DES SOURIS ET DES HOMMES (3)

SUFFRAGETTES
SUFFRAGETTES

DÉJÀ LES SUFFRAGETTES

Le site dont mes deux précédents articles vous ont entretenus est très bien fait, c’est même du travail de pro. Forcément ! Car les enjeux sont de taille. On ne se lance pas dans une tentative de subversion pareille avec du papier brouillon et des vieilles photos en noir et blanc. Mes compliments vont aussi aux rubriques, en particulier aux plus pratiques. J’ai déjà parlé de celles où l’on vous prend par la main pour expliquer les subtilités des « pronoms personnels ». C’est très gentil… à condition de ne pas oublier qu’une fausse manœuvre pourrait être assimilée à du harcèlement. Mais comme les explications sont complètes, avec des exemples en situation, puisqu’on vous explique la mise en pratique, et même la reconnaissance de vos erreurs en cas de « mauvais usage », et aussi comment vous devez pratiquer les bonnes excuses, tout le chemin est balisé. Si bien balisé que vous n’aurez aucune excuse si vous dérapez. Au « nous vous avions prévenus » succèdera immanquablement la plainte. Et si ce n’était que cela, le bannissement social, armé des meilleurs juges (disons les plus compréhensifs ».

Tout cela nous force à réfléchir. Un bon bout de chemin a été fait depuis les suffragettes, tant européennes que britanniques ou américaines. Si ces dames redressaient fièrement la tête, elles n’omettaient ni de la couvrir d’un de ces fantastiques chapeaux, ni de porter des jupes dont la longueur ferait frémir nos jeunes filles contemporaines. Rassurons-les, certaines ajoutaient un pantalon sous la jupe. Officiellement il n’était question que de droit de vote et autres questions d’égalité entre les hommes et les femmes pour ces manifestations civiques. Encore que…

Reconnaissons qu’aujourd’hui, ces suffragettes paraîtraient « ringardissimes ». Toutefois, elles portaient en germe des revendications multiples dont certaines, alors faiblement exprimées, sont devenues des « armes de destruction massive d’une société ». Je reprends volontairement cette expression qui nous ramène à la guerre d’Irak et aux affirmations « un peu exagérées » (pour ne pas dire parfaitement mensongères) de l’administration Bush.

RETOUR AUX POUPÉES MÉCANIQUES

J’ai regardé attentivement les mises en scène de personnages qui illustrent les discours des de ces porteurs de « pronoms personnels » alambiqués. Je vous invite à les écouter. Plus encore à les voir (1).

Qu’y retrouve-t-on ? Ces films présentent des visages en « plan rapproché poitrine ». Cette technique permet au spectateur de se concentrer sur le visage, les expressions, la psychologie du sujet filmé. Une sorte d’intimité artificielle est créée. Elle est renforcée pour trois des films par le fond général d’à-plats aux couleurs pastellisées qui vont jusqu’à un beau gris. La lumière crée un dégradé qui met en valeur les visages, lesquels occupent le milieu du cadre. Le sujet est ainsi proche de nous mais dans son monde de couleurs peu ordinaires, tout en étant « lumineux ».

Le quatrième film, plus animé, présente aussi un petit « bêtisier », avant de redevenir « sérieux ». Les personnages retrouvent une vie sociale sous-tendue par le fond : jardin, fleurs, grands buildings. Les visages trouvent un autre équilibre, autour du milieu de la scène, variable, qui ajoute de la vie, un côté « reportage sur le vif ». Tout cela est du vrai professionnalisme qui sait se faire oublier. Nous devenons attentifs, nous sommes prêts à de la belle information, à la séduction, jusqu’à la désinformation.

Les discours sont plus ou moins clairs, mais répètent en boucle les thèmes principaux. Leurs points communs : ne pas être « binaire », affirmer son identité réelle par l’usage de ces pronoms que j’appellerai « classiques redistribués » (he et she), sinon par les pronoms de genre neutre, dont j’ai décliné une partie de la liste précédemment. Comme l’explique l’une des personnes : « dans mon cas, les pronoms sont “they and their”, et cela n’est pas négociable. »

Quant au genre, c’est une entité à expansion variable. L’un (peut-être) déclare : « Je ne suis pas binaire, je n’ai pas de genre. » L’autre affirme : «  Les genre est un univers, un large spectre de planètes et d’étoiles et de ciel qui ne peuvent véritablement être contenus dans un binaire. » Entre ces deux extrêmes, tout devient possible, modulable, réversible, de l’unité à la pluralité extrême.

