D’UN TRAVAIL À L’AUTRE, ET D’AUTRES TRAVAUX

Sous le titre « La France est-elle vraiment entrée en agonie » le général Roland Dubois a signé sur Boulevard Voltaire une fière tribune, aussi fière que proche du désespoir. Je reprends quelques-unes de ses remarques, dont l’une des plus terribles et émouvantes, qui nous prend aux tripes.

« Je pleure de voir mon pays accepter avec résignation son naufrage dans la médiocrité, la paresse, la lâcheté et l’anarchie que le laxisme de nos dirigeants, de quelque bord qu’ils soient, laissent se développer depuis des dizaines d’années. Car, dans ce pays, la veulerie se drape dans la toge des bons sentiments. Ce qui ne nuit pas à notre propension à donner des leçons au monde entier, bien au contraire ! »

Avouons que pour un général (deuxième section), un tel bilan de carrière n’est pas celui que quiconque pourrait souhaiter ; non seulement le principal intéressé, mais surtout le reste de la nation, car c’est d’un enjeu national qu’il s’agit, et d’un diagnostic pré-mortel. Si le terme agonie a un sens, c’est le moment où jamais de le détailler. Il s’agit d’un travail, un peu particulier qui est celui de la mort en marche, et bientôt victorieuse des quelques souffles de vie restant. Remarquons au passage, que le mot travail nous tient entre ses pinces, que ce soit à notre apparition sur Terre, par le travail de l’accouchement, jusqu’au travail final dont nous venons d’évoquer le terme spécifique. Entre les deux, encore du travail. L’humain n’en finit pas de travailler, et les retraites qui ont fait couler tant d’encre, sont des intermèdes (souvent, mais pas toujours bienvenus) entre le début et la fin.

Le général Dubois évoque les hommes qu’il faut « éduquer… instruire… informer et… guider ; ce que depuis longtemps on ne fait plus guère ou mal. Mais je ne pense pas qu’il faille chercher à les changer. » Comme les communistes et gauchistes de tout poil (de chameau, de belette ou de rat) doivent haïr cette phrase, eux qui ne cessent de poursuivre ce terrible rêve qui fut le cauchemar des sociétés dont ils avaient pris les rênes. De génocide vendéen ou de type Shoah, en Holodomor, en goulags, en homo sovieticus et autres, les victimes se comptent par dizaines de millions, qui y pensent toujours. Pourtant, leur agonie reste le paradis indépassable de l’éternelle Gauche, qui y travaille sans cesse. Il y a des travaux qui en mériteraient d’autres, bien forcés, et ad vitam aeternam.

Quant aux responsables, le général Dubois n’y va pas avec le dos de la cuillère. « Je ne discerne pas, dans les gens qui nous gouvernent depuis longtemps, la lucidité de distinguer les dangers majeurs qui nous menacent : l’invasion islamique, qui porte en elle la disparition de notre civilisation puisque nous sommes impuissants à intégrer ses membres, et son corollaire l’insécurité, les excès de l’État moloch et des collectivités locales boulimiques dont le poids financier plombe les comptes de la nation et ceux des contribuables, la toute-puissance des syndicats et de la presse qui entraînent nos élus et nos responsables à tourner au gré des vents dominants comme des girouettes bien huilées. »

Ici encore, comment le contredire, sauf à appartenir au clan des apparatchiks décérébrés, si méprisants, si « emmerdeurs » et si « funestes » ?

Après un défi de taille : « L’urgence de renouer avec le courage et la sagesse », dont je vous laisse lire les détails sur l’article cité, la situation souhaitée est de nature à nous faire sourire, surtout après ce que le général et votre serviteur pensent  du fait de vouloir changer les hommes. Le voici qui, étant « peut-être […] en train de rêver, diagnostique qu’il nous faudrait  « des hommes nouveaux, animés d’un esprit nouveau… »

Mais la contradiction n’est qu’apparente, entre les catastrophes attendues des changements d’hommes par les forces tyranniques de la Gauche, tous modèles confondus, et le souhait du général. Des hommes nouveaux, ce sont des hommes à naître – encore du travail d’accouchement en perspective – et cet esprit nouveau, c’est au meilleur de notre fond ancestral qu’il faut le retrouver. Ne craignons point de le dire : il faut être, penser et vivre en conservateur national, donc, avancer comme en escalade : toujours assurer trois prises pour en trouver une quatrième. Toute dérogation à cette règle augmente le risque de chute mortelle.

Alors, je pense à ce général nous délivrant ce terrible message : « La France est-elle vraiment entrée en agonie ? » Cette profession de foi aussi émouvante que raisonnée, résonne en ma mémoire de noms qui m’ont enchanté.

Sur Le rivage des Syrtes, le jeune Aldo, représentant et quelque peu espion de la vieille cité d’Orsenna, portera l’estocade finale au vieux capitaine Marino, et la guerre pendante depuis trois siècles ne demandera qu’une étincelle pour se rallumer. Plus personnellement tragique, Le désert des Tartares, habité par la longue attente du jeune lieutenant Giovanni Drogo qui, devenu général, sera soustrait à son rêve de toujours.

Julien Gracq et Dino Buzatti nous ont offert ces lieux mystérieux où des destins se révèlent ou s’épuisent. Ces deux livres sont de longues incandescences de personnages aux portes de leur guerre. Et je ne peux terminer cet article sans évoquer Jacques Brel qui accomplit le tour de force de résumer et de sublimer ce Désert des Tartares, en une seule chanson : Zangra.

Ne manquez pas de l’écouter, aussi souvent que nécessaire, jusqu’à sa terrible fin :

« Et l’ennemi est là, je ne serai pas héros. »

Je crains fort que le temps des héros, pour nous, soit dépassé. Et l’ennemi est là !

Antoine Solmer

 

[Point de vue] La France est-elle vraiment entrée en agonie ?

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