ALICE ET LE MAIRE DE NICOLAS PARISER

ALICE ET LE MAIRE
ALICE ET LE MAIRE

Le premier principe d’un critique de cinéma est d’exposer la situation de façon à ce que le lecteur sache de quoi il est question. C’est une constante vitale depuis la nuit des temps : qui fait quoi ? Les pourquoi, les comment, la kyrielle des interrogations et autres compléments circonstanciels viennent après, plus ou moins fournis, élaborés et travaillés, en deuxième place ou dispersés dans une discussion qui, elle, obéit à un principe complémentaire : à qui dois-je plaire ? À qui dois-je déplaire ? N’étant pas critique de cinéma, je me permets de divulguer ce deuxième principe, qui est très souvent masqué – l’époque le veut – derrière une palissade de lieux communs tous plus honorables les uns que les autres. Bien sûr, il existe des exceptions, d’heureuses exceptions, comme partout. Mais dans ce domaine comme dans celui des gens de cour, « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »

Il reste un troisième principe, celui de ne pas être critique professionnel et de laisser vagabonder ses pensées. Voici les miennes.

Paul Théraneau, maire de Lyon (Patrice Lucchini) est ennuyé : il n’a plus d’idées. Quelle mouche le pique d’embaucher une jeune philosophe, Alice Heimann (Anaïs Demoustier) pour remédier à cet état malencontreux, pour le faire penser ?

Plus d’idées, lui ? Allons donc ! Il suffit de l’entendre débiter la litanie des bons sentiments, de la gauche socialiste pour comprendre que le fond des idées lui reste, et même très bien expliqué. Peut-être est-ce l’inverse ? Il aura, sous-jacente, la grande idée d’aller aux extrêmes : soit de se retirer de la vie politique, soit de briguer le poste qui pourrait le propulser sous les ors de l’Élysée. Quitte ou double sous les lambris de la capitale rhodanienne. Mais cela, nous ne l’apprendrons qu’au cours de l’action, quand nous aurons vu Alice entamer sa première leçon de philosophie sur… la modestie !

Bigre, la modestie pour un homme politique ! Pourquoi pas la sincérité ? L’honnêteté, l’amour éperdu de la vérité même ? Première nouvelle ! Ici aussi c’est du quitte ou double. Mais ça marche. Alice écrit des notes, Alice grimpe les échelons de la mairie, Alice se trouve propulsée dans un grand bureau, se faisant un peu plus d’ennemis que d’amis, tout en s’en moquant comme de sa première… ce que vous voudrez. Et même ses « amis » commencent à lui donner des « conseils » de modération. Comprenne qui peut !

Le grand jeu ne durera pas. La grand-messe du parti socialiste éjecte Paul Théraneau dans les profondeurs politiques. Retour à une vie normale pour les deux principaux protagonistes. Un appartement de célibataire pour Théraneau, et une gentille petite famille pour Alice. On imagine que les autres se sont recasés. Il y a tant de fromages en France.

Donc l’histoire est simple, logique, apparemment morale. On nous explique que c’est un dialogue à fleurets mouchetés sur les contradictions de la pensée et de l’action. Oui. On distribue des étoiles, pourquoi pas ! Je dirais « bon film ». Lucchini excellent, Anaïs Demoustier très bonne, et belles prestations des autres dans leurs fonctions, malheureusement gâchées par cette manie de débiter toute phrase comme si le pari était de se rapprocher au plus près de l’aboiement. Si l’on y ajoute les gesticulations et trémoussements ostentatoires, on a deux films : celui où Lucchini est filmé à 24 images par seconde, et celui où les autres ne le sont qu’à 16, comme dans ces vieilles pellicules de la première guerre, avec leurs saccades et leurs allures de marionnetttes (Exception par Alice qui se retient).

On me dira que c’est fait exprès, qu’il faut coller à la réalité, à la démocratie, et autres fadaises. C’est possible, mais je ne marche pas dans cette mode. On ne la subit déjà que trop dans les rues et autres “sitcoms”. Je dirais même qu’il faut éviter de marcher dedans.

J’aurais aimé aussi un semblant d’explication sur le slogan imaginé par les « créatifs » créditant Lyon de 2500 ans. Est-ce une satyre de ces personnages, ou une lacune historique ? Pour la petite histoire, un timbre de 1957 célébrait les 2000 ans de Lyon. Comme le temps passe… vite, encore plus vite que je ne le pensais…

Bref, un bon film, comme d’autres.