COMPTES DE NOËL : BILAN (PROVISOIRE) DE LA CHRISTIANOPHOBIE DANS LE MONDE

Illustration : Des croyants allument des cierges à l’intérieur de l’ancien monastère de Davidank, dans le Haut-Karabakh, le 24 novembre 2020 (photo : Stanislav Krasilnikov/TASS)
Illustration : Des croyants allument des cierges à l’intérieur de l’ancien monastère de Davidank, dans le Haut-Karabakh, le 24 novembre 2020 (photo : Stanislav Krasilnikov/TASS)

En cette pré-veille de Noël, je ne peux passer sous silence l’éditorial de Valérie Toranian dans La Revue des deux mondes. Je rappelle que cette revue trop oubliée fut fondée en 1829, et qu’elle porta longtemps des messages « liminaux » de diplomates affirmés. C’était au temps où la France était grande. Il y a vraiment longtemps.

C’est dire que le flambeau porté par Valérie Toranian doit continuer à nous éclairer. Et tant pis si, cette semaine, malgré la lumière dont nous attendons la naissance, il faut savoir dépasser les contes pour examiner les comptes du jour.

Voici cet éditorial

« Combien de chrétiens fêteront Noël cette année ? Moins que l’année passée. Et de moins en moins chaque année. 260 millions de chrétiens subissent des persécutions dans le monde en Asie, en Afrique, en Orient et en Europe. À l’heure où l’on dénonce à grands bruits l’islamophobie, il n’est pas inutile de rappeler quelques chiffres.

Le nombre de chrétiens tués dans le monde en 2020 dépassera vraisemblablement les 4 000, presque exclusivement des crimes commis par les islamistes, notamment en Afrique. Le nombre de victimes était de 2 985 en 2019. Cette année-là, 3 711 chrétiens étaient détenus dans le monde et 9 488 églises fermées, détruites ou ciblées par des attaques. Dans l’unique Nigéria, depuis 2015, 4 000 chrétiens ont été assassinés par Boko Haram, dont 500 prêtres exécutés dans l’État du Borno, principale cible des djihadistes.

La première place du classement des persécutions antichrétiennes est occupée sans discontinuer depuis plusieurs années par la dictature communiste de Corée du Nord où l’on encourage les citoyens à dénoncer les chrétiens considérés comme « hostiles », internés dans des camps et parfois exécutés. En Afghanistan et en Somalie, respectivement au deuxième et troisième rang du classement, les chrétiens, généralement des musulmans convertis, sont passibles de mort car apostats. Au Pakistan, les enlèvements et viols de jeunes femmes chrétiennes sont quotidiens. Les menaces d’assassinat visent également tous ceux qui voudraient faire évoluer les lois anti-blasphème. Asia Bibi, condamnée à mort pour « blasphème », a été libérée en 2020 après neuf ans d’emprisonnement grâce à une mobilisation internationale.

« Si personne n’intervient, il n’y aura bientôt plus de chrétiens ici. »

La situation s’aggrave en Afrique subsaharienne, notamment au Cameroun, au Burkina Faso, au Mali, au Niger. « Si personne n’intervient, il n’y aura bientôt plus de chrétiens ici », s’est alarmé Mgr Laurent Birfuoré Dabiré, évêque du Burkina Faso et du Niger. 1,5 million de chrétiens animistes du Soudan ont été tués par les islamistes dans les années 1990-2000, dans l’indifférence générale.

En Chine, où le christianisme s’est secrètement développé au fil des ans, le nombre de chrétiens détenus et d’églises ciblées a été multiplié par 10 en dix ans. À côté de la persécution des Ouïghours, dénoncée à juste titre, n’oublions pas la situation des chrétiens qui se détériore. Toutes les églises sont considérées comme une menace car elles ne cadrent pas avec le concept d’identité chinoise. Des milliers de chrétiens ont été persécutés en Chine ces vingt dernières années. En Inde, dans certains états, notamment l’Uttar Pradesh ultra nationaliste, les crimes visant les chrétiens indiens ont augmenté de 40 % au cours de l’année 2020 : six personnes ont perdu la vie, des femmes et fillettes ont été victimes de viols.

Au Moyen-Orient, la chasse aux « mécréants » s’est accélérée depuis 10 ans. Les chrétiens fuient la guerre et les islamistes pour des cieux plus cléments. En Irak, les chrétiens étaient 1,5 million en 2003, ils sont 200 000 aujourd’hui. Les chrétiens de Syrie sont désormais 700 000 contre 2,2 millions avant la guerre civile. Les coptes continuent d’être persécutés en Égypte, même si le pouvoir combat officiellement les islamistes. Il y a cinq jours, un tribunal égyptien a acquitté trois hommes jugés pour des sévices contre une femme chrétienne copte de 74 ans qui avait été dévêtue et exhibée nue dans son village, à la suite de rumeurs selon lesquelles son fils aurait eu une liaison avec une musulmane. Selon le droit islamique, un musulman a le droit d’avoir des relations sexuelles avec une chrétienne (d’où une grande tolérance envers le viol) mais un chrétien a interdiction d’avoir une relation avec une musulmane.