Reviennent aussi les notions de respect et de validations de leur identité profonde quand ils sont appelés par leur(s) pronom(s) personnel(s). Si certains affichent une sorte de patience, de compréhension, voire d’enseignement envers ceux qui useraient de « misgender 2», d’autres affichent des comportements plus directement agressifs plongeant dans des ressentis douloureux (« être volé de son identité ») ou sexuellement dirigés (« masculinité toxique ») l’ensemble pouvant déboucher sur une qualification légale ou para-légale selon laquelle le «  misgender est un acte de violence, involontaire ou pas. »

Finalement, une pancarte nous est directement adressée : « Les organes génitaux (version douce) ne font pas le genre. »

Toutes sortes de visages prononcent ces phrases, où se dessinent, comme pour tout échantillon, des exemples de personnalités : le béat inspiré, le mal-dans-sa-peau, le revendicatif, l’expressionniste, le gentil-qui- veut se faire entendre, etc. 

POURQUOI DES « POUPÉES MÉCANIQUES »

Instinctivement, les visages me sont apparus comme des copies d’humains. Peut-être la qualité de la production y est-elle pour quelque chose. À force de trop vouloir nous « faire voir et faire comprendre, sinon nous attacher » un certain recul devient instinctif. Le prosélytisme masqué par la confession ou l’argumentaire trop « léché » oblige à la prise de distance.

Poursuivant mon cheminement intellectuel l’image d’Olympia, la fille-poupée du professeur Spalanzani des Contes d’Hoffman s’est imposée. J’avais assisté il y a bien longtemps à cet opéra fantastique et une forte impression m’en était restée, que j’ai quelque peu travaillée. Pour ce qui concerne la sujet du jour, je rajoute seulement deux éléments spécifiques au thème fondamental et multi-exploré de la création par l’homme de l’automate humanoïde. (Aujourd’hui nous parlerions de robots ou de transhumanisme).

Le premier point concerne le nom du professeur Spalanzani : il est l’homonyme presque exact à une lettre près ,(le l) du professeur et abbé Lazaro Spallanzani, qui découvrit (entre autres) la nécessité de la réunion entre spermatozoïdes et ovule pour la fécondation. Nul besoin d’être un psychanalyste engagé ou enragé pour avancer quelques hypothèses sur ce « hasard d’appellation ».

Le second point concerne les yeux d’émail de la poupée animée Olympia, créés par Coppélius. Celui-ci présente aussi une paire de lunettes permettant à leur porteur de prendre la poupée animée Olympia pour une vraie femme.

Pour être plus juste, ce n’est pas Olympia qui aurait dû attirer mon attention, mais Antonia, la protagoniste de la deuxième histoire des Contes d’Hoffman. Celle-ci est atteinte d’une maladie qui deviendra mortelle si elle chante au mieux et au plus fort de ses capacités. Bien sûr, la tentation sera trop forte et la mort inéluctable.

Il s’agit de comprendre ici (de façon encore plus claire que pour l’Olympia du premier acte, que l’atteinte des aigus extrêmes par les voix humaines (les sopranos légers) rend la diction peu compréhensible, car elle s’efface devant la mélodie. Écoutez l’exceptionnelle Mado Robin dans « l’air des clochettes » de Lakmé pour en avoir une représentation 3.

Que chacun en tire ses propres conclusions ou questionnements.
En voici une première : Il existe des gens qui clament si haut leurs affirmations que celles-ci s’y perdent dans un brouillard de mots et une confusion de sens. Et quand l’esthétique forcée jusqu’à la laideur s’y ajoute…

Antoine Solmer

À suivre…

1 : https://pronouns.org/resources

2 : utiliser un pronom ne correspondant pas à celui ou ceux qui sont censés correspondre à leur identité réelle.

3  : https://www.youtube.com/watch?v=SWYOTUzmD6k