Les grandes démocraties se trouvent en face de problèmes redoutables qui intéressent leur existence elle-même et dont la solution est urgente… Les êtres humains n’ont pas grandi en même temps que les institutions issues de leur cerveau. Ce sont surtout la faiblesse intellectuelle et morale des chefs et leur ignorance qui mettent en danger notre civilisation. »

Ce trop bref panorama de la pensée d’Alexis Carrel pourrait faire croire à un esprit chagrin, témoin et lanceur d’alerte, ce qui n’est déjà pas mal. En réalité, il posait les bases d’une nouvelle école de pensée, étudiée, réfléchie, organisée par des hommes de valeur, à destination de chacun de nous. Ces hommes de valeur, il en donne une image anticipatrice avec des règles de conduite. Nous les découvrirons dans un prochain article.

Antoine Solmer