« Le Karabakh, l’Arménie, tout le monde s’en fout. Comme des chrétiens d’Orient ou d’ailleurs. Ou plutôt non. Défendre les chrétiens vous classe directement dans le camp de la droite, voire de l’extrême-droite. »

Au Liban, le quartier chrétien d’Achrafieh a été entièrement détruit dans l’explosion du port de Beyrouth en août 2020. Le simple fait du hasard ? L’exode des chrétiens va continuer de plus belle dans ce Liban qui s’est autrefois rêvé comme un emblème d’un possible multiculturalisme.

En Turquie, les chrétiens représentaient plus de 30 % de la population il y a cent ans. Ils sont aujourd’hui 0,1 %. Après le génocide des Arméniens, des Assyro-chaldéens, le massacre et l’exil forcé des Grecs pontiques, il ne reste plus rien. Mais cela ne suffit pas à Erdogan qui rêve de reconquérir toutes les anciennes provinces de l’empire ottoman. Et de « finir le travail » avec les Arméniens. Au Haut-Karabakh, en septembre 2020, il a lancé toutes ses forces dans la bataille aux côtés des Azéris, avec djihadistes en première ligne pour supprimer les Arméniens mécréants, vidéos de décapitation à l’appui : des crimes de guerre diffusés comme des épisodes héroïques par les Azéris. Dans cette région du Haut-Karabakh, arménienne depuis l’antiquité, flottent désormais les drapeaux turc et azéri. Les églises et monastères sont menacés. Comme cela a été fait en Turquie après le génocide arménien, on rase les emblèmes de la civilisation arménienne chrétienne pour réécrire l’histoire.

Le Karabakh, l’Arménie, tout le monde s’en fout. Comme des chrétiens d’Orient ou d’ailleurs. Ou plutôt non. Défendre les chrétiens vous classe directement dans le camp de la droite, voire de l’extrême-droite. France Inter n’hésite pas à censurer un spot publicitaire de l’Œuvre d’Orient appelant à soutenir les chrétiens d’Orient. La radio de service public veut bien défendre les déshérités, de préférence s’ils ne sont pas chrétiens. Le chrétien, comme le « juif sioniste », c’est l’expression de la civilisation occidentale, des blancs dominants, de l’impérialisme, du colonialisme. Le camp du bien est en retard d’un siècle. Les persécutés d’aujourd’hui ont souvent le visage de chrétiens. Et la France n’est plus à l’abri.

« Le plus grand tueur de chrétiens, de juifs et de musulmans, c’est l’islamisme. »

Quatre ans après l’assassinat du père Jacques Hamel, égorgé le 26 juillet 2016 dans son église de Saint-Étienne-du Rouvray, l’attentat contre des fidèles de la basilique Notre-Dame de l’Assomption a fait trois morts à Nice, jeudi 29 octobre. Sans oublier l’attentat préparé contre une église de Villejuif, en avril 2015, et l’attentat manqué à la voiture piégée, près de Notre-Dame de Paris, en septembre 2016. C’est bel et bien la France chrétienne qui est visée et non plus le pays des « laïcards » et des caricaturistes. Sept prêtres africains de paroisses du Vaucluse ont reçu récemment des lettres de menaces de mort rédigées en français et en arabe. En 2019, le nombre de faits antichrétiens était de 1 052 en France contre 154 faits antimusulmans et 687 faits antisémites, soit une hausse de 27 % des faits antisémites, due à l’augmentation des menaces. Les insultes proférées à l’encontre de Miss Provence, April Benayoum, sur les réseaux sociaux lors du dernier concours Miss France, nous rappellent à quel point cet antisémitisme reste puissant.

De nombreuses voix s’élèvent à travers le monde pour dénoncer les violences dont les musulmans sont victimes. On ne peut que les soutenir. Mais plutôt que de concentrer leurs attaques contre la France laïque, son président Emmanuel Macron, « malade mental », et l’État français « islamophobe », elles feraient mieux de rejoindre le camp de ceux qui bataillent contre l’islamisme. En quarante ans, le djihadisme a fait plus de 167 000 victimes dans le monde. 122 000 de ces victimes sont des musulmans. Le plus grand tueur de chrétiens, de juifs et de musulmans, c’est l’islamisme.”

Illustration : Des croyants allument des cierges à l’intérieur de l’ancien monastère de Davidank, dans le Haut-Karabakh, le 24 novembre 2020 (photo : Stanislav Krasilnikov/TASS)