QUE S’EST-IL PASSÉ LE 5 JUILLET 1962 À ORAN ?

2021 07 05 AU QUAI BRANLY
2021 07 05 AU QUAI BRANLY

Parmi les oublis de l’actualité de ce mois de juillet, brille en grandes lettres effacées, le souvenir des massacres d’Oran le 5 juillet 1962. Je pourrais en parler directement, mais mieux vaut laisser s’exprimer l’historien Jean Monneret. Il fut l’organisateur, parmi d’autres, d’une cérémonie du souvenir qui eut lieu avant-hier, 11 quai Branly à Paris, au monument composé de trois colonnes sur lesquelles défilent les noms des victimes.

Une plaque y rappelle que  : « La Nation associe les personnes disparues et les populations civiles de massacres ou d’exactions commis durant la guerre d’Algérie (1954-1962) et après le 19 mars 1962, en violation des accords d’Evian, ainsi que les victimes civiles des combats du Maroc et de Tunisie, à l’hommage rendu aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord. ».

ALLOCUTION D’OUVERTURE PAR JEAN MONNERET

Chers Compatriotes, Chers Amis,

Nous commémorons les victimes du massacre perpétré le 5 juillet 1962 à Oran, 48 heures après la proclamation de l’Indépendance de l’Algérie. Nous y associons toutes les victimes du terrorisme durant le conflit algérien et les harkis sciemment abandonnés.

Longtemps, les victimes massacrées à Oran furent ignorées. Comme les civils enlevés victimes du terrorisme du FLN et les nombreux disparus, 373 avant le 19 mars 62 ; quelque 1700 après cette date.

Nous avons eu d’énormes difficultés à faire reconnaître ces victimes, ces enlèvements, ces massacres. Je vais essayer de dire pourquoi.

Mais auparavant, constatons ici qu’en 60 ans nous avons obtenu certains succès.

Rappelons-nous 1962. Comment d’ailleurs pourrions-nous l’oublier ?

Le contexte politique était horrible.

Les Pieds-Noirs avaient été globalement stigmatisés, collectivement rejetés. Comment pourrions-nous oublier que nous fûmes reçus à bras fermés ? (pour reprendre le mot de Brassens).

Très vite, les médias firent du FLN qui nous avait chassés « une vache sacrée », des « libérateurs » ! L’accuser de terrorisme, c’était se ranger dans le camp des mal-pensants, des réacs, des affreux. A l’Université hélas, on trouva une multitude de gens pour expliquer que « la violence révolutionnaire » était la seule voie possible pour combattre l’oppression « coloniale ». Franz Fanon devint l’icône des progressistes.

Dans ce contexte odieux et qui n’a encore que modérément changé, se battre pour faire comprendre que durant le conflit algérien, il n’y a pas eu seulement des victimes du fait de l’Armée française relevait de l’exploit. Or, des victimes il y en eut dans tous les camps et dans toutes les communautés, et souvent, très souvent, parmi des civils innocents.

OUI, dire cela relevait de l’exploit .

Or, cet exploit a été accompli. Depuis 60 ans et grâce à la ténacité et au courage remarquables de certains parents de victimes, cette lutte n’a jamais cessé et nous avons obtenu des réussites.

Mais auparavant, autorisez-moi à rappeler que ce combat fut grandement appuyé et facilité par le Général Maurice Faivre, historien militaire récemment décédé et par Monseigneur Pierre Boz lui aussi rappelé à Dieu, qui avait vécu le 5 juillet à Oran. Nous leur devons beaucoup.

Un tournant s’est en effet opéré durant les années 90 quand plusieurs historiens de qualité nous ont rejoints. Ceci et l’ouverture des archives militaires permirent de sortir plus nettement de la ghettoïsation. Les travaux du Professeur Pervillé, ceux de J.J. Jordi ont permis de surmonter les approximations et le maniement inconsidéré de chiffres fantaisistes. Il faudrait également citer la contribution du regretté Daniel Lefeuvre, celle d’Olivier Dard et du journaliste Jean Sévillia.

Rappelons que trois livres ont été consacrés au massacre du 5 juillet à Oran : ceux de Guy Pervillé, de Guillaume Zeller et de votre serviteur. Un DVD de Claire Feinstein fut consacré au problème des civils européens victimes d’enlèvements. Un film de Jean-Charles Deniau produit par Georges-Marc Benamou a été diffusé à plusieurs reprises sur FR3. Un grand article sur le 5 juillet a été publié par FigaroVox aujourd’hui, en ce jour anniversaire.

En matière d’archives, un guide a été confectionné pour les historiens et les chercheurs. Nous avons veillé à ce qu’y figurent les centres d’archives consacrés aux civils disparus et aux harkis. Nous avons obtenu que ce monument ici même, contienne, vous le savez, une liste de civils enlevés et portés disparus. C’est celle du Ministère des Affaires Étrangères mais rationalisée et rectifiée par J.J. Jordi. Aujourd’hui une liste complémentaire de 193 personnes inhumées vient d’y être ajoutée.

Nous espérons beaucoup que cette liste de Jordi finira par prendre place sur le site même du Ministère des A. Étrangères.

Enfin, aujourd’hui, une gerbe du président de la République sera déposée en commémoration de cette date funeste du 5 juillet. Oui, les choses changent et grâce à nos efforts. Et nous continuerons le combat, soyez-en assurés.

La Justice, la Vérité, l’Histoire le commandent.

EN TANT QUE TÉMOIN

Je reprends ici mon rôle de témoin et commentateur.

La photo d’illustration montre Jean Monneret, lisant, et Jean-Félix Vallat qui prendra ensuite la parole. Vous retrouverez plus d’informations sur le blog de Jean Monneret dédié à ce 5 juillet.

En ce qui concerne la gerbe déposée au nom du président de la République. Il faudrait s’en réjouir si elle était suivie d’effets forts, poursuivie par une politique forte, réelle et juste. Cela aurait pu être le cas, si ce président n’était pas l’obsédé du “en même temps”. Ce qui nous ramène au plus évident de sa politique envers l’Algérie : un “à plat ventrisme” de bas étage.

Mon commentaire est indépendant de toute parole entendue pendant cette manifestation, mais dépendant de la réalité politique.

A. S.